PASSE-PORTES: L’émotion à pleurer de rire

Après une cérémonie d’ouverture ayant permis de remercier les nombreux partenaires du festival et de présenter les membres du jury, le festival francophone de théâtre et de musique Passe-Portes a présenté hier sa première pièce, La maîtresse en maillot de bain, sur la scène du Théâtre Serge Constantin, à Vacoas. Si la fraîcheur ambiante a fait sortir les petites laines, cette comédie de Fabienne Galula a vite fait grimper la température dans la salle, suscitant risettes, sourires et explosions de joie à un rythme de plus en plus soutenu. Les quatre comédiens donnaient ainsi leur millième représentation, et en proposeront une autre le samedi 28 mai à 20 h au même endroit. À voir absolument.
La magie de La maîtresse en maillot de bain réside dans un enchaînement dramatique qui va crescendo, sans faiblir, dans l’extériorisation des personnages, la révélation de leurs fragilités et petites folies vers un dénouement d’autant plus impressionnant que tout cela commence dans une forme de banalité quotidienne. Tout se passe en effet au son rafraîchissant de la cour de récréation, dans la salle des maîtres d’une école maternelle. Avec son décor enfantin aux couleurs acidulées, son mobilier typique du monde scolaire, ce lieu est ici davantage celui de la pause et des confidences que de la préparation des cours… On y boit beaucoup de thé ou de café, on y trouve d’étranges indices, tels un rat blanc malade en cage, une poupée bizarre représentant la directrice, d’inquiétants dessins d’enfants négligés, etc.
Myriam, institutrice et directrice, ne cesse de surjouer l’autorité qu’elle est censée incarner, tant auprès de ses collègues que des parents d’élève qu’elle a au téléphone. Mais quand sa mère l’appelle, elle cède à tout. Emmitouflé dans un cache-col et grippé, Rémi fait le gentil nounours introverti et plutôt lymphatique, qui écrit néanmoins un polar, tandis que son collègue, Nicolas, arrive en chantant, jouant le farceur séducteur que tout le monde aime partout où il passe.
Cet ordre des choses va être complètement bouleversé par l’arrivée de la psychologue, missionnée par le ministère de l’Éducation, Béatrice Mignon, avec ses tics de langages (« j’entends bien », etc), ses petites questions ou remarques indiscrètes et faussement innocentes, ainsi qu’un sens de l’évidence bien caractéristique de cette profession. La force de cette pièce, tant dans l’écriture de Fabienne Galula que la direction d’acteurs de Jean-Philippe Azema, le metteur en scène, est que ces personnalités se révèlent certes avec quelques surprenants traits saillants, mais ne franchit jamais la ligne rouge de la moquerie ou de l’irrespect, parvenant à révéler les fragilités et préoccupations secrètes des personnages avec toute la délicatesse et la finesse qu’incarne d’ailleurs Fabienne Galula en psychologue fine mouche.
L’air de rien, au fil des séances, avec ses petites questions et ses gestes, cette dernière ne se contente pas de faire éclore la personnalité de ses interlocuteurs : elle les transforme et nous assistons à ces métamorphoses en pleurant littéralement de rire. Ces dialogues ciselés, interprétés avec un sens particulièrement généreux de la répartie, ne laissent guère le spectateur tranquille, si bien que l’on éprouve les différentes facettes de l’émotion joyeuse, du simple sourire esquissé à l’explosion franche et sonore. Au fait, si la maîtresse se met de plus en plus à nu dans cette pièce, le secret du titre tient aussi et surtout à la comptine que l’on entend à un moment : « Haut les mains peau de lapin, la maîtresse en maillot de bain ! »
Pour l’avenir
Avant que la pièce ne soit donnée, la cérémonie d’ouverture du festival a vu le grand et merveilleux comédien, auteur et metteur en scène, Daniel Mesguish, monter sur  scène, en tant que président du jury de théâtre, qui décernera dimanche soir le prix Passe-Portes pour le meilleur projet théâtral et les prix Bernard Giraudeau d’interprétations féminine et masculine. À ses côtés se trouvaient le président du jury du prix d’écriture dramatique, Bernard Faivre d’Arcier, l’actrice et réalisatrice Julie Ferrier, l’extraordinaire actrice Valérie Mairesse, le comédien metteur en scène et directeur de théâtre Robert Bouvier, et Gaston Valayden, notre comédien et metteur en scène, fondateur de la compagnie Sapsiway. Autres jurés, le poète Sedley Assonne et l’écrivaine Michèle Rakotoson n’ont pu être présents mais participeront comme prévu.
Daniel Mesguish s’est réjoui de la joie et de l’enthousiasme affichés par le public dès l’apparition de l’animateur, faisant notamment remarquer : « Car il existe aussi une culture triste vous savez… » L’auteur de L’éternel éphémère a ensuite relaté une anecdote concernant Winston Churchill en pleine guerre mondiale, alors que les caisses de l’État se vidaient dangereusement. Comme un collaborateur lui suggérait la solution de prendre l’argent de la culture, il lui répondit : « Si nous faisons cela, à quoi bon nous battre contre la barbarie ? » Daniel Mesguish a aussi souligné l’importance de ce festival, qui « investit pour l’avenir ». Le soutien à la création et au jeune théâtre intrinsèque à Passe-Portes, la présence du théâtre pour enfants et adolescents témoignent effectivement de ce souci de renouvellement et de futur.

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