PATRIMOINE: Une étude de Prosper d’Épinay à Maurice

Le couple Bréville a fait l’acquisition d’une étude en bronze qu’a réalisé le sculpteur mauricien Prosper d’Épinay en 1897 pour la célèbre statue composite de Jeanne d’Arc qui est entrée à la cathédrale de Reims. Adjugée à Rs 110 000 chez le commissaire priseur orléanais Pousset-Cornet, ce visage de la pucelle d’Orléans est déjà ressemblant à la forme définitive qu’il prendra lorsqu’il sera sculpté dans l’ivoire pour « Jehanne au sacre », celle que le sculpteur appelait sa fille chérie.
Il a fallu dix heures au couple Bréville pour dédouaner un colis peu ordinaire en provenance de France : une étude pour « Jehanne au sacre » que Prosper d’Épinay a réalisé en 1897 dans son atelier romain. La statue définitive représente Jeanne en pied, armée et casquée, les yeux baissés, prostrée dans une attitude martiale, mains appuyées sur la garde de son épée, qui est pointée au sol. Par sa contribution à la guerre de Cent ans, Jeanne d’Arc qui disait être missionnée par des voix célestes, a rouvert grâce à ses victoires contre les Anglais la route de Reims. Le roi Charles VII a alors pu être sacré dans cette ville contre la volonté d’Isabeau de Bavière. Jeanne d’Arc a fait sacrer ce roi qui avait cru en elle le 17 juillet 1429. Cette date représente l’apogée de sa vie avant qu’elle ne perde des batailles, qu’elle ne soit blessée, puis vendue par un Bourguignon et poursuivie pour hérésie et sorcellerie. Elle sera brûlée vive sur la place de Rouen. Son roi attendra de longues années avant de la faire réhabiliter.
Le sculpteur mauricien a achevé « Jehanne au sacre » en 1901, avant de l’exposer au Salon des artistes français en 1902. Elle sera donnée la même année par un mécène à la cathédrale de Reims en Picardie. Après avoir été rénovée suite à un incident récent, elle a retrouvé sa place parmi les pièces maîtresses de la sublime cathédrale, dans une chapelle absidiale. Pour cette statue polychrome et composite, l’armure est confectionnée dans le bronze argenté, le visage est sculpté dans l’ivoire et la tunique dans un marbre jaune de Sienne, parsemé de fleurs de lys en lapis lazuli ! Un article du 19 avril 1909, écrit à l’occasion de sa béatification et intitulé « Jeanne d’Arc sort vivante de son bûcher », décrit cette oeuvre en termes élogieux. Le procès en canonisation ouvert immédiatement a abouti dix ans après. De nombreux écrivains et artistes du 19e et du 20e siècle ont célébré la petite bergère lorraine, qui a contribué à l’unification de la France lors d’une de ses plus terribles guerres.
Symbole de vaillance
L’acquisition des Bréville a une valeur de symbole en regard de la précieuse statue de Reims qui compte parmi les oeuvres les plus importantes de l’artiste, avec aussi le couple en marbre Paul et Virginie qu’on peut admirer au Blue Penny Museum. Façonnée dans une feuille de bronze creuse, cette jolie tête pèse 15 kg et mesure 45 cm de haut. Ses nouveaux propriétaires en ont fait l’acquisition par soucis de rassembler à Maurice ce qui a trait à son patrimoine. Ils l’exposeront dans leur musée dès que possible. Si le personnage de Jeanne d’Arc ne nous concerne pas directement, il était choyé par Prosper d’Épinay qui l’appelait « ma fille chérie ». Il avait même confectionné un médaillon à son effigie pour sa propre tombe. À Maurice, outre le tableau qui la représentait à la cathédrale Saint-Louis, le mouvement des « âmes vaillantes » devenu Action catholique de l’enfance, enseignait les valeurs de courage et de bravoure à travers l’exemple de Jeanne d’Arc. Tristan Bréville nous apprend aussi que la première femme photographe Nancy Drenning et ses soeurs vouaient une admiration sans borne à l’héroïne française.
Lorsqu’elles ne figurent pas tout simplement dans les collections des musées, les oeuvres de Prosper d’Epinay sont toujours prisées dans les salles de vente. Né à Pamplemousses en 1836, fils d’Adrien d’Epinay, il a vécu entre Paris, Rome et Londres à partir de 1851. Il est occasionnellement revenu au pays natal avec plusieurs sculptures de notre patrimoine telles que l’allégorie d’un cyclone, la représentation de Sylvain le piqueur, celle de son propre père, des caricatures signées Nemo ou encore le magnifique Paul et Virginie. La précieuse de statue « Jehanne au sacre » sera son dernier chef-d’oeuvre avant sa mort en 1914 à Saint-Cyr-sur-Loire en France.

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