PORTRAIT: Melanie Pérès, artiste polyvalente

Avec son premier roman, Tigann, traverse enn fam dan divan kontrer, Melanie Pérès dévoile une nouvelle facette de sa personnalité d’artiste. Après avoir foulé les planches au sein de la Troupe Favory et subjugué le public avec sa voix avec le groupe Flashback, elle se révèle maintenant auteure en remportant le premier prix, catégorie Roman, au concours littéraire organisé par la Creole Speaking Union (CSU). À 20 ans, la voilà embarquée dans une belle aventure de découverte et de réconciliation avec sa langue maternelle. Étudiante en BA (Hons) French and Creole à l’Université de Maurice, elle souhaite un jour pouvoir enseigner avec le kreol morisien comme médium.
Entrée en Form I au collège Lorette de Saint-Pierre, Melanie Pérès a été sujette à un choc culturel : elle qui était habituée à parler le français depuis son plus jeune âge, se retrouvait dans un milieu où toutes les filles s’exprimaient en kreol. D’ailleurs, on ne manquait pas de le lui reprocher : « To tro granwar twa to bizin koz franse… » L’adaptation, dit-elle, a été « dure ». Elle était loin de s’imaginer que quelques années plus tard, elle allait écrire un roman en kreol et, de surcroît, remporter le premier prix d’un concours littéraire. « Tout est parti d’un défi que m’a lancé le papa d’un ami. On répétait avec le groupe Flashback. Il m’a suggéré de participer au concours littéraire de la Creole Speaking Union étant donné que j’écrivais déjà des textes en kreol pour le groupe. Je n’étais pas sûre d’arriver à écrire un roman. C’est alors qu’il m’a dit qu’il me lançait un défi », raconte la lauréate. Étudiante en deuxième année à l’Université de Maurice, pour l’obtention d’un BA (Hons) French and Creole, Melanie Pérès maîtrisait déjà mieux le kreol morisien à l’écrit. Elle décide alors de relever le défi. « Quand j’ai terminé le collège, je ne savais trop quoi faire. En allant me renseigner à l’Université de Maurice, j’ai rencontré Kumari Issur qui m’a parlé du BA French and Creole. J’ai trouvé que c’était intéressant ».
Mais, pour le concours, il fallait se mettre au travail « comme une grande ». Au fur et à mesure que l’histoire de Tigann prenait forme, la jeune auteure ne réalisait pas que son subconscient, encore marqué sans doute par la pièce Nu Traverse, qu’elle avait jouée avec la Troupe Favory, à Maurice et en Afrique du Sud, lui dictait la trame. « Tigann, c’est l’histoire d’une fille victime d’inceste. Elle grandit avec cette souffrance et se met à la raconter. À un certain moment, je me suis dit : mais c’est un peu le personnage que j’ai joué dans Nu Traverse. C’est arrivé inconsciemment. »
Éveil de conscience
« Il faut dire également que quand on a été à l’école d’Henri et de Marie France Favory, on ne demeure pas insensible à ce qui se passe autour de soi », explique Melanie. Avant de leur faire jouer Nu Traverse, pièce qui parle de la violence conjugale, le couple a animé beaucoup de discussions autour du thème et sur les conditions de la femme et des filles. Melanie Pérès était en quelque sorte prédestinée à raconter l’histoire de Tigann. « C’est en quelque sorte la suite de ce que j’ai joué dan Nu Traverse. Je me suis aussi inspirée de tout ce que j’entends et vois dans les médias sur l’inceste ».
Enthousiasmée par son succès, la jeune fille dit avoir développé le goût d’écrire et pense déjà à un deuxième roman. « J’ai déjà eu quelques bribes d’idées quand j’écrivais la première histoire. Il faut maintenant les mettre en place. Il me faudra aussi faire quelques recherches puisque je veux placer l’histoire dans un contexte précis ».
Pour le moment, Melanie Pérès consacre son temps à son autre passion, la chanson. Elle prépare le premier album du groupe Flashback. C’est tout à fait par hasard qu’elle s’est retrouvée chanteuse du groupe. « Lors d’une soirée, j’avais interprété le morceau Mahébourg de Zulu. Les garçons de Flashback étaient là. Ils m’ont invité à chanter avec eux au Wavelounge, à Albion. C’est à partir de là qu’ils ont décidé de me faire intégrer le groupe ».
Mais là encore, pas de coïncidence, puisque Melanie est la fille du guitariste et bassiste Patrick Pérès, « le gros bonhomme qui chante avec Claudio dans Bhai Aboo ». Elle a toujours baigné dans la musique, en accompagnant son père pour ses spectacles à l’hôtel et en apprenant à jouer de la guitare avec lui. Au collège, elle faisait partie d’un groupe musical composé uniquement de filles. « Nous avons même accompagné Sandra Mayotte lors d’une fête à l’école. Sa fille Chloé était la batteuse du groupe ». La famille Pérès n’était pas en reste, puisque le père et la soeur de Melanie l’ont rejoint sur scène.
Alors qu’elle entame sa deuxième année universitaire, la jeune fille pense déjà à son avenir : « Je souhaite enseigner avec le kreol comme médium. » Le système n’en est pas encore là, mais elle souhaite que ce rêve se réalise un jour. Entre-temps, elle savoure encore son succès et compte bien nourrir le nouveau talent né en elle. « Je suis très contente de cette expérience. Je pense avoir eu le courage de parler de certains sujets tabous. Non seulement de l’inceste, mais aussi de certains clichés sur les villages côtiers par exemple », déclare fièrement Melanie.
Melanie Pérès se dit reconnaissante envers tous ceux qui l’ont aidée d’une manière ou d’une autre dans la réalisation de ce premier roman, particulièrement le Dr Arnaud Carpooran, pour « le gros travail de l’édition ». Tigann, traverse enn fam dan divan kontrer, est en vente à Rs 200 aux librairies Le Cygne, Bookcourt, Le Printemps, Le Nid à Beau-Bassin, Book Centre à Quatre-Bornes, et Wavelounge à Albion.
Le concours littéraire de la Creole Speaking Union compte aussi deux autres gagnants : Aanas Ruhomally (nouvelles) et Tenusha Jundoosing (poésies).

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -