PNQ : Bérenger plaide en faveur des autrement capables

Le leader de l’opposition, Paul Bérenger, a fait un vibrant plaidoyer en faveur d’un effort spécial dans l’éducation des enfants autrement capables. C’était lors de la Private Notice Question (PNQ) au début des travaux de l’Assemblée nationale. Une fois n’est pas coutume, le consensus a prévalu lors des échanges entre Paul Bérenger et la ministre de la Sécurité sociale, Fazila Jeewa-Daureeawoo. Le premier nommé, qui n’a pas manqué de souligner les critiques acerbes formulées contre Maurice dans le dernier rapport de l’United Nations Committee on the Rights of Persons with Disabilities, a estimé qu’en cette 10e année de cette convention, le gouvernement se doit de faire un « effort spécial » dans l’éducation des enfants autrement capables, notamment au niveau du budget alloué par le ministère des Finances. Il a rappelé que, dans la conjoncture, des Ong, engagées dans l’encadrement de cette catégorie de Mauriciens, sont « au bout du rouleau ». Il a eu un mot spécial pour le cas d’Autisme Maurice, « qui doit se battre », et a souhaité voir le gouvernement régler le volet du financement du transfert au Bureau d’Éducation Catholique de l’éducation des enfants autrement capables.
De son côté, la ministre de la Sécurité sociale a salué l’initiative du leader de l’opposition d’avoir évoqué ce dossier lors de la tranche de la PNQ. Elle a soutenu que « nous faisons de notre mieux pour le bien-être et le confort de ceux qui sont autrement capables, et nous avons à coeur leurs intérêts ». Elle a fait état des différentes mesures prises par le gouvernement suite aux conclusions du rapport des Nations unies à ce sujet. Elle a concédé que le secteur privé se montre « extrêmement réticent » pour respecter le quota de 3% d’emplois réservés aux personnes autrement capables et a aussi fait état des aménagements dans des immeubles publics pour une meilleure intégration de ceux ayant des handicaps physiques. Elle dit avoir soumis, lors des discussions avec le ministre des Finances Pravind Jugnauth, dans le cadre des préparatifs prébudgétaires, des propositions en vue d’éliminer une disparité flagrante dans le paiement d’Invalidity Pension à des bénéficiaires de moins de 16 ans.
La ministre de la Sécurité sociale a rendu un hommage spécial au travail abattu par les Ong, ajoutant que le gouvernement, « qui ne peut tout faire », doit pouvoir compter sur les Ong, le secteur privé et la société civile en général. Et d’annoncer que des projets d’amendements à la Constitution en vue d’éliminer toute forme de discrimination au détriment des personnes autrement capables, alors que la première ébauche du Disability Bill a déjà obtenu l’aval du State Law Office, et des consultations avec les différents Stakeholders auront lieu incessamment avant que le projet de loi ne soit présenté à l’Assemblée.
Bérenger : Par rapport aux personnes et enfants autrement capables, la ministre de la Sécurité sociale peut-elle révéler à la Chambre les mesures prises par Maurice suite à la publication du rapport des Nations Unies sur les droits des personnes autrement capables (CRPD), indiquant quand les réserves par rapport à la Convention on the Rights of Persons with Disabilities seront retirées, quand le protocole optionnel de la convention sera ratifiée par Maurice et quand seront abrogées les provisions discriminatoires dans la Constitution tout en révélant les dotations budgétaires agréées en prévision du prochain exercice financier par rapport aux Ong, à la mise sur pied d’Inclusive Schools, et quand le Disability Bill sera présenté à l’Assemblée nationale ?
Fazila Jeewa-Daureeawoo : Maurice a signé la Convention des Nations unies sur les Droits des personnes avec handicap en septembre 2007 et l’a ratifiée en janvier 2010. Comme nous en sommes un Etat membre, Maurice doit s’assurer qu’elle respecte les provisions de cette Convention en termes de promotion de droits des personnes ayant un handicap.  Il existe un protocole qui permet à l’agence des Nations unies de contrôler le degré de conformité des États membres par rapport à leurs obligations en termes d’application des provisions de la Convention.
Aperçu des ?actions prises
Dans ce contexte, Maurice a soumis son premier “State Party Report” en avril 2012, où le gouvernement a donné un aperçu des actions prises pour s’aligner sur les demandes de la Convention.
Ce rapport était sujet à examen au niveau du Comité des experts des Nations Unies sur les Droits des personnes avec handicap. Ainsi, d’après le calendrier établi par les Nations unies, Maurice était invitée en août 2015 à venir discuter du contenu du rapport qu’elle avait soumis. J’ai ainsi dirigé une délégation à Genève. Durant les sessions interactives avec les experts de l’Onu, ces derniers ont exprimé leur appréciation par rapport aux items suivants : le dialogue fructueux entre les experts des Nations unies et la délégation mauricienne; l’augmentation conséquente dans le budget social en soutien aux personnes handicapées; le lancement d’une base de données sur le handicap; la promulgation d’une loi pour empêcher le harcèlement sur la base du handicap sur le lieu de travail; et le rapport de Maurice, qui a été présenté dans le délai imparti.
Toutefois, le comité de l’Onu a fait un certain nombre d’observations et de recommandations. Les principales étant le retrait de ces réserves sur la Convention : la réserve sur l’article 11 concernant la situation de risques et d’urgences. Cet article stipule que les États membres prendront les mesures nécessaires pour assurer la protection et la sécurité des personnes avec handicap dans des situations à risques, dont des conflits et des urgences, en l’occurrence des catastrophes naturelles. Lorsque Maurice a signé la Convention en 2007, une réserve a été émise sur cet article car, à cette époque, il n’existait aucune provision pour la sécurité des personnes avec handicap dans des situations à risques dans des situations d’urgence.
On y a maintenant remédié en promulguant la National Disaster Risk Reduction and Management Act. La loi prévoit l’évacuation des personnes à risques. Donc, les personnes avec handicap sont prises en considération et la réserve peut être enlevée. En consultation avec le ministre de l’Environnement, le nécessaire sera fait pour enlever cette réserve.
L’autre retrait concerne la réserve sur l’article 9.2 (d) concernant l’accès aux bâtiments. Cet article stipule que tout Etat membre devrait « provide in buildings and other facilities open to the public signage in braille and in easy-to-read and understand forms ». Le ministère des Infrastructures publiques a déjà finalisé des Draft Building Regulations en consultation avec mon ministère et avec des activistes en matière de handicap. Ces règlements font provision pour une architecture universelle pour les nouveaux bâtiments et ceux en rénovation, et pour que le braille soit un élément incontournable. Dès que ces règlements seront promulgués, des actions seront initiées pour le retrait de la réserve sur l’article 9.2 (d).
Politique ?d’éducation ?inclusive
S’agissant du retrait des réserves sur l’article 24.2 sur l’éducation inclusive, historiquement, ce sont les Ong à Maurice qui ont commencé à pourvoir des services aux enfants avec handicap. Au fil du temps, cette pratique a été poursuivie et les écoles sont opérées par ces Ong, auxquelles le gouvernement apporte une variété de soutiens.
En vue d’assurer une égalité, Maurice a, depuis 2006, adopté une politique d’éducation inclusive et le ministère de l’Education a pris un nombre de mesures pour graduellement permettre l’intégration des enfants avec handicap dans le système normal. Par exemple, toutes les nouvelles écoles sont équipées de rampes et de toilettes adaptées. Les enseignants sont formés en Special Needs Education par le MIE. Quatorze Integrated Units ont été mises sur pied dans un certain nombre d’écoles pour accommoder les enfants souffrant d’un handicap sévère. Quatre centres de ressources ont été mis sur pied pour aider les établissements concernés dans l’utilisation de techniques d’enseignement adaptées. Le transport est remboursé par mon ministère.
Dans le cadre du “Nine-Year Schooling”, le ministère de l’Éducation s’assure que le projet intègre convenablement l’élément d’éducation inclusive. Au niveau secondaire et tertiaire, il y a déjà l’inclusion d’élèves avec handicap. Il est proposé, après consultation avec le ministère de l’Education, d’étudier si les conditions sont réunies pour une soumission formelle auprès de l’agence de l’Onu pour le retrait de cette réserve.
Dès que les réserves seront enlevées, Maurice poursuivra avec la ratification du protocole optionnel, auquel nous sommes déjà un membre signataire.
Draft Disability Bill
Le programme gouvernemental 2015-2019 dit l’engagement du gouvernement d’aller de l’avant avec un amendement constitutionnel pour enlever toute forme de discrimination sur la base du handicap. Un Draft Constitution Bill est en phase de finalisation en consultation avec le bureau de l’Attorney General.
J’ai été informée par le ministère des Finances qu’il y a eu plusieurs discussions sur le soutien aux Ong et en particulier pour la Special Needs Education dans le contexte du Budget 2016-2017. Toutefois, il ne serait pas approprié à ce stade d’annoncer les mesures et les provisions budgétaires. Je tiens à assurer la Chambre que toute considération sera donnée pour le soutien aux personnes handicapées dans le prochain Budget.
Le ministère a travaillé activement sur le Draft Disability Bill, qui vise à promouvoir et à protéger les droits des personnes avec handicap et à éliminer toute forme de discriminations à leur encontre. Le bureau de l’Attorney General a déjà donné son “preliminary veting” au projet de loi. Après les consultations officielles avec les ministères et départements concernés en mai et juin cette année, le projet de loi sera bientôt soumis pour accord au cabinet avant qu’il ne soit partagé de manière plus large aux partenaires sociaux, dont les Ong, les personnes militant en faveur de ce groupe de personnes et la société civile. Après cette étape, le projet de loi sera finalisé avec le bureau de l’Attorney General avant son introduction au Parlement.
Bérenger : Je remercie la ministre de la Sécurité sociale pour les éléments de réponses fournies. Elle partagera le fait que son attitude des plus optimistes, en formulant sa réponse liminaire, contraste avec le caractère “damning” du rapport des Nations unies sur Maurice. Peut-on savoir si le conseil des ministres a été mis en présence des critiques de cette instance des Nations unies sur le traitement accordé aux personnes autrement capables et si le gouvernement partage ces opinions ?
Daureeawoo : Il faut savoir que l’UN Committee est un corps indépendant mis sur pied pour assurer la défense des droits et des intérêts des personnes autrement capables. Leur attribution est de s’assurer que le meilleur mécanisme de protection des droits de cette catégorie de personnes est mis en place. Chaque pays doit faire face à des contraintes qui lui sont propres, notamment en matière de ressources financières (la partie de la réponse relative à la réaction du gouvernement est à peine audible de cette partie de la galerie de la presse).
Bérenger : I’m a bit surprised. La ministre n’a pas fait état de la principale critique contenue dans le rapport du comité des Nations unies. Je fais allusion à la question de l’emploi des personnes autrement capables. Le comité regrette que le quota de 3% ne s’applique qu’au secteur privé. Ces commentaires relatifs sont bien “forceful and negative”. Peut-on savoir quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour remédier à cette situation, d’autant que lors d’une PQ le 28 juin dernier, aucun chiffre n’a été dévoilé au sujet de l’embauche des personnes autrement capables pour confirmer le quota de 3%. Qu’en est-il de la situation au sein du secteur public ? Le gouvernement se doit de donner le bon exemple…
Daureeawoo (après un temps d’arrêt) : Le fait demeure que le secteur privé est des plus réticents à l’embauche des personnes autrement capables, soit les 3%. Un comité de représentants des employés a été institué en vue de passer en revue la situation et d’apporter des mesures correctives. We are appealing to employers to do an effort. De notre part, nous faisons de notre mieux pour encadrer les personnes autrement capables. Pour ce qui est du quota de 3%, il n’est pas applicable au secteur public. Je travaille en étroite collaboration avec le ministre de la Fonction publique pour que le gouvernement puisse faire un effort en ce sens. Mais je dois souligner que les appels à candidatures pour le recrutement dans le service civil ne font aucune discrimination. They are treated equally.
Bérenger : Il y a la question de la ratification de l’Optional Protocol. Peut-on savoir quand cette étape sera franchie ? Il y a également le langage insultant…
Un aspect ?primordial
Daureeawoo : We will have to work on the recommendations. Puis nous passerons à l’étape de la ratification.
Bérenger : L’éducation des enfants autrement capables constitue un aspect primordial. À ce chapitre, le comité des Nations unies est également très critique. Le rapport fait état des initiatives des Ong, qui ne bénéficient pas du “monitoring“ et du soutien nécessaires. There are very strong words on the report. I’m sure the minister is aware of that. What is being done in education is a scandal. Nous aurions dû dépenser davantage pour l’éducation des enfants autrement capables que dans les autres cas. Or, c’est le contraire. Nous devrions augmenter le budget alloué aux Ong.
Daureeawoo : Je comprends la situation… (La ministre note des chiffres de fonds alloués aux Ong, soit Rs 60 millions et Rs 90 millions venant de la Sécurité sociale, avec Rs 12 millions pour les enfants autrement capables) Our educational institutions should be ready to accommodate children with disabilities. I understand the ministry of Education is in the process of creating special Units in school. Ces unités devront assurer l’intégration des enfants autrement capables dans le système.
Bérenger : Dans l’immédiat, il y a deux urgences auxquelles on doit faire face. Il y a le cas des enfants autistes. L’Ong Autisme-Maurice est sur le point de tout plaquer. Elle est au bout du rouleau. Puis il y a le cas de l’APEIM, avec 254 enfants concernés. Il y a une décision pour la prise en charge des enfants par le Bureau d’Éducation Catholique (BEC). Mais le problème de financement attend d’être réglé. Cette affaire dure depuis plus de deux ans…
Daureeawoo : Les Ong assument un rôle primordial et opèrent à travers l’île. Elles vont à l’aide de ceux qui en ont le plus besoin. Le gouvernement ne peut tout faire. Nous avons besoin de la collaboration des Ong, du secteur privé et de la société civile. Le gouvernement apprécie les efforts déployés par les Ong. J’ai déjà abordé la question avec ma collègue de l’Education et elle m’a assuré que le nécessaire est fait au niveau de son ministère en ce qui concerne le BEC. Au ministère de la Sécurité sociale, nous avions dans les fichiers une liste de 45 Ong, dont 35 s’occupant des cas de personnes autrement capables. Nous avons vérifié les comptes audités, une majorité ayant des surplus. Seules neuf sont en situation déficitaire. We have to give all the support. We are a caring government. Nous donnons tout le soutien nécessaire aux Ong. Pour ce qui est d’Autisme-Maurice, nous ne sommes en présence d’aucune demande. (Protestation du leader de l’opposition) L’année dernière, cette Ong avait fait une demande ad hoc et nous avions fait le nécessaire…
Bérenger : Pour le problème d’autisme, jusqu’à tout récemment, il n’y avait aucune information disponible. C’était le silence total. Aujourd’hui, nous ne disposons d’aucun chiffre sur le nombre d’enfants scolarisés ni sur combien ne fréquentent pas les écoles. Il faut un “survey” pour évaluer la situation.
Daureeawoo : I fully agree with the leader of the opposition. This is my concern. J’ai évoqué la question avec la ministre de l’Education…
Bérenger : Venons-en au Disability Bill. Le rapport du comité des Nations unies est très critique contre la proposition visant à créer des Integrated Units. Peut-on savoir si ces sévères dénonciations ont été tenues en compte ?
Daureeawoo : Nous travaillons encore sur le projet.
Uteem : Le rapport dénonce le fait que des enfants autrement capables sont victimes de maltraitance physique et d’abus sexuels. Quelles sont les mesures prises à cet effet ?
Daureeawoo : This is being taken care of by the minister of Gender.
Le député Osman Mohamed intervient en faveur d’une prise en charge complète du coût de l’Occupational Therapist au service des Ong. Le député Ganoo attire l’attention sur la discrimination dans le paiement de la Validity Pension à ceux âgés de moins de 16 ans et de plus de 60 ans, la ministre affirmant qu’elle a formulé des propositions au ministre des Finances en vue de redresser la situation dans le prochain Budget. Le député Veda Baloomoody voudrait voir le gouvernement rembourser le coût du transport des étudiants autrement capables ne pouvant voyager par autobus au lieu du remboursement du “Bus Fare”.
Bérenger : Pour conclure, puis-je faire un appel à la ministre de la Sécurité sociale en cette année du 10e anniversaire de la Convention, vu que bon nombre d’Ong sont au bout du rouleau et que nous sommes en présence d’un “damning report” du Comité des Nations unies afin qu’il y ait un effort spécial à faire en faveur de l’éducation des enfants autrement capables.
Daureeawoo : Puis-je remercier le leader de l’opposition pour cette PNQ. Le gouvernement fait tout ce qui est en son possible pour le bien-être et le confort des personnes autrement capables. Nous avons à coeur leurs intérêts. Nous voulons leur donner une meilleure place au sein de la société et faire ce qu’il y a de mieux et de plus adapté pour eux…

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