Père Georgy Kenny : «Que la visite du pape François cimente davantage l’enthousiasme patriotique ! »

Témoin de l’atmosphère fraternelle et de l’enthousiasme patriotique ayant prévalu au sein de la République de Maurice lors des derniers Jeux des ÃŽles, le Père Georgy Kenny, responsable du Comité diocésain de la visite du pape, émet le cher souhait que ce prochain événement soit une autre occasion pour rassembler les Mauriciens et « cimenter davantage » le vivre-ensemble dans lequel il croit profondément. « Le mauricianisme authentique dans lequel je crois est réalisable tant qu’il n’est pas parasité par des politiques qui ont un autre agenda. Je souhaite que cette visite cimente davantage et ne soit pas récupérée politiquement et avec des slogans creux sans véritable désir de ce vivre-ensemble », affirme sans détour le Père Kenny. Notre invité met en lumière quelques traits de la personnalité du Pape François qu’il a eu l’opportunité de rencontrer plus d’une fois à Rome et qui surprend, nous dit-il, par sa simplicité tant dans ses discours que dans sa manière de vivre.

- Publicité -

En tant que responsable du comité diocésain pour cette visite quels sentiments vous habitent à un mois de l’événement?
La mobilisation que la visite du pape suscite tant dans le diocèse qu’au niveau du gouvernement me frappe, et on le voit dans les préparatifs. C’est une préparation très courte et qui requiert beaucoup d’investissement en termes de temps et de ressources humaines mais je sens de la part de tout le monde le plaisir d’accueillir le Pape François. D’un côté, beaucoup de personnes donnent de leur énergie et de l’autre, nous sentons l’attente des Mauriciens. C’est une source de satisfaction. Déjà avant la dernière conférence de presse conjointe Gouvernement–Diocèse, des personnes nous demandaient des informations sur le trajet qu’il empruntera et où il s’arrêtera mais nous ne pouvions leur donner ces détails à cette date. Mais à présent les choses sont beaucoup plus précises et nous avons commencé à donner les détails, et au fur et à mesure nous communiquerons d’autres informations.

Est-ce que vous arrivez à assumer en même temps vos responsabilités de curé à la paroisse Saint Pierre ou êtes-vous momentanément en retrait de cette fonction?
J’avoue que mon agenda est un peu bousculé depuis le mois de mars. En tant que coordonnateur je suis un peu comme celui qui est dans une tour de contrôle et qui doit avoir l’Å“il à tout. Mon téléphone n’arrête pas de sonner. C’est un investissement quotidien que je porte dans la prière. C’est une grande joie de pouvoir être associé à cette préparation. Mais je suis aussi dans ma paroisse et j’ai le soutien des laïcs qui assument certaines responsabilités. Leur collaboration est précieuse. Je n’ai pas besoin d’être partout mais je suis présent aux activités et événements où ma présence est nécessaire comme pour les réunions du conseil pastoral et de la Fabrique.

Y aurait-il une étape de préparation qui reste à être bouclée ou un aspect qui vous stresse le plus?
Il n’y a pas de gros macadams et les choses évoluent dans la bonne direction depuis l’annonce de cette visite. Nous sommes dans les préparatifs avec deux questions spécifiques : comment est-ce que nous voulons accueillir le Pape et comment nous voulons vivre cette journée du 9 septembre ? À un mois de cette visite nous sommes dans le fine-tuning avec les répétitions qui ont commencé à plusieurs niveaux tant pour la messe que pour la partie protocolaire sous la responsabilité du gouvernement. Nous sommes dans le concret et nous faisons tout pour que la visite se passe bien et que tout le monde soit content. Il est tout à fait normal que le gouvernement qui accueille une figure aussi importante que celle du Pape a le souci par rapport à sa sécurité. C’est aussi le nôtre. La chose la plus importante est que cette journée du 9 septembre soit vécue dans un élan unificateur.

A quel type de visite devraient s’attendre les Mauriciens maintenant que le programme est finalisé et que beaucoup de détails ont été réglés ?
Il n’y aura rien de clinquant dans cette visite. Le pape François est un homme simple et nous allons tenir compte de cette simplicité dans l’accueil que nous lui réservons. Il ne roulera pas dans une berline mais dans une voiture commerciale que des Mauriciens peuvent s’acheter. Cette simplicité de la personnalité du Pape est édifiante et peut-être même interpellante pour l’Église et aussi pour tout le pays. Il n’y aura pas d’extravagances pour sa visite. Nous souhaitons une visite dans la simplicité et même dans les choses basiques comme pour le repas. Je voudrais aussi souligner que le Pape vient dans une partie du monde qu’il n’avait pas encore visitée et il vient dans l’océan indien en tant que pèlerin de paix. Il vient nous visiter en tant que responsable de l’Église catholique et avec un statut de Chef d’État. Il aura sûrement une parole à nous donner en tant que pasteur et comme une personne ayant un regard sur le monde.

Quels sont selon vous les enjeux pour Maurice par rapport à cette visite papale ?
L’Île Maurice vient de vivre un temps très fort avec les Jeux des ÃŽles. On ne peut être insensible à ce qui s’est passé durant ces dix jours et tout le monde a été marqué par cette ambiance chaleureuse et unitaire qui a régné. Cet événement a fait apparaître qu’il est possible de vivre le mauricianisme autour d’un idéal rassembleur. Un des enjeux de cette visite est que cet événement cimente davantage l’enthousiasme patriotique que ces derniers « Jeux » ont suscité. Nous ne devrions pas attendre les Jeux des ÃŽles pour vivre cela. Le vivre-ensemble mauricien est possible dans le quotidien et dans le faire-ensemble sinon cela risque de n’être qu’un slogan; et je crois que les jeunes en sont un élément catalyseur. Le mauricianisme authentique dans lequel je crois est réalisable tant qu’il n’est pas parasité par des politiques qui ont un autre agenda. Je souhaite que cette visite ne soit pas récupérée politiquement et avec des slogans creux sans véritable désir de ce vivre-ensemble.

Il s’agit d’une visite de quelques heures et non-résidentielle contrairement à celle de Jean-Paul II qui avait passé trois jours sur le sol mauricien ; que répondez-vous à ceux qui font des comparaisons ?
Les personnes qui ont vécu la visite de Jean-Paul II gardent des souvenirs mémorables et cela est très réconfortant pour le diocèse. Mais ils s’attendent à une visite similaire alors que nous avons deux personnalités différentes et en outre, comme vous le faites remarquer, le Pape François sera là pour neuf heures seulement. Ces deux personnalités ont chacune un charisme différent et pour connaître celle du Pape François il faudrait lire ses écrits. La visite du Pape François sera très courte mais intense et on aurait aimé qu’il passe plus de temps chez nous pour qu’il puisse sentir le peuple mauricien et les réalités du pays. On lui donnera l’occasion de se plonger dans cette atmosphère de la société mauricienne lors de la messe à laquelle nous donnerons une dimension pluriculturelle. Cette célébration lui permettra aussi de découvrir les îles de la région dans leur diversité au travers les délégations et les évêques qui seront présents. Les îles ne seront pas là comme des figurants car elles ont été associées à la préparation de la messe.

L’affiche officielle de cette visite présente le Pape François comme « Pèlerin de Paix »; comment a été choisi ce thème ?
Cette visite coïncide avec le pèlerinage du Père Laval et le pape prend son bâton pour aller à la rencontre des périphéries et visiter les peuples. Ce n’est pas nous qui avons choisi la date. Rome nous a informés que le Pape viendra dans la région et qu’il viendra à Maurice le 9 septembre. C’est un heureux hasard et c’est aussi un joli clin d’Å“il à notre pays. En tant que pèlerin, il ira au Tombeau du Père Laval pour déposer sa prière personnelle et c’est pour cette raison que cette visite au caveau est privée. François est un pèlerin de paix parce que là où il passe il veut construire la paix. C’est une manière aussi de mettre en lumière la figure du Père Laval qui a été lui aussi un missionnaire de Paix. En donnant accès aux Noirs à l’évangile et à l’éducation et en leur confiant certaines responsabilités dans son Å“uvre missionnaire, le Père Laval a fait grandir ces personnes dans la dignité. Le Pape François, tout comme l’a été le Père Laval, est un disciple missionnaire travaillant pour la justice et pour le respect de l’humain. Ce sont deux figures que nous invitons les Mauriciens à découvrir durant cette visite.

Le diocèse et le gouvernement évoquent la « dimension nationale » de cette visite et demandent aux Mauriciens de participer à cet événement ; qu’est-ce que vous faites pour susciter cet engouement ?
Dans les préparatifs nous disons que le Pape ne vient pas seulement pour les catholiques mais qu’il vient visiter un peuple. Dans la préparation spirituelle au sein des paroisses nous proposons un guide dans lequel le diocèse a mis l’accent sur l’ouverture aux autres. Nous avons voulu que la préparation de cette visite du pape, qui est une figure rassembleuse, soit l’occasion de rencontres des Mauriciens de toutes les cultures et de toutes les religions dans le quartier où ils habitent ou sur leurs lieux de travail à l’heure du déjeuner. Le petit questionnaire que nous avons préparé pour ces rencontres spirituelles est une porte d’entrée pour les rencontres et le 9 septembre sera la célébration de ce désir de vivre-ensemble. Et c’est pour cette raison que je crois que beaucoup de personnes seront présentes à Marie-Reine-de-la-Paix et dans les endroits où il sera.

Pensez-vous que les Mauriciens connaissent la personnalité du Pape François ?
C’est vrai qu’il est une personne médiatique qui attire les foules mais il y a avant tout chez lui une profondeur de la pensée concernant l’épanouissement de chaque individu et le développement intégral humain et aussi sur des sujets tels l’écologie durable, l’économie, la justice. Des Mauriciens connaissent sans doute ce que les médias répercutent concernant les prises de parole du pape et dont certains propos sont quelquefois sortis de leur contexte. Mais ils connaissent peu la personne du pape et son engagement dans plusieurs domaines. Est-ce qu’ils savent que le Pape s’est engagé pour les migrants et qu’il a donné une aile au Vatican pour accueillir les sans-abri ? Sont-ils au courant qu’il a fait venir une famille de Syrie ? Le pape François a un engagement réel pour la personne humaine et il y a une cohérence entre sa manière de vivre et ce qu’il dit.

De par certaines responsabilités que vous a confiées le diocèse vous avez eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois le pape dans des réunions de travail à Rome ; y aurait-il une qualité de ce pape qui vous séduit personnellement ?
En tant que responsable du dossier « Œuvres Pontificales Missionnaires » pour les diocèses de l’océan Indien j’ai eu la chance en effet ces dernières années de rencontrer le Pape au moins une fois par an lors des réunions des directeurs. Quitte à me répéter, c’est sa simplicité qui frappe au premier abord ses interlocuteurs. Même s’il a ses discours en main il ne les lira pas, il choisit plutôt de dialoguer avec nous. Les évêques de la Conférence épiscopale de l’océan Indien (CEDOI) ont été surpris eux aussi par la simplicité de l’accueil du Pape lors de la dernière rencontre qu’ils ont eue avec lui. En tant que secrétaire de la CEDOI, j’étais présente à cette rencontre et j’ai vu comment le pape les a mis à l’aise. Il les a invités à évoquer des questions qui les préoccupaient en leur disant qu’il n’y avait pas de sujet tabou pour lui. C’est un homme d’ouverture.

Il y a une belle entente entre l’Église et le gouvernement dans les préparatifs ; est-ce que cette visite papale a renforcé les relations et la collaboration entre ces deux parties ?
Je voudrais souligner qu’il y a une longue tradition de collaboration entre l’État et l’Église, notamment dans le secteur de l’éducation et dans le combat contre la pauvreté. C’est la première fois que je suis associé de manière aussi proche à un travail de collaboration entre le gouvernement et le diocèse et je suis émerveillé par la confiance qui règne dans ces réunions de travail. Cette confiance mutuelle facilite beaucoup le travail ensemble. J’ai constaté ces dernières semaines des relations cordiales, franches et vraies. J’apprécie les compétences de certains fonctionnaires qui ont l’habitude de grands événements. Il y a des valeurs sûres au sein de la Fonction publique. Lorsque j’entends des critiques au sujet des fonctionnaires je me dis qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier.

On note des critiques envers le diocèse dans certains milieux de l’Église concernant les personnes choisies pour l’organisation de la messe. On reproche à l’Église de faire appel à un « petit groupe de privilégiés habituels » et de mettre à l’écart des fidèles présents dans les activités ordinaires de l’Église. Que répondez-vous à ces critiques?
Je ne veux pas entrer dans les polémiques mais parler des faits. On ne soupçonnerait pas le nombre de personnes au niveau du diocèse impliquées dans la préparation de cette visite. Il a fallu mettre sur pied un comité de préparation et attribuer des responsabilités. Rien que pour la messe il y a 23 sous-comités et il y a onze sous-comités pour les autres aspects de cette visite et chacun de ces 34 sous-comités comprend plusieurs dizaines de personnes venant des paroisses, des organisations et des services diocésains. Plusieurs de ces bénévoles sont des anonymes et ne revendiquent pas une place réservée. Il y aura pour la messe le 9 septembre, 750 personnes pour assurer l’accueil, 500 donneurs de communion, 500 accompagnateurs, 200 scouts, 200 membres de la chorale. Et quand vous faites le calcul, il y aura plus de 2000 personnes qui sont impliquées dans l’organisation de cette célébration et qui ont été envoyées soit par la paroisse ou par d’autres services diocésains et il s’agit des gens de la base. Je suis heureux que la préparation par le diocèse a permis à plusieurs centaines de personnes de se mettre au service de l’Église. Bien sûr que nous avons confié à certaines personnes qui ont l’habitude de grands événements des responsabilités spécifiques.

Est-ce vrai que quelques personnes proches de l’évêché pourraient s’approcher du pape et avoir la bénédiction personnelle du Saint-Père… qu’en est-il ?
Le personnel de l’évêché est mobilisé pour la préparation et donne de son temps pour la réussite de cette journée du 9 septembre. Plusieurs de ces employés rentrent chez eux ces jours-ci à une heure très tardive en raison de cet événement. Le personnel de l’évêché ne rencontrera pas directement le pape en vue d’avoir une bénédiction ou pour lui serrer la main. Je vais vous dire les personnes qui vont être en contact direct avec le Pape: à l’aéroport deux enfants de la région du sud (un non-catholique et un catholique), une famille devant la cathédrale, une famille à Marie-Reine-de-La-Paix, et deux familles ainsi que des malades à Ste Croix.

Combien de places réservées à la messe pour les invités de l’État et ceux du diocèse de Port-Louis ?
C’est le diocèse qui reçoit à Marie-Reine-de-La-Paix et nous avons prévu environ 1000 places pour les invités et nous prévoyons un espace pour les membres de la Pastorale des jeunes et aussi pour les délégations des îles de l’océan. Nous allons inviter les autorités civiles, les membres de l’Assemblée nationale, le corps diplomatique, le Conseil des Religions, les responsables des églises chrétiennes, des représentants des fabriques et des Équipes pastorales des paroisses et le personnel de tous les services diocésains.

Cette visite du Pape François fait partie d’une tournée africaine; de quelle manière cette étape à Maurice représente un maillon important et complète cette visite dans la région de l’Afrique?
Il est bon de rappeler que le calendrier de voyage du Pape comprend Madagascar, Mozambique et Maurice. En 2015, les Nations unies ont adopté une résolution pour faire de la région Océan indien une « Zone de paix ». À la suite de cette recommandation, les évêques de la CEDOI ont lors d’une assemblée générale en 2017 consacré une partie de ces travaux à réfléchir comment construire la paix dans nos îles. Il y a eu aussi à l’ÃŽle de la Réunion en 2016 un symposium interreligieux lors duquel les participants ont appelé les responsables politiques et les gouvernants de nos îles à tenir compte de cette résolution. Aujourd’hui l’océan indien est une zone très convoitée au plan géopolitique et économique et certaines de nos territoires, tels Les Chagos et Agalega, sont convoités par de grandes puissances pour toutes sortes de raisons. Le pape ne vient pas seulement à l’ÃŽle Maurice mais dans la région. S’il a décidé de visiter l’océan indien c’est qu’il a envie de sentir ce qui se vit dans cette partie du monde et de donner ensuite un message spécifique pour les peuples de la région. Mais nous obtiendrons une idée plus précise de ses réflexions sur la région que lorsque nous aurons entendu son message.

Est-ce que Rome, dans le cadre de cette visite, a demandé des informations spécifiques sur le pays ?
Le pasteur ne peut connaître ses brebis s’il ne les sent pas. Comme pour tous les pays où il se rend, le Pape demande de situer le contexte du pays et recherche ainsi des informations au niveau ecclésial mais aussi au plan social et politique. Il veut connaître ce qui se vit dans le pays pour pouvoir préparer son message. Mais il ne faut pas oublier que Rome obtient aussi les informations à travers les médias et les réseaux sociaux.

Beaucoup de Mauriciens demandent si le pape François prendra des bains de foule ?
Ce sera une visite très courte et selon le programme les deux seuls moments où il pourrait rencontrer directement les Mauriciens sont devant la Cathédrale et lorsqu’il arrivera à Marie-Reine-de-la-Paix. N’oublions que c’est un Pape qui a l’habitude de surprendre quand il va à la rencontre des gens …

- Publicité -
EN CONTINU ↻

l'édition du jour