PAUL JONES (CHIEF EXECUTIVE OFFICER DE LUX* RESORTS): « Il faut revoir la marque Maurice »

« Il faut revoir la marque Maurice », estime le Chief Executive Officer de LUX* Resorts. Pour Paul Jones, « il faut mettre en valeur la destination et l’image de Maurice et son peuple fantastique. Tout cela est une question de promotion avec un budget à la hauteur de nos ambitions ». Notre interlocuteur insiste également sur l’importance d’une stratégie touristique soutenue par une campagne promotionnelle qui peut avoir un impact plus positif en Europe, que ce soit en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Il souligne également l’importance du marché chinois en plein développement et des travaux de rénovation à LUX* Belle Mare pour mieux s’adapter à la clientèle chinoise.
On parle beaucoup de l’industrie touristique en ce moment alors que nous recevons presque un million de touristes. Quelle est votre évaluation de la situation ?
Je pense qu’il y a une explosion dans la création du nombre de chambres, qui a augmenté très rapidement durant les trois ou quatre dernières années. Malheureusement, le nombre de sièges disponibles à bord des avions n’a pas suivi proportionnellement. De plus, les chambres créées n’étaient pas nécessairement de quatre ou cinq étoiles. Par conséquent, il y a eu une augmentation de l’offre dans la partie bas de gamme de l’hôtellerie. Il est évident qu’on ne peut pas nous attendre à ce que le lower market touristique dépense autant que le niveau haut de gamme. Ce qui explique que les dépenses moyennes des touristes ont enregistré une baisse. En gros, le gâteau touristique est partagé par plus de chambres, justifiant ainsi le mécontentement des opérateurs touristiques et hôteliers.
Personnellement je vois la situation différemment. Je constate que l’introduction d’un deuxième Airbus A 380 par Emirates à partir du 24 octobre apportera un nombre de sièges supplémentaires et nous aidera à sortir de cette situation. Je pense qu’Emirates introduira à terme un troisième A 380 sur la destination Maurice l’année prochaine. Le fait que Dubaï soit un hub aérien nous donne la possibilité d’élargir notre offre vers plusieurs pays fournisseurs de touristes. C’est un point très positif.
L’autre point positif est qu’Air Mauritius a introduit des nouvelles liaisons aériennes : la Chine, dont Shanghai et Beijing, qui sont venus s’ajouter à Hong Kong. De plus, l’arrivée de Southern China Airlines est très importante. Elle rassure la clientèle chinoise et nous permet d’être en contact avec Chenzen. La Chine est immense, avec des populations énormes dans chaque région. Ce pays a apporté une croissance considérable depuis les derniers douze mois. Je suis convaincu que ce marché continuera à croître. Les Chinois adorent Maurice et la possibilité de visiter le pays, d’apprécier la plage, de faire du shopping et des excursions à travers l’île. L’île Maurice commence à s’en sortir de manière générale.
Comment se porte LUX* ?
Au niveau de LUX*, je suis très satisfait du progrès accompli durant les quatre dernières années. On a connu une croissance au niveau du remplissage chaque année et au niveau de nos revenus moyens. Je pense qu’il nous faudrait adopter une attitude plus positive et encourager le gouvernement à dépenser plus sur la promotion. C’est très important parce qu’il faut toujours mettre en avant la valeur de l’image de Maurice pour qu’elle soit perçue comme une « high class, top quality destination ».
(Apercevant un couple de nouveaux mariés chinois, Paul Jones en profite pour faire ressortir que des mariages de couples chinois sont célébrés presque tous les jours). Cela montre que Maurice attire des touristes qui veulent s’y marier et passer leur lune de miel, avec leurs familles.
Maurice projette l’image d’un havre de paix avec une population mélangée, multiraciale et multiculturelle vivant en harmonie. Malheureusement, on vit dans un monde où les mauvaises nouvelles sont quotidiennes. L’actualité internationale est déprimante, avec son lot de guerres et de problèmes partout. Dans un monde en constante ébullition, Maurice représente ce havre de paix où le peuple contribue énormément à créer une ambiance de détente, où tout le monde, indépendamment de ses origines ethniques et religieuses, donne le meilleur de soi-même pour que le client soit « mari kontan ». C’est cela le but.
Maurice est donc une destination touristique toujours attirante ?
Certainement. Cependant, il faut régulièrement promouvoir cette image dans les marchés porteurs comme la France, l’Angleterre et l’Allemagne. Il faut trouver des astuces pour informer les touristes sur ce qui les attend ici. Pour moi, l’offre mauricienne est unique, mais il ne faut pas perdre de vue qu’il y a beaucoup de concurrence.
Pourquoi les pays comme les Seychelles, les Maldives ou le Sri Lanka sont aujourd’hui en avance sur nous alors qu’ils étaient derrière nous il n’y a pas si longtemps ?
Malheureusement, on n’a pas réagi rapidement face à la crise internationale de 2008. Je n’étais pas là à cette époque, mais lorsque je suis revenu j’ai constaté que tout le monde était en train de se plaindre au lieu de porter des solutions et de réagir positivement. Chacun blâmait quelqu’un d’autre. Aux Maldives, ils sont allés chercher les Chinois il y a six ans. Ils ont fait venir des vols de la Chine et trouvé des solutions. On le fait maintenant et il ne faut pas regarder en arrière. Il faut continuer à regarder vers l’avenir, apporter des solutions et agir.
Sentez-vous qu’il y a une mobilisation nationale suffisante pour soutenir l’industrie touristique ?
Il y a une compétition saine entre les opérateurs. Il faut néanmoins qu’il y ait une locomotive qui pousse vers l’avant. Ce n’est pas encore le cas.
Qui devrait agir comme locomotive ?
Tout le monde doit mettre la main à la pâte. Il faut un budget plus important pour la formation et que cet argent soit dépensé à travers de bonnes campagnes de promotion pour la destination. Il ne faudra pas le gaspiller. Aux Maldives ils ont beaucoup utilisé la télévision pour leurs campagnes de promotion. On ne l’a pas suffisamment fait. Je suis convaincu qu’il y aura une remise en ordre parce que le tourisme est très important pour l’économie. C’est également une grande famille, car on n’est pas en guerre l’un contre l’autre. On n’est en guerre ni contre le gouvernement, ni contre la MTPA. On peut se mettre tous ensemble et mettre le paquet pour que cela avance. Il faut, d’une part, promouvoir l’île et d’autre part trouver les lignes aériennes susceptibles d’apporter des sièges. La dernière en date est China Southern. On a parlé de Turkish Airways et de Qatar Airlines, mais ça ne s’est pas encore concrétisé.
La zone euro est encore en crise. Quels sont véritablement les marchés porteurs ?
C’est la Chine, tout le monde veut les Chinois ! Puis il y a la Grande-Bretagne, la France…
Et l’Inde ?
L’Inde n’est pas mal, mais n’est pas comparable à la Chine. Les Chinois ont de l’argent et veulent dépenser. Il y un potentiel considérable dans toutes les tranches d’âge. C’est un marché nouveau. Ce n’est que durant les cinq dernières années que les Chinois ont eu les moyens et la possibilité de voyager. Les autorités mauriciennes ont pris une décision très intelligente en décidant que les Chinois n’avaient pas besoin de visa pour venir à Maurice. Inversement, les Mauriciens n’ont pas besoin de visa pour se rendre en Chine.
Le marché mauricien arrive-t-il à s’adapter à la demande chinoise ?
Ici à LUX* Belle Mare nous avons travaillé très dur pour innover, créer une ambiance et des facilités différentes. On a voulu créer une offre différente pour la clientèle chinoise, quelque chose qu’elle ne trouvera pas ailleurs, surtout au niveau de la restauration. On a commencé en décembre avec un restaurant sur la plage, avec salon, DJ, etc. C’est très moderne avec une cuisine méditerranéenne et un Josper Oven pour préparer de la viande au charbon de bois et un mix-buffet avec une variété de cuisines de tous les pays. Le pain et le croissant sont faits devant le client pour que ce soit comme dans un théâtre. Nous avons aussi plusieurs restaurants chinois, dont Le Canard Laqué qui offre une variété de plats.
Comment vous êtes-vous préparés pour mieux accueillir la clientèle chinoise ?
Les membres du personnel ont suivi des cours de mandarin. Je m’y suis aussi initié. Nous avons aussi des Chinois qui travaillent dans tous les départements. Le sous-directeur parle le mandarin couramment. Au niveau de la restauration et à l’accueil il y a des personnes qui parlent chinois. Il y a toujours quelqu’un pour répondre à leurs questions. Une hotline fonctionne 24/24h pour répondre aux questions, en mandarin. Des tablettes ont été placées dans les chambres avec possibilité d’avoir les menus en mandarin. Des explications sur Maurice sont également données en mandarin. Au petit-déjeuner nous avons une offre adaptée aux Chinois. Nous n’avons aucun souci avec notre clientèle chinoise. Une fois qu’elle sait qu’on s’occupe d’eux et qu’elle est à l’aise, il n’y a pas de problèmes.
Depuis votre retour à LUX* vous avez réussi à faire de la compagnie une entreprise profitable. Quel est votre secret ?
L’esprit d’équipe ! Nous avons une équipe qui travaille ensemble et une direction collective. On a commencé par les valeurs. Tout le monde a la même vision des choses et une certaine rigueur dans le travail. Le sens de leadership est important. Il est primordial de donner l’exemple. Pendant les travaux de rénovation de LUX* Belle Mare je suis ici 24h/24. Il faut soutenir tout le monde. Lorsqu’on veut apporter un changement, il faut être présent sur place. Ceux qui n’aiment pas sont partis. D’autres sont venus et sont fantastiques. Ils ont mis la main à la pâte. Tout dépend de la personne. Si on a cette motivation qui vient de l’intérieur ce n’est pas l’argent qui compte, mais l’engagement et la conviction qu’on peut réussir ce qu’on entreprend. On a une équipe extrêmement solide et douée. Il faut également avoir une approche humaine.
Pensez-vous qu’il y a trop d’hôtels à Maurice ?
Je pense qu’il faudrait faire une pause pour rattraper les sièges d’avion. L’aéroport SSR a la capacité d’accueillir un grand nombre de touristes. Il faut s’arrêter. On a ce qu’on a. Il faut toujours améliorer. Il faut toujours essayer d’innover en permanence.
L’industrie touristique mauricienne a donc de l’avenir ?
Il faut mettre en valeur l’image de Maurice et son peuple fantastique. Tout cela est une question de promotion avec un budget essentiel à la hauteur de nos ambitions. Il faut augmenter le nombre de sièges et de connexions avec les pays où on doit chercher les clients. Il faut agir vite, car le marché est là. Il faut une meilleure communication, des connexions aériennes et consolider cette relation entre la Chine et Maurice. Nous devons mettre en place une campagne promotionnelle avec un impact plus positif en Europe, que ce soit en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
« Maurice est un plaisir » serait-il un slogan dépassé ?
Peut-être…
Il faut donc un nouveau branding ?
Je crois qu’il faut revoir la marque Maurice. L’image de Maurice d’aujourd’hui n’est pas celle de 1975, l’année où je suis arrivé ici. À l’époque Maurice était un grand village avec un petit aéroport. Il y avait très peu d’hôtels. Aujourd’hui, il y a un réseau routier très développé et des centres commerciaux. Il faut faire une introspection sur ce que Maurice représente. Ce n’est pas un grand travail, il s’agit d’avoir une bonne boîte de branding.
On a parlé d’atteindre les 2 millions de touristes. Est-ce réaliste ?
À long terme oui. Il faut qu’il y ait un plan, une stratégie à long terme pour l’industrie touristique. Il faut de l’action. Je suis quelqu’un de très impatient. J’ai fait la rénovation de LUX* Belle Mare en deux mois.
Nous nous acheminons vers des élections et un autre gouvernement. Quel message voudriez-vous faire passer ?
Ce sera l’occasion de changer de stratégie ou de projeter une nouvelle stratégie. Ce n’est pas seulement Maurice qui cherche les touristes. Beaucoup d’autres pays le font. Il faut agir. J’espère que le prochain gouvernement va prôner l’action et vite.

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