Perdre un proche pendant le confinement : La douloureuse épreuve des familles endeuillées

Le confinement ne permet pas les rites funéraires durant lesquels les proches accompagnent les défunts dans ce dernier voyage. Pas de prière autour de la dépouille, ni de bénédiction d’un prêtre et pas de passage à l’église. Ceux qui ont perdu des membres de leurs familles ces dernières semaines ont été davantage frappés par les limites imposées. Ne pas avoir pu dire adieu correctement leur fend le cœur. Mais il fallait bien respecter les règles.

- Publicité -

Ravin Appadoo, 59 ans, est mort du Covid-19. Sa femme et ses enfants étant en quarantaine n’ont pu assister aux obsèques. “C’était très dur, tout était différent et ça s’est passé très vite. Quelques heures après son décès, mon frère était déjà au crématoire”, explique Koosma Appadoo. Ce dernier a été l’un des seuls membres la famille à avoir pu assister à la crémation. “C’était un moment très dur. J’avais une pensée pour sa femme et ses enfants qui auraient dû être là.” En temps normal, dans cette famille télougou, prières et chants auraient accompagné le défunt et auraient permis à la famille de lui témoigner un dernier hommage. “La seule chose qu’on a pu faire, c’est de suivre une prière prononcée par un Acharya trois jours après la crémation à travers Whatsapp. On avait également demandé à ses proches de faire des prières peu importe où ils étaient afin d’accompagner le défunt à 17h, l’heure de la crémation”, indique M. Ramana, parenté au défunt. Malgré tout le deuil est lourd à porter dans les présentes conditions.

Rites et coutumes.

Ceux qui ont perdu un proche depuis le confinement doivent se plier aux règles. Pas de veillée mortuaire, la plupart des rites et coutumes n’ont pu se faire, pas de passage à l’église ou au temple et un nombre limité de personnes autorisées au cimetière. Les enterrements et crémations ont lieu le jour. Les religieux ne peuvent se déplacer pour prier avec la famille.

“On n’a même pas pu avoir un prêtre pour bénir le corps de mon père. Ma sœur et ma cousine ont dû se substituer au prêtre pour les prières. C’était très dur, d’autant plus que nous n’avions même pas pu le voir à l’hôpital avant qu’il ne pousse son dernier souffle”, explique Sharonne. Marie-Ange Lebon, dont le père est décédé raconte de son côté : “C’est mon neveu qui a parfumé le corps à l’encens chrétien.”

L’absence de rites religieux conventionnels est mal acceptée. Sharon, qui vit toujours difficilement la perte de son père ajoute : “Il était très croyant. Il est mort avec un chapelet au cou. Ça m’a fait énormément de peine de ne pas pouvoir apporter son corps à l’église. Tout ce qu’on a pu faire, c’est de passer devant l’église en route pour le cimetière.” Après le décès de sa belle-mère Marieanne Ermio a connu la même situation : “Nous n’avons pu lui rendre hommage comme nous l’aurions souhaité.

Accès restreint au cimetière et lieu de crémation.

Dans le cimetière, seule la famille proche est admise. “Nous n’étions qu’à cinq dans le cimetière. Ça m’a rendu encore plus triste. Mon père était quelqu’un de populaire, beaucoup de monde le connaissait. J’aurais aimé que ses connaissances aient la chance de lui rendre un dernier hommage.” Ridwan n’a pu descendre dans le fossé pour y déposer le corps de son père comme le veut la tradition musulmane : “C’est quelque chose de très important chez nous. J’ai de gros regrets”, dit-il en pleurs au téléphone.

Marieanne Ermio est aussi bouleversée : “La fille de ma belle-mère n’a pu venir à l’enterrement faute de moyen de transport. Mon mari, avec son diabète, n’a pas, non plus assisté à l’enterrement de sa mère. Imaginez leur douleur.”

Sa belle-mère étant décédée un dimanche, la famille de Marieanne Ermio n’a pu trouver des fleurs pour la défunte. “Ça fait mal de voir un être cher s’en aller comme-çà sans même un bouquet de fleurs. Elle ne méritait pas çà. C’est ma belle-mère depuis plus de 40 ans, c’était une femme exceptionnelle. Le confinement a rendu son enterrement très difficile.”

Mauvaises langues.

Marie-Ange Le bon se désole du manque de tact et de compassion auquel elle a été confrontée lors des funérailles. “Nous sommes allés au cimetière de St Jean pour demander un bout de terre. La personne qui devait nous renseigner nous a fait attendre une bonne dizaine de minutes en parlant au téléphone. On a entendu toute sa conversation, c’était un appel personnel. Après quoi, le monsieur nous a enfin parlé pour nous dire qu’il n’y avait plus de place. C’était un véritable manque de respect de sa part. Je me suis sentie affaiblie, çà n’a fait qu’ajouter à la douleur.”

Alors qu’elle fait le deuil de son papa, Sharonne ne peut retenir sa colère contre certaines mauvaises langues qui ont fait preuve de non-respect à l’égard de sa famille. Ainsi raconte-elle que beaucoup sont passés par ses contacts pour essayer de savoir si son père était décédé après avoir été infecté par le Covid-19. “Il y a plusieurs personnes qui ont tiré cette conclusion hâtive. Ce genre de comportement est difficile à gérer, je suis très en colère contre ses personnes-là.”

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -