POLITIQUE : Quelques exemples types de la « bonne gouvernance »

Le récent nominé politique sur le Board d’Air Mauritius avait été trouvé « guilty of a serious, deliberate and ingenuous fraud » dans un jugement de la cour de District No 2 de Port-Louis, confirmé par les Juges Ahnee et Proag en appel et entériné enfin par le Conseil Privé
L’organisateur en chef des anniversaires du Premier ministre avait été trouvé coupable d’avoir en tant que « Executive Officer  » de la Maurutius Meat Authority « alors sous la responsabilité du ministère de Sir Satcam Boolell « of the offence of swindling by employing fraudulent pretences »
Il est, pour dire le moins, « bien étoffé » le nouveau conseil d’administration d’Air Mauritius qui a tenu sa toute première réunion vendredi. Jugez-en vous même: le président est Arjoon Sudhoo et les nouveaux membres sont le nouveau chef de la fonction publique, Satiadev Seebaluck, Doreen Fong Weng-Poorun, la secrétaire permanente qui a été rétrogradée du PMO au ministère du Tourisme, ainsi que Marc Hein, Prakash Mauthrooa et Bissoon Mungroo.
S’il y a peu à dire sur Arjoon Sudhoo étant donné qu’il avait déjà occupé les mêmes fonctions de 2000 à 2005 sans qu’il y ait eu des choses à lui reprocher sur son passage au Medcor et sur les fonctionnaires désignés pour faire partie du Board d’Air Mauritius, il semble, toutefois, que Xavier Duval ait eu des mots pour convaincre Marc Hein d’y siéger, lui qui avait quitté la présidence de la Financial services Commission le  30 mai 2014 pour se consacrer « à sa carrière et à sa famille ». 
Les deux autres membres nommés personnellement par le Premier ministre, Prakash Maunthrooa et Bissoon Mungroo, sont intéressants à plus d’un titre. Celui qui a été le Campaign Manager du MSM au No 7 est devenu Senior Adviser de Sir Anerood Jugnauth au PMO, membre du conseil d’administration du Board of Investment et qui vient tout juste de rejoindre celui de la compagnie d’aviation nationale, est accusé d’avoir pris un pot-de-vin de Boskalis pour faciliter des travaux de dragage dans le port à l’époque où il était le directeur de la Mauritius Ports Authiroty. Boskalis a déjà été condamné par les tribunaux pour avoir arrosé les anciens responsables de la MPA Maunthrooa et Chady.
Comme si ce n’était pas assez discutable que de nommer un tel individu sur le Board d’Air Mauritius, un personnage tout autant contesté y a aussi été catapulté : Bissoon Mungroo, dont l’histoire récente ne le confine pas uniquement au rôle d’organisateur-en-chef des anniversaires de Sir Anerood Jugnauth. Son itinéraire est trop édifiant pour ne pas être décortiqué et remis en perspective. Parce que, à un moment où on se gargarise de « bonne gouvernance » et que tous les prétextes sont bons pour que le ministre Roshi Bhadain et l’Attorney General Ravi Yerrigadoo prennent le « tip top » d’Air Mauritius pour aller « enquêter » à Londres et ailleurs, il est nécessaire d’exposer ce qui constitue le bluff officiel. 
C’est fort de ses liens très étroits avec Sir Satcam Boolell que Bissoon Mungroo fait son entrée en tant que Executive Officer à la Mauritius Meat Authority fin 70/début 80. Celui qui fréquentait presque quotidiennement la rue Bancilhon où a longtemps résidé l’ancien ministre de l’Agriculture travailliste, va être arrêté le 17 juillet 1981 sous une charge provisoire de « faux » sur un chèque de Rs 4,890. Après avoir bénéficié d’un Nolle Prosequi décidé le 15 septembre 1983 par le Directeur des Poursuites Publiques, il fut subséquemment poursuivi le 15 février 1985 sous une nouvelle charge de « employing a fraudulent pretence by presenting a forged document and swindling the MMA of a sum of Rs 4,890 ».
Condamné le 29 juillet 1987 à neuf mois de prison avec travaux forcés par le Magistrat de deuxième Cour de district de Port-Louis, Bissoon Mungroo interjettera appel et plaida, entre autres, les délais pour s’en sortir, mais les juges de la Cour suprême Robert Ahnee et Rampersad Proag, ont, le 14 décembre 1988, confirmé le jugement en observant que « the fact remains that the accused obtained a properly signed cheque for Rs 4,890 front the MMA for a non-existent transaction with Mr. A. B ».
Quant au conseil privé, auprès de qui Bissoon Mungroo a choisi de faire appel en dernier recours, il sera, de nouveau, débouté puisque, le 11 novembre 1991, les Law Lords devaient observer que « owing the celer and thorough manner in whist the prosecution case was presented it became abunduntly plain that the appellant was guilty of a serious, deliberate and ingenious fraud ».
La saga Le Val du « staunch boolellist »
Jamais loin des politiques, après la débâcle des travaillistes terrassés par un 60/0 en 1982, Bissoon Mungroo, en bon opportuniste qu’il a toujours été, va se rapprocher du MSM et entrer dans le cercle rapproché de Sir Anerood Jugnauth dans la deuxième moitié des années 1990. Déjà bénéficiaire d’un bail à Flic-en-Flac sous le règne travailliste sur lequel il a érigé son hôtel de « charme » Manisa, il profitera de sa proximité avec le MSM et son leader Sir Anerood Jugnauth pour obtenir le bail de rêve de Le Val avec ses arpents de terres et de forêt en août 1994.
Les affaires de Bissoon Mungroo se développent tellement qu’il rachète pour une bouchée de pain un hôtel à Rodrigues lors d’un exercice de Sale by Levy et qu’il se lance aussi dans l’exploitation d’une compagnie de transport qui offre ses services à plusieurs organismes parapublics. Il s’invitera dans le débat sur le deal ILLOVO en 2001, mais se fera assez sèchement rabrouer par le Premier ministre d’alors, SAJ.
Répondant à une question du back-bencher Ashit Gungah à l’Assemblée nationale sur « the number of contracts awarded to Mr Bissoon Mungroo directly or through his companies for the transportation of employees, indicating the respective amounts of the contracts and the duration of same » auprès d’Air Mauritius, le Premier ministre Paul Bérenger ne divulguera pas l’information en invoquant le statut de compagnie cotée en Bourse de la compagnie national. Le Dr. Boolell, alors député de l’opposition, évoquera le soutien de Bissoon Mungroo au gouvernement MSM/MMM, mais Paul Bérenger rétorquera que, « I have always been told that he is a staunch ‘boolellist' »!
En 2007, ce fut au tour du député d’Ajay Gunness de s’intéresser à ce site laissé à l’abandon et le ministre des Terres travailliste d’alors, Abu Kasenally, devait couvrir Bissoon Mungroo en disant qu’un nouvel accord avait été trouvé pour récupérer du promoteur les sommes dues sur le bail.
Toujours est-il que ce site exceptionnel de Le Val restera pendant longtemps dans un état d’abandon et malgré des actions devant la justice, soit pour récupérer des impayés, soit pour reprendre le site, les choses ne bougeront pas jusqu’à ce que le gouvernement décide à l’expiration du bail en août 2009 de le résilier purement et simplement pour non-respect des termes du contrat entré avec l’État. Mais le locataire refuse d’obtempérer.
Se sentant lésé, Bissoon Mungroo va saisir la justice. Lors du procès qui se déroulera en 2012, le ministère de l’Agro-Inustrie fera valoir que Bissoon Mungroo avait illégalement sous-loué une partie ou l’intégralité des droits qu’il détenait sous le bail à une tierce personne et qu’il n’a pas respecté le moindre terme du bail et qu’il a fait une fausse déclaration lors de la signature des documents. Sa demande de révision judiciaire rejetée, la Cour le sommera d’évacuer Le Val au plus tard en septembre 2012. Là aussi, il fera de la résistance et fera appel de la décision des juges, mais en juillet 2013 la Cour suprême rejettera sa demande ce qui fait qu’il a été enfin contraint d’évacuer le site de Le Val.
Ses malheurs devaient ensuite se multiplier même s’il s’était montré très avenant, tant avec le président de la République Sir Anerood Jugnauth que le Premier ministre Navin Ramgoolam comme en témoignent les clichés pris le 20 décembre 2010 à l’hôtel Manisa pour le lancement d’une album sur la vie de SAJ. En 2012, suite à une inspection de la Tourism Authority, alors sous la houlette de Michael Sik Yuen, son établissement hôtelier devait subir un ordre de fermeture pour insalubrité pendant quelques jours. Là aussi, il avait menacé de recourir à la justice, aidé en cela par son homme de loi qui n’était autre que Roshi Bhadain.
Rappelons enfin qu’en octobre de l’année dernière, Bissoon Mungroo a été victime d’une agression alors qu’il marchait en direction de la National Transport Authority par deux individus circulant à moto qui lui ont asséné plusieurs coups, avant de lui subtiliser sa chaîne en or. On ne connaît pas les suites de cette affaire, mais ce que l’on sait, pour sûr, c’est que le gouvernement qui se réclame de la « bonne gouvernance » a trouvé que celui qui détient un tel palmarès était parfaitement qualifié pour siéger sur le conseil d’administration d’une des plus importantes compagnies du pays. Et dire que pour deux claques échangées pour un mauvais regard et une petite rixe d’après-boire, certains doivent rechercher un certificat de caractère pour un simple poste de vigile!

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