PORTRAIT: Dominique Autard, un professionnel qui assure

Nous vous proposons cette semaine le portrait de Dominique Autard. Un jeune Mauricien qui, après un apprentissage professionnel en Australie, est revenu dans l’île natale avec une ambition : changer la perception de l’assurance à Maurice.
Né à Maurice en 1971, Dominique Autard y a vécu jusqu’à l’âge de seize ans. Après ses études secondaires il suit ses parents qui émigrent pour l’Australie. C’est sa soeur qui lui décroche son premier job et lui fait découvrir un métier qui va devenir sa passion professionnelle : l’assurance. En effet, elle le fait entrer comme démarcheur dans la maison d’assurances où elle travaillait. « J’ai appris le job à la base, comme démarcheur, celui qui va de maison en maison à la recherche de nouveaux clients pour les convaincre de souscrire à une police. Le travail m’a tout de suite passionné et, par la suite, j’ai fait des études pour me spécialiser dans cette profession. » ?Après avoir obtenu un MBA et des diplômes en finances et en assurances, Dominique Autard a travaillé dans une série de compagnies australiennes avant d’ouvrir une compagnie de conseils en assurances. Il est rentré à Maurice en 2008 pour se joindre au groupe Mauritius Union et occupe, depuis 2010, le poste de General Manager de la Prudence Life Insurance, responsable entre autres de la stratégie de développement de la compagnie. Quel est le job du General Manager d’une maison d’assurances : vendre beaucoup de primes pour payer des dividendes aux actionnaires de la compagnie ou défendre les intérêts des assurés ? « Il doit faire les deux. Je suis responsable de veiller aux intérêts des assurés tout en m’assurant que les actionnaires aient des dividendes. Si je m’occupe bien de mes clients et que j’en trouve de nouveaux, les fonds de la compagnie vont nécessairement augmenter. C’est une situation idéale, une win-win situation. » ?Dominique Autard explique que comme tous les secteurs financiers, celui des assurances a connu des développements conséquents ces dernières années Aux Etats-Unis et en Australie, il est arrivé un moment où le nombre de protestations et de plaintes contre les maisons d’assurances a atteint un tel degré que les pouvoirs publics ont dû intervenir. Sous la pression des consommateurs, des lois ont été votées pour instituer de nouvelles manières de pratiquer le métier d’assureur, et les relations avec la clientèle sont en train de changer. « Trop souvent, et pendant longtemps, le travail de l’assureur a été de vendre des assurances et de s’assurer que le client payait bien ses primes. Cette conception de l’assurance a changé. Nous avons un devoir d’éducation et de conseil vis-à-vis de nos clients. Nous devons d’abord comprendre les besoins du client au lieu de le forcer à acheter un de nos produits disponibles. » ?Mais est-ce que ce n’était pas ça le job des vendeurs d’assurances aussi appelé le salesman : tout mettre en oeuvre pour faire signer une police, c’est-à-dire revenir plusieurs fois chez l’éventuel client jusqu’à ce que, de guerre lasse, il finisse par signer ? « C’était la pratique mondiale, il fallait faire du volume. Ici et ailleurs, le client éventuel se sentait dans une situation de pression quand le saleman d’assurance se présentait devant la porte. C’était la manière de fonctionner, ce n’est plus le cas. Le métier a évolué, les assureurs ont réfléchi au fait que d’après la méthode traditionnelle, il arrivait souvent que l’on vende au client un produit qui ne lui convenait pas. C’est de ça qu’est né le sentiment que les revendeurs d’assurances sont des « couillonneurs ». ?N’est-ce pas une réputation parfois justifiée ? Surtout qu’il arrivait souvent que les salesmen se sont souvent comportés comme des bonimenteurs qui ne partaient que quand le contrat était signé et – autrefois – la première prime payée ? « Ce n’est plus le cas. Nous ne sommes pas là pour vendre des assurances comme des petits pâtés. Nous ne parlons plus de produits, mais de solutions adaptées à la demande du client et nous en avons. C’était la manière de fonctionner, ce n’est plus le cas. Le métier a évolué. En ce qui me concerne, je privilégie l’approche qui consiste à faire du salesman un conseiller qui doit savoir poser les bonnes questions pour amener le client à déterminer ses besoins en fonctions de ses moyens. Il faut souligner que l’écoute et la compréhension du client sont importantes. Cela ne sert à rien de poser une question à un client si on n’écoute pas sa réponse avec attention. Autrefois, le saelesman, une fois le contrat signé, pouvait disparaître dans la nature. Aujourd’hui, un conseiller va accompagner le client. Ce n’est plus : Voila ! Vous avez signé un plan pour vingt ans, nous allons nous voir quand ce laps de temps sera écoulé et vous allez recevoir un chèque tous les cinq ans. »
Est-ce que le client est satisfait de cette nouvelle manière de faire ? « Je crois que le client se sent moins arnaqué aujourd’hui, il signe en connaissance de cause et après avoir discuté de ses besoins. Le taux de non satisfaction chez nous est en train de diminuer. Mais je me rends compte que pour certains clients, la démarche de protester quand il n’est pas satisfait n’est pas évidente. Ce n’est pas encore entré dans les moeurs de l’assuré. »
Surtout quand il se rend compte que les règlements de la police d’assurance sont imprimés en de si petits caractères qu’il faut prendre une loupe pour pouvoir les lire ! « On n’imprime plus les règlements des contrats en petits caractères comme cela a été le cas autrefois. Mais je reconnais volontiers que les contrats sont volumineux et souvent écrits dans un jargon juridique que seuls les hommes de loi vont comprendre et être capables d’interpréter correctement. C’est de notre devoir de traduire et d’expliquer le texte en langage courant et nous le faisons. Les problèmes viennent souvent du fait que dès le départ, les termes du contrat ne sont pas expliqués à l’assuré dans le détail. Il ne faut pas craindre que le client refuse de prendre une assurance s’il découvre les détails de sa police. Le prix d’une police est associé à ce qu’elle couvre et il faut donc que l’éventuel client sache ce qui n’est pas couvert. Il vaut mieux avoir un client éventuel qui part qu’un client qui a signé et qui est confronté plus tard à de mauvaises surprises. La confiance est un élément fondamental ans la relation assuré-assureur. »
Comment est-ce que le personnel de la Prudence, qui a longtemps travaillé selon l’ancienne méthode – avec une mentalité de salesman — accueille la nouvelle ? « Le changement se passe bien, la nouvelle manière de faire tranche avec la précédente, mais elle est stimulante avec pas mal de challenges. Il y a eu une période d’adaptation mais on se rend vite compte que la fonction conseil apporte une valeur ajoutée et à l’assurance et à l’assuré. J’ai souvent entendu au départ des « ça na pas pou marsé ça ». Il fallait démontrer par l’exemple que non seulement ça peut marcher mais que ça marche, que le client voyait la valeur ajoutée qu’est le conseil dans le produit. Que bien conseiller le client rapporte autant à l’assuré qu’à l’assurance et fait économiser le temps des malentendus, des corrections, des récriminations et des mauvaises surprises. Il reste encore des choses à mettre en place pour parfaire le système mais il fonctionne pas mal depuis qu’il a été mis en place. »
Dominique Autard souligne que prendre une assurance n’est pas un réflexe naturel à Maurice et ailleurs. Parce que les assurances n’ont pas suffisamment expliqué aux clients les possibilités couvertes par une assurance. Avec seulement 25% d’assurés, il reste encore du pain sur la planche dans le domaine des assurances à Maurice. L’objectif de Dominique Autard est de « remettre en question la perception de l’assurance à Maurice. » « Je voudrais en faire un service modulable pour accompagner l’assuré. Ce concept commence à entrer dans le mindset mauricien ? »
Pourquoi être revenu travailler sur le petit marché mauricien des assurances alors qu’il disposait de l’immensité du territoire australien ? Est-ce plus facile de « couillonner » dans son pays natal qu’à l’étranger, dans le secteur des assurances ? « J’avais tout simplement envie de revenir vivre dans mon pays natal, de le faire découvrir à mes enfants. J’ai eu une proposition de travail qui me permet de mettre en pratique ici ce que j’ai appris dans les universités. » C’est difficile de le faire ? « L’approche est différence mais le contexte global est le même. Il faut savoir s’adapter, apprendre à entrer dans la cadence, ne pas dicter mais recommander, proposer, faire ensemble. Je suis satisfait d’avoir mis en place à La Prudence, avec la collaboration de tout le personnel, une valeur ajoutée a l’assurance. C’est un bon virus qui va, je l’espère, contaminer l’ensemble de la profession. »
Une chose est certaine, Domique Autard est un bon assureur. Il en a la passion, le bagout, le vocabulaire, les arguments. Comme les salesmen d’autrefois.
C’est un compliment.

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