PORTRAIT—SEEWAJEE RAGGOO (DIRECTEUR DE L’ÉCOLE EMMANUEL ANQUETIL): Un homme d’écoute qui n’a pas froid aux yeux

Seewajee Raggoo, directeur de l’école Emmanuel Anquetil de la Zone d’Éducation Prioritaire (ZEP), dit placer la confiance et l’écoute au sein d’un système pédagogique, qui a récemment porté ses fruits aux examens du CPE. Et grâce à ses efforts, ceux de son équipe et du petit Yan Jasmin, élève de cette école, ce dernier a décroché une place au Royal College de Port-Louis (RCPL). Portrait d’un homme qui n’a pas froid aux yeux et qui accepte d’aborder chaque difficulté d’apprentissage comme un défi à relever.
Seewajee Raggoo est d’avis que l’éducation c’est inculquer des valeurs aux plus jeunes mais aussi leur accorder une oreille attentive à leurs faiblesses afin de mieux dispenser un enseignement de qualité. L’écoute, poursuit le directeur d’école, c’est aussi tenir compte des attentes des plus jeunes et de leurs parents. « C’est la synergie qui existe entre la relation parent-élève et le système éducatif qui contribue au succès scolaire d’un individu. L’éducation est la formation de l’adulte de demain », dit-il. « N’importe qui peut réussir à condition que les enseignants lui accordent l’attention nécessaire dans un climat d’amour et que le système mis en place par les autorités soit utilisé à bon escient ».
Ses valeurs, Seewajee Raggoo les transmet non seulement à ses élèves mais également au corps enseignant. « Je suis à l’écoute de leurs difficultés en classe. Nous organisons régulièrement des réunions avec des parents d’élèves et les enseignants. C’est très important parce que c’est ainsi qu’on arrive à noter des failles dans le système d’apprentissage », souligne-t-il. Pour lui, la réussite de chaque élève compte. C’est avec un coeur d’or et des actes empreints de générosité que Seewajee Raggoo fait son petit bout de chemin, marquant ceux qu’il côtoie sur son passage.
Issu d’une famille pauvre de quatre enfants, le benjamin de la famille Raggoo découvrira « le bonheur » des bancs de l’école lorsqu’un matin, il suivit un groupe d’élève. « Mon premier jour de classe, c’était parce que j’avais suivi un groupe d’enfant jusqu’à un grand bâtiment. Heureusement, les enseignants étaient gentils et m’ont très bien accueilli. Le lendemain, mon père m’a accompagné à l’école en vue de mon inscription. C’est ainsi que je suis devenu élève à l’école primaire St Léon », explique celui qui a grandi sur le camp sucrier de Quartier-Militaire. Lorsqu’il parle ses premières années à l’école, il ne peut s’empêcher d’évoquer la misère dans laquelle vivait sa famille, dont les parents étaient laboureurs. « Tout compte fait, je suis bien tombé », dit-il avec un brin de nostalgie, principalement lorsqu’il parle de son professeur, Miss Lise. « Au collège, ce fut une autre paire de manche. Il fallait que je travaille dur pour pouvoir bénéficier d’une bourse d’études puisque mes parents n’avaient pas les moyens », nous raconte l’ex-élève du collège Stratford de Port-Louis. Durant six années, il aidait financièrement sa famille en donnant des leçons particulières aux enfants de la Standard IV, V et VI. Mais il dut se résoudre à abandonner les études. Toutefois, il allait bénéficier d’un coup de chance car le Teachers’ Training College, dont le siège était situé à Beau-Bassin, recruté à cette période des professeurs. À 19 ans, il effectue un premier stage à l’école de Camp-Thorel pour enchaîner dans divers établissements primaires à Flacq. Mais sa vie connaîtra un véritable changement lorsqu’il déménagera à La Tour Koenig. « Je venais de me marier et j’étais enseignant à l’école de Vallée-des-Prêtres lorsque je fus victime d’un accident de la route », se rappelle-t-il. Évasif sur les séquelles de cet accident sur sa santé, il affirme aujourd’hui s’en être totalement remis, « grâce à la volonté de dieu ». Depuis, il enchaîne les écoles primaires en y apportant sa touche personnelle d’où la réussite de ses élèves. Le directeur d’école estime qu’il est important de tenir compte du vécu de l’élève et du quotidien de sa famille afin que le système soit utilisé de manière approprié pour son développement pédagogique et sa réussite scolaire. À Richelieu, il dit avoir été témoin de situations difficiles. « C’était une école difficile. Quelques élèves rencontraient des problèmes familiaux qui influençaient leur comportement. Mais une fois dans cette école, je n’ai demandé qu’une chose : une réunion avec les parents d’élèves. On m’a demandé de m’occuper d’une classe de CPE où il n’y avait que 2 % de réussite. C’était un défi à relever », dit-il. Ainsi, afin de compenser le retard des élèves, ces derniers, avec l’accord parental, se rendaient à l’école à 5 h du matin pour des cours de rattrapage. « Et cela a porté ses fruits. »
Seewajee Raggoo a pour devises l’écoute et la discipline. Il estime que l’écoute permet à un individu de connaître les failles, et ainsi débloquer les situations. « Je donne la parole aux parents d’abord. Puis, je lui expose ma stratégie. Et ça marche parce que les personnes se sentent valorisées, leurs demandes et explications ayant été considérées. » Cette stratégie, il l’a déployé également à Roche-Bois. Bien que ces zones soient stigmatisées, l’écoute des parents et la proximité avec les élèves ont porté leurs fruits. C’est ainsi, dit-il fièrement, que l’un de mes anciens élèves de Richelieu est aujourd’hui médecin spécialiste et que le petit Yan Jasmin est le premier élève de la ZEP à intégrer un collège national. Notre interlocuteur estime que l’attitude des enseignants à l’école est extrêmement importante puisqu’elle se répercute sur l’élève. Et si on lui demande de changer d’école ? « Je prendrai ma retraite », répond-il, car à 50 ans, il a désormais l’école Emmanuel Anquetil dans le coeur. « Toute cette communauté, avec les parents et les élèves ainsi que le personnel de l’école font partie de moi. Ils sont ma famille. »

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