PNQ: Le Speaker dans la tourmente MedPoint

Le Speaker de l’Assemblée nationale, Kailash Purryag, a été « l’invité surprise » des échanges entre le leader de l’opposition Paul Bérenger et le Premier ministre Navin Ramgoolam lors de la Private Notice Question (PNQ) portant sur le scandale MedPoint au coût de Rs 144,3 millions. En effet, à l’Assemblée nationale en fin de matinée, il est intervenu à plusieurs reprises suite aux interpellations supplémentaires du leader de l’opposition pour rappeler les dispositions de l’Official Secrets Act régissant la publication des délibérations du conseil des ministres ou pour faire état d’un Ruling remontant à 2004 où il était question que le Premier ministre n’est pas tenu à rechercher et fournir des renseignements de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) à l’Assemblée.
Sur le fond du scandale du rachat de la clinique MedPoint, le leader de l’opposition est revenu sur la genèse de ce projet d’acquisition. Il a déposé sur la table de l’Assemblée nationale des extraits d’un échange d’e-mails entre le Dr Krishan Malhotra, propriétaire de la clinique, et l’ancien ministre de la Santé Rajesh Jeetah. Ces e-mails remontent à janvier 2010. Paul Bérenger s’est appesanti sur le fait que le projet de National Geriatric Hospital aurait fait l’objet de Cabinet Memo et de délibérations au conseil des ministres presque à la veille des dernières élections générales. Il a demandé au Premier ministre de déposer à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale des copies du Cabinet Memorandum piloté par le ministre Jeetah à cette époque de même que les Minutes of Proceedings de cette réunion du conseil des ministres où des objections avaient été soulevées par certains ministres.
Pour sa part, le Premier ministre a rejeté les allégations d’objections contre ce projet et a maintenu son affirmation qu’aucun Cabinet Memorandum sur le projet de National Geriatric Hospital n’a été présenté à cette époque-là. Par contre, il a porté de graves accusations contre ceux responsables de ce dossier à l’effet que l’extension de la date limite pour la soumission des offres n’avait pas suivi les procédures de Procurement établies. Il a ajouté que l’offre de la clinique MedPoint aurait dû être disqualifiée depuis le début car elle n’était nullement conforme aux critères définis dans le document d’appel d’offres, notamment en termes de superficie.
Les échanges lors de la PNQ ont été par moments chauds avec l’opposition accusant le gouvernement de ne pas vouloir répondre aux interpellations et le gouvernement brandissant le slogan « zot mem asté, zot mem vandé, zot mem payé » ou encore l’appel téléphonique de « marraine » pour faire accélérer les procédures.
Bérenger : Le Premier ministre peut-il révéler par rapport au rachat de la clinique MedPoint si cinq jours avant les élections générales de 2010, il avait autorisé le lancement d’un appel d’offres pour l’acquisition d’un immeuble pour la réalisation du projet de Geriatric Hospital et d’obtenir de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) les informations au sujet de l’enquête en indiquant la date du démarrage de cette enquête et si le dossier a déjà été soumis au Directeur des Poursuites publiques (DPP), la date à laquelle un Attachment Order a été sollicité et obtenu aussi bien que les mesures prises par les autorités pour l’entretien de l’immeuble et des équipements ?
Alors que le leader de l’opposition donne lecture de la teneur de la PNQ, le Premier ministre se concentre à revoir et à consulter une dernière fois les documents en sa possession possiblement portant sur l’affaire MedPoint.
Ramgoolam : Le leader de l’opposition a déjà assumé les fonctions de Premier ministre et il sait pertinemment bien que la question de Procurement pour l’acquisition des immeubles ou autres biens d’équipements pour le compte du gouvernement ne tombe pas sous la responsabilité du Premier ministre. Pour répondre à la PNQ, je vais référer le leader de l’opposition aux éléments de réponse que j’ai fournis à la Chambre lors d’une précédente PNQ à ce même sujet le 22 mars de l’année dernière.
Le projet de National Geriatric Hospital remonte à 2000 vu le problème du vieillissement de la population, avec le nombre croissant de Mauriciens âgés de 65 ans et plus. En 2004, feu le Dr Sungkur est revenu à la charge avec ce même projet.
Le 20 février 2010, le Cabinet a été informé d’une somme de Rs 187 millions provenant de la Loterie Nationale pour le financement d’au moins 17 projets, dont un hôpital spécialisé dans les maladies des enfants et des femmes et un National Geriatric Hospital. Le projet de National Geriatric Hospital n’était nullement en référence à la clinique MedPoint à cette époque.
Les informations fournies par le ministère de la Santé indiquent que les procédures d’appels d’offres pour le projet de National Geriatric Hospital ont été enclenchées en février 2010 avec les préparatifs des documents d’appels d’offres. Les documents ont été transmis au Central Procurement Office le 1er mars 2010 avec les appels d’offres lancés le 30 mars 2010 avec publication des documents sur le website du département concerné. La date limite pour la clôture des appels d’offres était le 3 juin 2010.
Il est connu de tous que cette affaire du rachat de la clinique MedPoint fait l’objet de procès en Cour suprême, en Cour intermédiaire et devant le tribunal de district, et également d’enquête de la part de l’ICAC.
En ce qui concerne le volet relatif au Directeur des Poursuites publiques, je vais citer des extraits verbatim d’un communiqué émis par le DPP en date du 19 avril dernier.
À ce stade des échanges, le Premier ministre donne lecture du communiqué du DPP où il est fait mention que l’ICAC n’a pas encore soumis de rapport avec les avertissements de possible outrage sous l’article 156 (I) du Code Pénal contre ceux qui font des commentaires déplacés à l’encontre du DPP.
Ramgoolam : Je peux confirmer qu’à ce matin, l’ICAC n’a pas encore soumis le dossier MedPoint au DPP. Cette enquête a démarré le 25 janvier de l’année dernière à la suite d’une décision de l’ICAC. Elle n’a pas encore été bouclée car en date du 31 octobre 2010, l’ancien vice-Premier ministre et ministre des Finances Pravind Jugnauth a saisi la Cour suprême pour avoir accès à des documents confidentiels en vue d’assurer sa défense, dont les Cabinet Memo and Papers de la réunion du conseil des ministres du 5 mars 2010, des Minutes of Proceedings de la réunion du conseil des ministres du 18 juin 2010 et tous les documents et dossiers relatifs à ce projet de janvier 2010 à décembre 2010.
L’article 47 (6) de la Prevention of Corruption Act prévoit que l’ICAC doit soumettre au DPP les conclusions de toute enquête initiée sous cette loi.
L’ICAC a soumis à la Cour suprême une demande pour un Attachment Order en date du 10 novembre 2011 et l’ordre a été émis par le juge siégeant en référé le 11 novembre 2011.
Un service de gardiennage et d’entretien est en place depuis novembre de l’année dernière. Il faut rappeler que lors d’une réunion au début de l’année dernière, un constat des lieux aussi bien que des équipements a été dressé. Mais le 18 février 2011, le directeur de la Santé suppléant devait mettre un terme à cet exercice.
Bérenger : Venons-en au 30 avril 2010, n’est-il pas un fait que l’ancien ministre de la Santé Rajesh Jeetah est venu au conseil des ministres avec un Cabinet Memo sur le projet en vue d’obtenir le feu vert du conseil des ministres pour la mise à exécution du projet. Le Premier ministre est-il disposé à déposer à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale une copie du Cabinet Memo de même que les délibérations de cette réunion du conseil des ministres ?
Speaker : I have to intervene here. Je dois apporter des précisions par rapport aux documents du conseil des ministres et aux dispositions de l’Official Secrets Act.
Kailash Purryag fait comprendre que cette demande du leader de l’opposition ne peut être entretenue.
Bérenger (visiblement agacé par cette intervention du Speaker) : Let him answer.
Bancs de l’opposition : Ki bizin kasyet !
Ramgoolam : Comme je l’ai déjà dit, ce projet de National Geriatric Hospital remonte à 2000 et à 2004. Nous avions inclus ce projet dans notre manifeste pour les élections générales de 2005 et aussi celles de 2010. Le 26 février 2010, les procédures ont été enclenchées pour la réalisation de ce projet.
Bérenger : Évidemment, il existe un Cabinet Memorandum sur ce projet en vue d’obtenir le feu vert du gouvernement. Si tel est le cas, Official Secrets Act ou non, est-il disposé à déposer une copie de ce document à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale.
Ramgoolam : Nous avons démarré les procédures…
Bérenger : There was a Cabinet Memorandum on that issue. Quand la question a été évoquée au Cabinet, des ministres ont soulevé des objections quant au démarrage de cet exercice d’appels d’offres à la veille des dernières élections générales et qu’il ne fallait pas aller de l’avant ?
Ramgoolam : I do not believe there was a Cabinet Memorandum. Il n’y avait pas également toute ces allégations d’objections mentionnées. Dois-je rappeler qu’il n’y avait pas une seule cotation mais bien quatre.
Bérenger : Le Premier ministre est-il au courant d’échange d’e-mails entre le Dr Malhotra et l’ancien ministre Jeetah en date de janvier 2010. La première chose qu’avait ordonnée le ministre dès son arrivée au bureau le lendemain était d’organiser une site visit à la clinique MedPoint ? Je dépose une copie de ces e-mails sur la table de l’Assemblée nationale.
Ramgoolam : Autant que je sache, il y a une enquête en cours. L’ancien ministre de la Santé a été entendu par l’ICAC à ce sujet et il a dû fournir des explications. Ensuite le dossier sera transmis au DPP, qui décidera de la marche à suivre.
Bérenger : Peut-il révéler le nombre de fois que le ministre Jeetah a rencontré le Dr Malhotra ?
Ramgoolam : La réponse à cette question ne peut venir que de l’ICAC. Il a été interrogé par l’ICAC. Ce qui est plus important est que la date limite pour la soumission des offres le 3 juin 2010 a été étendue without proper procedures being followed…
Bérenger : Le Premier ministre peut-il révéler le nombre de fois que ce projet a été évoqué au conseil des ministres sous sa présidence ?
Nouvelle intervention énergique du Speaker, qui rappelle les dispositions de l’Official Secrets Act régissant les délibérations et documents du conseil des ministres. Des protestations s’élèvent dans les rangs de l’opposition avec le gouvernement ripostant.
Bhagwan : Ki fer bizin kasyet ?
Boolell : Zot mem vandé ! Zot mem asté ! Zot mem payé…
Le ministre des Affaires étrangères reprend ces strophes à répétition avec la situation au sein de l’hémicycle devenant hors de contrôle pour la présidence, qui tente de calmer le jeu avec des Order ! Order ! Order.
Bhagwan : Boolell, to ine bliye saki to ine dir moi deor…
Le Speaker tente de rappeler à l’ordre le Whip de l’opposition. Mais Paul Bérenger intervient en soulignant à l’intention de Kailash Purryag que c’est le ministre des Affaires étrangères, qui doit être réprimandé et non Rajesh Bhagwan.
Bérenger : Revenons à l’enquête de l’ICAC. Le Premier ministre peut-il confirmer s’il a été entendu par l’ICAC dans l’enquête MedPoint ?
Cette interpellation supplémentaire fait monter la tension d’un cran à l’Assemblée avec le Speaker intervenant de nouveau pour l’annuler.
Speaker : Je dois de nouveau intervenir à ce stade pour rappeler que dans un Ruling en date du 13 mars 2004 et suite à des avis légaux, le Premier ministre avait soutenu qu’il n’avait pas à intervenir auprès de l’ICAC pour répondre à des questions à l’Assemblée nationale…
Le Ruling du Speaker est accompagné d’un concert de brouhaha et de protestations de la part des parlementaires.
Speaker : Je ne fais que mettre en application un précédent Ruling de cette même Chambre.
La réaction du président de la séance est applaudie par les membres de la majorité.
Bérenger : Pourtant, quelques minutes auparavant, vous l’avez autorisé à répondre au sujet de l’ICAC sans l’interrompre…
Speaker : I am just applying a precedence. I might have missed the question. I’m sorry…
Bérenger : Shame ! Shame ! Shame…
Speaker : If that continues…
Bérenger : Shame…
Assirvaden : Kot marraine ? Kot parrain ? Zot pa là ?
Bérenger : Nanyen zot pas ine kapav dire…
Speaker : Order ! Order ! Order !
Bérenger : Le Premier ministre peut-il confirmer si le Chief Government Valuer a pu retrouver la mémoire depuis ?
Nouvelle intervention du Speaker.
Bérenger : Est-il toujours interdit de ses fonctions ?
Ramgoolam : C’est ce que l’on m’a fait comprendre.
Bérenger : Le 9 novembre de l’année dernière, répondant à une PNQ, le vice-Premier ministre et ministre des Finances Xavier-Luc Duval avait trouvé que la responsabilité d’un Attachment Order dans l’affaire MedPoint ne relevait ni des autorités ni de l’ICAC. Pourtant c’est ce qui a été entériné après que nous eussions soulevé la question dans cette même Assemblée ?
Ramgoolam : L’ICAC devait interroger le Dr Malhotra au préalable. Des enquêteurs ont interrogé le Dr Malhotra à Londres et un Attachment Order a été sollicité par la suite.
Bérenger : L’Attachment Order est-il toujours valide et pour combien de temps ?
Ramgoolam : Il le sera tant que la situation l’exigera.
À ce stade, les échanges portent sur l’entretien des équipements et du bâtiment de la clinique MedPoint.
Bérenger : Toujours répondant à la PNQ du 9 novembre dernier, le vice-Premier ministre et ministre des Finances avait exprimé le souhait de voir le gouvernement récupérer son argent avec la clinique retournée à son propriétaire. Peut-on savoir quels progrès ont été réalisés à cet effet ?
Ramgoolam : That is still our hope. There is an attachment order.
Bérenger : L’Attachment Order porte sur un montant de Rs 120 millions. Qu’en est-il du reste ?
Assirvaden : Guette à koté, to pou gagn réponse-là !
Ramgoolam : L’Attachment Order est sur un montant de Rs 129 millions. La State Bank a recouvré un découvert bancaire de Rs 5,7 millions et une somme de Rs 15,5 millions a été touchée par Shalinee Jugnauth-Malhotra.
Bancs du gouvernement : Rand kas-là !
Speaker : Order ! Order ! Order.
Dans le brouhaha, l’interpellation supplémentaire de Pravind Jugnauth est à peine perceptible alors que des parlementaires de la majorité soulignent que le leader du MSM aurait dû déclarer ses intérêts dans cette affaire avant d’intervenir dans les échanges.
Bhagwan : Le Chief Government Valuer est toujours interdit de fonctions selon le Premier ministre. Mais il a accès aux dossiers et à son bureau et entreprend des exercices d’évaluation pour le compte des corps para-étatiques ?
Ramgoolam : Ce serait mieux de proposer une interpellation parlementaire en bonne et due forme ?
Bhagwan : Alle dimande bann minis ki donne li travay là…
Bodha : Le Premier ministre peut-il confirmer que le ministre Jeetah voulait avoir recours à la procédure d’acquisition directe pour MedPoint ?
Ramgoolam : That is not true. Pour étayer cela, je m’appuie sur trois points, notamment la superficie mentionnée dans le document d’appel d’offres fait que l’offre de MedPoint aurait dû être disqualifiée. Ensuite, il y a un rayon d’au moins trois kilomètres et non un et le projet pouvait être réalisé dans les parages de n’importe lequel des cinq hôpitaux de l’île…
Bundhoo : It was never tailor-made…
À ce stade, le Premier ministre revient sur le non-respect des procédures pour l’extension de la date limite pour la clôture d’appel d’offres en juin 2010.
Bérenger : Le 31 mai de l’année dernière, lors d’une PNQ sur la déclaration des avoirs et la nécessité d’inclure des catégories de fonctionnaires, dont le Chief Government Valuer, le Premier ministre avait déclaré qu’il était disposé à s’engager dans cette voie. (Il cite des extraits de la PNQ.) Comment explique-t-il qu’une année après, rien n’a été réalisé à cet effet ?
Ramgoolam : Il y a des consultations à faire. Nous pensons venir de l’avant avec une loi plus sévère.
Bérenger : Lors de la PNQ du 9 novembre sur l’Attachment Order, avec tout le respect envers l’ICAC, le souhait unanime de la Chambre en faveur d’un Attachment Order dans l’affaire MedPoint a été transmis à cette institution. Peut-on suggérer au Premier ministre que dans le même esprit, le souhait de la Chambre que cette enquête soit bouclée dans les meilleurs délais soit transmis à l’ICAC et le dossier soumis au DPP ?
Ramgoolam : En ce qui concerne l’Attachment Order, il est bon à savoir que les procédures ont été enclenchées sous Xavier Duval en tant que ministre des Finances. Sous le précédent, rien n’a été fait (applaudissement des bancs du gouvernement)…
Bundhoo : Ti fer payé vit vit…

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