Pleure mon pays bien-aimé!

Maurice est dans un état déplorable par rapport à la violence envers les femmes et les filles. Personne ne peut nous venir en aide à part nous-mêmes.
Helena Gentil, 11 ans, a été assassinée. Elle a disparu le 5 avril. Son cadavre a été retrouvé dix jours plus tard dans un tel état que les médecins de la police scientifique ont eu bien du mal à effectuer leurs analyses. Nous avons tous dit «Plus jamais ça!» et nous avons marché pacifiquement, une fleur blanche à la main.
Marie Anita Jolita, deux ans, a été assassinée en 2006 alors que ses parents piqueniquaient et qu’elle jouait sur la plage. Avant d’être tuée, elle a été violée et sodomisée. Son cadavre qui a été mis dans un sac poubelle a été retrouvé par les garde-côtes. A l’époque, nous avions dit « Plus jamais ça!» et nous avions marché pacifiquement, une fleur blanche à la main.
Annegenia Jennia Arekion, quatre ans, est morte à l’hôpital en 2006 après avoir été sexuellement agressée. Elle a été transportée à l’hôpital par la puéricultrice de soins après qu’elle soit tombée de sa chaise et ait fait mention d’horribles douleurs au ventre. Elle est morte deux jours plus tard. Selon le médecin légiste, l’abus sexuel avait causé une infection sérieuse. Nous avons alors tous dit « Plus jamais ça!» et marché pacifiquement, une fleur blanche à la main.
Joannick Patricia Samuella Martin, sept ans, a été violée et brûlée vive par son oncle en 2010. Son cadavre a été retrouvé le lendemain de sa disparition, non loin de sa résidence. Là aussi, nous avions tous dit « Plus jamais ça!» et marché pacifiquement, une fleur blanche à la main.
Selon les statistiques criminelles et de justice datant de 2013, la violence sexuelle est en hausse. Entre 2012 et 2013, ce délit a enregistré une augmentation de 29% et de ce pourcentage, 63% des cas tombent sous la Child Protection Act. Selon l’étude « War@Home» menée en 2011 par Gender Links et le Mauritius Research Council sur les indicateurs de la violence, 69% des cas de violence sexuelle ne sont pas rapportés aux autorités. Nous avons toutes les raisons de penser que le pourcentage de 29% dont font état les statistiques criminelles et de justice doit en réalité être beaucoup plus élevé.
Le pays en entier est sous le choc depuis la mort d’Helena. Nous, les mères de Maurice, avons perdu quatre de nos petites filles nommées Helena, Anita, Jennia et Patricia. Elles sont toutes égales devant Dieu et étaient issues de familles vulnérables. Elles ont toutes été surveillées de près par des prédateurs qui ont vu en elles des proies faciles à traquer comme des bêtes. Quatre vies innocentes ont été volées et leur avenir violé. Leurs mères ne les verront jamais grandir et ne les verront jamais déborder d’énergie en jouant avec des amis, ni ne les marieront un jour. Aucun être humain ne devrait être obligé de subir des crimes pareils et c’est pire encore lorsque ce sont de petits innocents qui sont concernés. Nous pleurons sur nos enfants mais aussi sur notre pays bien-aimé.
Nous comprenons la souffrance des parents, amis et de la population dans son ensemble mais la castration chimique, la peine de mort, les marches, les campagnes de sensibilisation et des lois plus sévères n’empêcheront pas les prédateurs de continuer à rechercher des proies innocentes et faciles.
Selon le rapport 2014 du Fonds des Nations unies pour l’Enfance, 120 millions de fillettes dans le monde sont violées et agressées sexuellement avant l’âge de 20 ans. Le plus dérangeant est que la plupart des victimes connaissent les auteurs comme cela est le cas à  Maurice. Cette violence a lieu là où des enfants devraient être en sécurité, à domicile, à l’école, dans leur communauté et les auteurs sont bien souvent des membres de la famille, des instituteurs/enseignants et des voisins. Maurice n’en fait pas exception car Helena, Anita, Jennia et Patricia se trouvaient toutes sur des lieux familiers et connaissaient leurs bourreaux.
Après la terrible mort de Jennia et d’Anita en 2006, le ministre de la Femme d’alors, Indira Seebun, a listé toutes les actions entreprises par son ministère pour stopper ces crimes horribles contre les enfants. L’Histoire se répète et la nouvelle ministre de l’Egalité du Genre, Aurore Perraud, fait les mêmes suggestions que son prédécesseur, c’est-à-dire des programmes de développement pour la petite enfance, un système de mentorat pour les enfants, des clubs scolaires de protection d’enfants, des programmes de protection communautaire pour les enfants ou une plus étroite collaboration avec la police communautaire. Avez-vous vu une diminution de la violence envers les enfants depuis 2006 ? NON, au contraire, les statistiques officielles montrent que ce mal est en hausse.
Nous attendons toujours la mise sur pied du comité national sur la violence basée sur le genre qui travaillera sous la tutelle du bureau du Premier ministre. Nous n’avons pas vu jusqu’ici de projets concrets et de programmes innovants introduits par le gouvernement pour combattre ou réduire la violence basée sur le genre.   
Gender Links a travaillé avec toutes les collectivités locales de Maurice pour faire en sorte qu’elles deviennent des Centres d’Excellence, en particulier avec les conseillers des villages qui sont connus pour être les meilleurs gardiens de la paix et l’ordre publics car ils sont proches de leur communauté. Les conseillers de villages connaissent chaque rue et chaque maison de leur village. Pourquoi ne pas travailler avec eux et leur donner les moyens et des finances pour qu’ils mettent en place des structures et s’assurent que leurs villages soient sûrs et dépourvus de prédateurs en quête de jeunes victimes ? Les conseillers ne seront que trop heureux de travailler de concert avec la police, les organisations non-gouvernementales et d’autres organisations. Chaque conseil devrait avoir une ligne verte et un bureau où les gens peuvent rapporter les cas. Avoir six Family Protection Bureaux est assurément insuffisant pour un pays où la violence sur les fillettes et les femmes est devenue épidémique.
Arrêtons de dire « Plus jamais ça ! » mais plutôt «Il est temps d’agir». Tirons la sonnette d’alarme à chaque fois que nous voyons et entendons des cas de violence basée sur le genre.
Loga Virahsawmy est l’ancienne directrice du bureau francophone de Gender Links. Elle siège toujours sur le conseil d’administration de cette organisation non gouvernementale de l’Afrique australe. Cet article fait partie du service d’informations de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.

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