PORTRAIT—CHEF AU BIG WILLY’S: JEAN-CLAUDE MICHEL: « Donner à manger, c’est comme donner de l’amour »

La marmite des cuisiniers, c’est un peu par obligation que Jean-Claude Michel s’y est jeté en 1974. À cette époque, il n’avait que 19 ans. Mais, il devait vite y prendre goût jusqu’à en faire son métier et, avant tout, sa passion. S’en est suivi une riche carrière dans plusieurs hôtels du groupe Beachcomber, et des séjours à l’étranger, de Doha à Bagdad, en passant par l’Allemagne, l’Italie et l’Alsace. L’ex-executive sous-chef de l’hôtel Sofitel Imperial, est aujourd’hui chef au resto-pub Big Willy’s, à Tamarin. Du haut de ses 61 ans, pour lui, « donner à manger, c’est comme donner de l’amour ». Récit d’une carrière pimentée agrémentée d’une myriade d’aventures…
À l’époque où Jean-Claude Michel décide de postuler pour une place à l’école hôtelière nationale, le mode de sélection est très rude. « Je faisais partie de la première promotion dans cette école. C’était très difficile d’y décrocher une place. Le jury comptait une dizaine de membres, dont un psychologue. Il y avait alors 1 500 postulants pour seulement 13 places d’apprenti cuisinier. C’était un coup de chance, d’avoir été sélectionné », dit-il humblement. Jean-Claude Michel n’avait alors qu’un School Certificate et n’était par ailleurs pas intéressé par la cuisine. C’est davantage par « obligation que j’y avais postulé. J’avais besoin de travailler, car ma mère était veuve ». Le jeune homme n’avait aucune idée de ce que le destin lui réservait?; de l’amour qui allait naître de cette formation.
« J’ai essayé, j’y ai pris goût et c’est devenu ma passion?! », lâche-t-il, un brin incrédule. S’il y avait un intérêt pour le métier de cuisiner au début des années 1970, au vu de l’expansion du secteur hôtelier, Jean-Claude Michel souligne que « dire qu’on était cuisinier était péjoratif. Dans la tête des gens, cela renvoyait à une personne qui ne savait pas lire. Mais, nous, à l’école, il nous fallait savoir lire les recettes et calculer les portions de nourriture à préparer ». Aujourd’hui, tout a changé, reconnaît-il. Qu’est-ce que cela coûte d’embrasser le métier aujourd’hui?? « Le métier est noble. Il a de la valeur et est reconnu, mais les horaires ne sont pas faciles. Ma femme avait accouché un 30 décembre et ce n’est que trois jours après que j’ai pu voir mon fils. »
À l’école hôtelière nationale, Jean-Claude Michel se souvient qu’il y allait les cinq jours de la semaine et le week-end, se déroulait le stage technique. « Au bout de neuf mois, on avait un examen théorique et un stage technique toute la semaine. Au bout de deux mois de stage, on avait un examen pratique. » Pendant son stage, Jean-Claude Michel a l’opportunité de travailler dans plusieurs hôtels. « Trois chefs avaient souhaité que je travaille avec eux. Mais, j’ai opté pour Le Paradis, anciennement l’hôtel Dinarobin Pierre Desmarais. » Il y sera apprenti une année avant d’être muté à l’hôtel Trou-aux-Biches. Là, il passera dix années à accumuler de l’expérience. Par la suite, « le gouvernement offrait des opportunités à Doha et à Bagdad. J’ai saisi ma chance et j’ai été à Doha. J’ai passé deux ans à l’hôtel Palestine à Bagdad avant de regagner Maurice. » Mais, à peine quarante-cinq jours après, le jeune cuisinier prend connaissance d’une annonce dans le journal pour un poste aux Seychelles. « J’y suis allé pour deux ans, accompagné de ma femme. Aux Seychelles, c’était beaucoup de cuisine créole, européenne et italienne. » À son retour au pays, il prend de l’emploi au Royal Palm Hotel. Après quelques mois, « alors que j’étais au foot un dimanche, j’ai fait la rencontre de Georges Noël, qui était chef cuisinier au Chaland. Comme j’habitais Curepipe et que le Royal Palm, à Grand-Baie était loin pour moi, M. Noël m’a dit : “Viens me voir. On va bientôt démolir Le Chaland et on va construire le Shandrani”. » Il sera peu après employé comme sous-chef au Shandrani avant d’être promu executive sous-chef. Jean-Claude Michel y passera dix ans. Il fera aussi la promotion du groupe Beachcomber en Afrique du Sud, en Allemagne, en Italie et en Alsace.
Cuisine italienne
La Journée de la Cuisine italienne étant pour le 17 janvier, le chef Jean-Claude Michel nous en parle volontiers. « Au départ, je pensais que la cuisine italienne se résumait à des pâtes. Mais, pas du tout en fait, même s’il est vrai qu’en Italie, les pâtes forment une partie importante de la cuisine et que les pâtes fraîches doivent être cuisinées à la minute près?! » Pour le chef du Big Willy’s, la cuisine italienne, c’est « beaucoup de fraîcheur, de charcuterie, de salades. Mon séjour en Italie m’a apporté beaucoup de connaissances. Ici, au Big Willy’s, je propose quatre pâtes : les linguinis, les tortellinis, les lasagnes et les fusilli au marlin, aux cèpes, tomates séchées, petits pois mange-tout… ». Pour Jean-Claude Michel, « la cuisine, ce n’est pas difficile. Donner à manger, c’est comme donner de l’amour. Il faut garder la fraîcheur du produit, bien le traiter. »
La spécialité du chef de Big Willy’s : concocter des mélanges de saveurs. Par exemple, du saumon fumé et du gingembre confit accompagné d’un sorbet citron… Ou encore, de la viande australienne avec de la purée d’arouille ou de la purée de fruits à pain. Mais encore?? « Du poisson grillé sur une étouffée de brèdes et une sauce vierge d’olives ». S’il ne cuisine que très rarement chez lui, faute de temps, à l’occasion de l’anniversaire de son fils, le chef Michel a concocté des escalopes de boeuf avec du jambon et du fromage à l’intérieur, le tout passé dans de la chapelure. Selon lui, « on a de très bons cuisiniers à Maurice. Notre cuisine est très riche. »
En hors-texte, une recette que le chef a bien voulu partager aux lecteurs du Mauricien. « C’est un chef italien au Shandrani qui me l’avait appris et mon ancien directeur l’adorait ». Et, si vous êtes curieux de découvrir la cuisine du chef Michel, rendez-vous au Big Willy’s où d’ailleurs, se produira Alain Ramanisum le 30 janvier.

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