Père Philippe Goupille : « La mission de l’Église ne repose pas uniquement sur les prêtres »

Dans le sillage d’un document publié par le Vatican concernant la possibilité pour les hommes mariés d’accéder à Père Philippe Goupille : « La mission de l’Église ne repose pas uniquement sur les prêtres »la prêtrise dans les endroits les plus reculés en Amazonie, cette démarche du Vatican a relancé les débats à Maurice sur l’ordination éventuelle des hommes mariés. Le père Philippe Goupille, qui compte 50 ans de vie sacerdotale, nous donne un éclairage non seulement sur l’ordination des hommes mariés, mais également sur l’ordination des religieuses. « La mission de l’Église ne repose pas uniquement sur les prêtres », souligne-t-il. Et de mettre en garde « contre les idées toutes faites » sur cette question d’ordination.

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Le Vatican a lancé récemment un document de travail concernant la possibilité pour les hommes mariés à la prêtrise dans les endroits les plus reculés en Amazonie en raison du manque de prêtres, et sera discuté lors d’un synode en octobre. Est-ce que cela voudrait dire qu’il y aura des prêtres mariés dans un proche avenir ? Qu’en pensez-vous ?

Pour commencer, il est important de remettre cette réflexion dans son contexte. Comme le dit Monseigneur Emmanuel Lafont, évêque de Cayenne en Guyane, et qui a une longue expérience du terrain : « Il est dommage d’aborder ce long document de travail uniquement par ce petit bout de la lorgnette. » Mgr Lafont nous rappelle que l’objectif de ce synode est de donner la parole à ceux qui n’ont pas été respectés par les colonisateurs ou même parfois par l’Église, et aussi de permettre à l’Église de vivre une proximité avec des peuples qui ont leurs différences culturelles et leurs langues. Comme nous le demande le Concile Vatican II dans son document Gaudium et Spes, il faut être à l’écoute de ces peuples, en empathie avec leurs demandes, et surtout ne pas arriver avec des idées toutes faites.

Le manque de prêtres dans ces régions n’est-il pas un vrai problème ?

Puisqu’il est difficile de trouver des prêtres à l’étranger ou dans ces territoires pour célébrer les sacrements, la question se pose de l’ordination de l’homme marié. Cette question est importante, mais il ne faut pas que les médias se focalisent uniquement sur ce point en oubliant que le plus important est d’entendre les souffrances de ces peuples, qui prennent racine dans leur passé, et se rapprocher d’eux pour annoncer l’Évangile. L’expérience nous montre que certaines communautés chrétiennes isolées peuvent continuer à exister sans eucharistie régulière. Ces communautés fonctionnent grâce à la distribution des différents ministères. Comme à l’époque de l’Église primitive, chacun a reçu des dons différents et les met au profit de tous. Il a aussi souligné le rôle remarquable des femmes dans l’Église en Amazonie brésilienne. Selon le père Gloryn, dans 80% des communautés en Amazonie, l’évangélisation repose sur les femmes. Elles assurent la catéchèse, la préparation des baptêmes, tout en conservant le souci du sens social. La présence du ministre ordonné court parfois le danger de tout concentrer sur une seule personne.

La présence du prêtre ne mettra-t-elle pas à l’écart les laïcs ?

Je me réfère ici au témoignage d’un prêtre des Mission étrangères de Paris (MEP), qui a été pendant 30 ans en Amazonie brésilienne. Il s’agit du père François Glory. Et dans une interview au journal La Croix, il dit ceci : « Quand un diacre, un prêtre, arrive, il a tendance à prendre le pouvoir. La communauté sert le prêtre alors que cela devrait être le contraire. L’essentiel du ministère pour le prêtre est de former les gens pour qu’ils puissent se prendre en charge et assumer leur charisme. Le prêtre ne doit pas être la figure principale. »

Si l’Église décide de l’ordination d’hommes mariés en Amazonie, quelles en seraient les implications dans l’organisation de la vie de l’Église et combien de temps prendraient alors les préparatifs pour l’installation de ces prêtres ?

Il est difficile à ce stade de se projeter dans le futur. Toutefois, il y a plusieurs cas de prêtres anglicans mariés qui ont rejoint l’Église catholique et qui, maintenant, exercent leur ministère dans des paroisses catholiques. Donc, on pourrait éventuellement faire appel à cette expérience.

Justement, est-ce que l’église anglicane, proche collaborateur de l’église catholique dans plusieurs domaines, et dont les prêtres et les diacres sont mariés, pourrait, selon vous, apporter une contribution dans la réflexion concernant la mise en pratique d’une éventuelle décision pour l’ordination d’hommes mariés ?

Oui, je pense que l’église anglicane pourrait nous apporter un éclairage sur la manière d’organiser les paroisses et le service pastoral avec des prêtres mariés. Il faut rappeler aussi que dans certaines églises catholiques de rite oriental, il y a déjà des prêtres mariés, comme chez les Coptes et les Maronites.

Puisque le Vatican a ouvert officiellement le débat sur l’ordination d’hommes mariés dans des cas exceptionnels, pensez-vous que l’Église aura aussi l’audace de pousser la réflexion sur l’ordination des religieuses à la prêtrise ?

Votre question nous fait passer dans un domaine différent. La question de l’ordination de prêtres mariés relève d’une décision disciplinaire de l’église catholique romaine. L’Église a le pouvoir de changer la discipline ecclésiastique, comme par exemple décréter qu’il n’y aura plus de jeûne les vendredis de carême. L’ordination des femmes au diaconat ou à la prêtrise relève de la théologie du sacerdoce. La question avait été soulevée sous le pontificat de Jean Paul II, qui a répondu par une Lettre Apostolique en 1994 et par un Motu Proprio en 1998. Selon ces documents, la question de l’ordination des femmes ne se pose pas seulement sur le plan de la discipline ou de la pastorale, mais fait intervenir des questions théologiques et doctrinales relevant de la nature même de l’ordination. Il est intéressant d’ajouter que l’ordination des femmes demeure une différence qui sépare encore les églises catholique et anglicane. D’ailleurs, la question avait été soulevée lors de la visite du pape Benoît XVI en Angleterre et le pape avait confirmé la déclaration de Jean Paul II.

Le manque de prêtres en Amazonie ramène à une situation similaire dans le diocèse de Port-Louis et les Catholiques à Maurice suivent avec intérêt la démarche du Vatican concernant l’Amazonie. Après 50 ans de prêtrise, êtes-vous bouleversé par la réduction du clergé ?

La réflexion lancée pour l’Amazonie nous amène à prendre conscience que la mission de l’Église ne doit pas reposer uniquement sur le prêtre. C’est toute l’Église qui est missionnaire, et cela sous-entend chaque paroisse, chaque fidèle catholique qui doit être missionnaire. Encore une fois, il faut croire que les communautés, même sans prêtre permanent, sont portées par la puissance de la parole de Dieu. Nous avons besoin d’hommes et de femmes formés à la prédication chez qui l’on suscite différents ministères.

Donc, vous semblez dire qu’il n’y aura pas de prêtres mariés ?

Faisons confiance à l’Esprit Saint qui, à travers les délibérations du Synode et la décision du pape, guidera l’Église vers la meilleure décision possible pour le bien du peuple de Dieu et l’avenir des croyants. Toutefois, il est permis de dire que ce synode sur l’Amazonie va nous permettre de revivre les intuitions fondamentales du Concile Vatican II sur l’Église comme étant avant tout le peuple de Dieu au service duquel il y a des ministres ordonnés. Le Synode fera aussi revivre la vision du document. L’Église dans le monde de ce temps, où le Concile avait bien souligné l’importance de se mettre à l’écoute des hommes de notre temps, de leurs joies, de leurs espérances, mais aussi de leurs souffrances et de leurs blessures.

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