PATRICK MOURATOGLOU: « Il faut savoir s’adapter à son public »

Il cultive la différence avec une priorité, la performance et l’excellence. Passionné et volontaire, il dirige depuis 15 ans maintenant l’Academie de tennis qu’il a créée et reconnue comme l’une des plus performantes au monde. Ancien coach personnel de Marcos Baghdatis, Anastasia Pavlyuchenkova, Aravane Rezaï, Jeremy Chardy et Grigor Dimitrov, il entraîne désormais Serena Williams.  De passage à Maurice ( 9-23 courant, au Beachcomber Paradis Hotel au Morne) avec quelques joueurs pour préparer les prochaines échéances notamment l’Open d’Australie, il a accordé une entrevue à Week-End, parlant notamment des performances de la no 1 mondiale féminin et des objectifs de son équipe.
— Vous n’êtes pas à votre première visite sur le sol mauricien. Pourquoi privilégiez-vous cette destination ?
– J’en suis à ma 6e visite à Maurice avec mon équipe. Nous sommes très bien accueillis ici avec des conditions de travail qui sont vraiment exceptionnelles. Nous avons fait ce choix et nous ne l’avons jamais regretté. Nous avons à notre disposition un hôtel fabuleux et nous bénéficions dans cet hôtel d’un complex sportif avec des terrains de tennis, des salles de préparation physiques et de kinés. Et le peu de journée de repos que nous avons, mais qui existe quand même, nous en profitons pour nous détendre. C’est un lieu magique.
—Est-ce qu’en cette période, la chaleur ne pose-t-elle pas un problème aux joueurs ?
– Non pas du tout. En janvier, nous sommes en Australie, en février au Moyen Orient, aux États-Unis en mars, sur le Vieux Continent en avril-mai-juin et ensuite nous repartons en Amérique. Nous suivons le soleil tout le temps. Donc, nous l’avons en permanence. C’est notre lot quotidien. Nous souhaitons nous préparer dans les conditions les plus proches  de celle que nous allons rencontrer lors de l’Open d’Australie en janvier, c’est-à-dire dans la chaleur, avec du soleil et du vent parce que les organismes mettent pas mal de temps à s’acclimater aux conditions. De ce fait, si nous nous préparions en Europe, dans le froid, ce ne serait pas cohérent par rapport aux tournois auxquels les joueurs vont participer bientôt. Cela a donc du sens pour nous de nous entraîner dans des conditions similaires à celui de l’Australie. Bien évidemment, il n’y a pas que Maurice qui présente ce genre de conditions mais comme je l’ai dit plus tôt, nous sommes très bien accueillis ici.
— En ce qu’il s’agit de l’Open d’Australie, êtes-vous confiants quant aux chances de vos protégés ?
– Je vous dirai que nous sommes confiants. La préparation a été excellente. Ils sont tous prêts et ont hâte d’en découdre. L’objectif sera d’aller le plus loin possible dans la compétition. Dans le sport, il n’y a pas d’assurance tout risque. Quand on fait de bonnes préparations, en général, ça se passe bien . Les joueurs dans l’ensemble se sont très bien préparés depuis le début de l’année participant à bon nombre de compétitions. Jérémy Chardy avait même atteint les quarts de finale de l’Open d’Australie cette année. Il faudra donner le maximum et les joueurs en sont conscients. Ensuite, il y a toujours une petite part de hasard et on n’est pas à l’abri d’un mauvais jour. Ça fait partie du sport.
— Avez-vous élaboré un plan de travail particulier pour vos joueurs durant votre séjour ici ?
– Nous nous entraînons quatre jours sur cinq. Durant ces quatre jours, il y a quatre heures de tennis, deux heures de préparations physiques. Tous les trois jours, nous avons une épreuve physique en groupe comme par exemple un triathlon et un bike & run. La préparation physique est un travail individualisé pour chaque joueur. C’est vraiment très lourd.
— Dans votre carrière, vous entraînez de grands joueurs aux tempéraments bien différents. Comment faites-vous pour gérér ses égos ?
– Cela fait partie de mon métier, de parler à chaque joueur d’une  façon différente dépendant de son tempérament. Ils ont tous des conceptions  différentes du tennis. Ils ont aussi des personnalités différentes. Il y en a ceux avec lesquels il faut être très dur et d’autres plus doux sinon il se braque. Il faut savoir s’adapter à son public. Quand j’ai travaillé par exemple avec Jérémy Chardy, je ne travaille pas de la même manière qu’avec Serena Williams. Je ne travaille pas avec un jeune comme Enzo Couacaud de la même manière qu’avec Serena Williams, qui a déjà gagné plusieurs tournois du Grand Chelem avant de s’entraîner sous ma tutelle. Donc forcément, elle a un vécu qui est complètement différent, une personnalité différente. Elle a une idée précise de ce qu’elle doit faire pour se sentir bien. Et mon travail est d’emmener ce petit plus supplémentaire pour qu’elle soit plus performante.
— On dit de vous avez une méthode différente voire atypique. Expliquez-nous ?
– (Rires) Conscient des exigences du haut niveau, je prends en compte les particularités des joueurs et de leur entourage. Motivation, communication et conviction forment mon mode d’expression. Je cherche des gens extrêmement déterminés. Sans détermination, c’est impossible. Ils sont incroyablement motivés, c’est aussi pour cela que c’est parfois dangereux. Et la force de conviction encadre toute la méthode. Convaincre pour vaincre et persuader pour transmettre façonnent le petit lexique du parfait communicant. Le coach doit être psychologue, c’est un métier de communication. Grosso modo, le processus est simple. Si je suis réellement à votre écoute, vous allez avoir le sentiment que je vous comprends. Si vous avez l’impression que je vous comprends, vous allez m’écouter. Mon expérience me montre tous les jours que le joueur qui réussit est celui qui prend confiance en lui et en ses moyens, qui se découvre et qui arrive à exploiter au maximum ses aptitudes et son potentiel.
— Serena Williams a connu une année 2013 exceptionnelle. Nommée athlète féminine 2013 et raquette d’or, elle a pratiquement tout gagnée. D’ou puise-t-elle cette énergie et ce mental de fer à toute épreuve ?
– Au fait, c’est la question que tout le monde se pose. Elle a 32 ans et les deux dernières saisons étaient carrément les meilleures de sa carrière. Elle est vraiment étonnante, ça c’est clair. Mais c’est une championne à part. Elle possède la faculté d’oublier immédiatement quand elle réussit quelque chose et se refixer un autre objectif. Elle est en permanence dans cette recherche d’être performante à la prochaine étape. Jamais rassasiée de victoires et grande professionnelle, on ne peut pas rêver mieux.
—À Maurice, nous suivons avec une attention particulière le parcours d’Enzo Couacaud, lui qui est d’origine mauricienne. Comment se passe son intégration au sein de la Team Mouratoglou ?
– Enzo est arrivé à l’académie il y a trois ou quatre ans. Il avait déjà un bon niveau mais il a progressé très vite depuis. Il était dans les 20 meilleurs mondiaux en juniors et a commencé les tournois professionnels cette année. Il se classe maintenant 480e mondial en un an chez les pros. Ce qui constitue une très belle progression pour une première année. Après, ce n’est que le début, la route est encore très longue. Il ne faut en aucun cas se relâcher. En tout cas, ce qu’il a montré en ce moment est très rassurant. C’est un bosseur, sérieux, volontaire et qui possède des qualités incontestables pour aller très loin.
Parlez-nous en des qualités et faiblesses de ce jeune prodige ?
– Les faiblesses je ne vous les dirai pas. En ce qu’il s’agit des qualités, je dirai qu’il a un revers vraiment exceptionnel. Il a un très bon sens du jeu, étant très intelligent sur le court. Voilà. Maintenant, il faut qu’il développe petit à petit son agressivité pour qu’il soit dominateur dans les échanges.
—Vous avez entraîné de grands joueurs tout au long de votre carrière. Y en a-t-il qui vous a marqué?
Serena Williams, forcément. C’est peut-être la plus grande championne de l’histoire du tennis. En tout cas, elle est en train d’écrire l’histoire. Elle l’écrit en ce moment chaque jour car elle est actuellement la plus ancienne no 1 mondiale encore en activité. Elle a battu le record de tous les temps du prize money et n’a perdu aucun match sur terre battue de toute la saison. Elle a chaque année le record du nombre d’aces et encore bien d’autres records, notamment le nombre de victoires consécutives, etc…On ne peut qu’être marqué par le fait de travailler avec elle tous les jours.
— Et les objectifs pour 2014 ?
– C’est des objectifs individuels pour chacun. Chaque joueur a ses objectifs. C’est souvent des objectifs de travail pour s’améliorer. Jérémy Chardy s’est lui fixé comme objectif d’intégrer les 20 meilleurs mondiaux, chose qui n’est pas simple mais faisable. Serena Williams aura pour but d’être encore plus performante en Grand Chelem. Elle en a gagné deux l’an dernier. On va essayer de faire mieux. Enzo Couacaud doit, lui, pouvoir intégrer le top 250 ATP. Ce serait alors très bien.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -