POPULATION: C’est demain, la vieille

Le recensement de la population est une photographie de la situation démographie d’un pays. Le dernier exercice effectué à Maurice en juillet 2011, et dont le rapport vient d’être publié, projette une image d’une population vieillissante. Cette situation peut être dramatique si les mesures appropriées ne sont pas prises dès maintenant.
La tendance se dessinait depuis quelques années déjà. Le dernier rapport 2012 du recensement de la population de Statistics Mauritius est venu la confirmer : la population mauricienne vieillit “dramatically”. Certains pourraient se réjouir et arguer que la qualité de vie s’est améliorée, mais cette nouvelle donne ne sera cependant pas sans conséquence sur l’économie du pays.
Pension universelle
Qui dit population vieillissante dit aussi plus de charges sociales à payer, à moins d’un changement de politique concernant la pension universelle à l’âge de la retraite. Sinon, c’est la population active qui en fera les frais. Parmi les mesures qui pourraient être prises : une hausse des impôts ou une augmentation de la contribution au National Pensions Fund. C’est en tout cas ce que soulignent nos interlocuteurs, le bureau de Statistics Mauritius, le sociologue Ibrahim Koodoruth et l’économiste Eric Ng.
Le ciblage de la pension de retraite revient sur le tapis. Eric Ng et Ibrahim Koodoruth en parlent sans détour. Il y a quelques années, cette possibilité avait même été évoquée par l’ancien ministre MSM-MMM de la Sécurité sociale, Samioullah Lauthan.
Aujourd’hui, tout le monde s’interroge sur les capacités de l’État à continuer à verser une pension universelle. Les dépenses de l’État concernant cet item se chiffrent en milliards. Pour l’année 2010, la somme consacrée à la pension s’élevait à Rs 6,612 milliards; les projections pour 2015 sont de Rs 7,767 milliards. Selon les estimations à long terme de Statistics Mauritius, ce dernier chiffre va plus que doubler, pour atteindre Rs 16,594 milliards en 2050.
Défis
Autre sujet d’inquiétude : le fait que la main-d’oeuvre pour maintenir la croissance économique n’est pas assurée car il y a de moins en moins de relève. Le pays fait déjà appel à des travailleurs étrangers, et cette tendance devrait s’accentuer dans les années à venir. Sinon, c’est la croissance économique qui risque d’en pâtir, estiment Ibrahim Koodoruth et Eric Ng. “Avoir moins de jeunes dans la population équivaut aussi à avoir moins d’esprit d’entreprise et moins d’entrepreneurs. Cela aura un impact indéniable sur l’économie”, soutient Eric Ng.
Pour ce dernier, repousser l’âge de la retraite est une solution qui pourrait être envisagée afin d’amortir le choc économique.
Mais Ibrahim Koodoruth ne partage pas cet avis. Il pense que cela ne va pas résoudre le problème à long terme, surtout que le pays aura à faire face à de nombreux défis. Il cite le surplus d’investissements dans le secteur de la santé afin de contenir la pression qui va s’exercer par le nombre croissant de personnes âgées qui feront appel à ce service. Selon Eric Ng, “les personnes âgées sont des grands consommateurs de ce service, poussant l’État à injecter plus d’argent dans ce secteur, au détriment des autres”.
Compétences
Ibrahim Koodoruth souligne qu’il faudrait former davantage de personnes pour encadrer les personnes âgées. “Il faut une main-d’oeuvre qualifiée pour cela.” Les infrastructures publiques devraient être adaptées à leur situation, ce qui est loin d’être le cas actuellement. Le sociologue prend comme exemple les marches des autobus, qui sont trop hautes et difficilement accessibles aux personnes âgées.
Parmi les solutions proposées, Ibrahim Koodoruth suggère que des mesures soient prises afin d’optimiser les compétences et l’expérience des personnes âgées. “On pourrait les empower afin qu’ils soient des pourvoyeurs d’emplois pour les jeunes. Ils pourront ainsi continuer à contribuer à l’économie du pays”. Il estime qu’il revient à l’État de mettre en place des structures afin de pouvoir créer des emplois pour les jeunes à travers les personnes âgées et trouver ainsi le bon équilibre.
Pour pouvoir continuer à soutenir l’État-Providence, Eric Ng souhaite que l’on réduise les dépenses dans d’autres secteurs, que l’on mette fin aux gaspillages et que l’on parvienne à un assainissement des finances de l’État.

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