LE PR KIAN FAN CHUNG : « Un déficit du système immunitaire affecte les poumons »

Le Dr Kian Fan Chung est professeur de médecine respiratoire et directeur des recherches médicales expérimentales au National Heart and Lung Institute au Imperial College à Londres. Ce pneumologue mauricien est consultant physician au Royal Brompton Hospital et un ancien lauréat. Il vit aujourd’hui en Grande-Bretagne. En route vers le congrès de la Société des maladies respiratoires de l’océan Indien, il a accordé un entretien au Mauricien lors d’une escale de deux jours dans son pays natal. Le médecin nous parle des avancées scientifiques pour le traitement des maladies pulmonaires. Il fait aussi le point sur la recrudescence de la tuberculose dans le monde, sur l’asthme sévère, les infections respiratoires, le cancer du poumon et la pneumopathie, une insuffisance respiratoire incurable. « Un déficit du système immunitaire affecte nos poumons. »
Professeur Kian Fan Chung, quelles sont les maladies pulmonaires les plus répandues ?
Ce sont l’asthme, la bronchite chronique, l’infection des bronches, la pneumonie, le cancer du poumon, l’hypertension artérielle pulmonaire qui affecte les vaisseaux du poumon, la tuberculose qui est associée à la suppression du système immunitaire notamment chez les malades du sida.
Il y a aussi l’emphysème et la broncho-pneumopathie obstructive qui sont incurables. Les poumons sont endommagés complètement. Le seul traitement est la transplantation des poumons qui est pratiquée dans plusieurs pays. En Europe, il y a aussi la mucoviscidose, une maladie génétique que l’on ne voit pas à Maurice.
Quelles sont les causes des infections pulmonaires ?
Les infections respiratoires sont liées à une défaillance du système immunitaire. Des travaux ont récemment eu lieu à ce sujet. Une étude réalisée en Amérique du Sud auprès des enfants dont les mères cuisent au feu de bois a démontré une augmentation des infections respiratoires chez ce groupe. L’exposition à la fumée affaiblit leur immunité et accroît les infections respiratoires. La pollution de l’air, les pots d’échappement des voitures accroissent les risques d’infection. C’est un problème de santé publique.
Quelles sont les mesures que vous préconisez pour assainir l’environnement ?
Il vaut mieux éviter de cuire au feu de bois et opter pour d’autres modes de cuisson alternatifs comme le gaz ou l’électricité, ou avoir un système d’aération à la maison. Les déchets industriels dans l’air, le charbon et le diesel dégagent des particules fines polluantes et toxiques pour les poumons.
Nous avons démontré à Londres que si nous faisons marcher pendant deux heures un asthmatique à Oxford Street où circulent les bus, sa fonction pulmonaire diminue. Il faut une réglementation concernant les véhicules. De nos jours on peut utiliser un filtre dans sa voiture. Il faut une politique pour rechercher d’autres formes de transport non polluantes comme le tramway. Les gens n’auront ainsi plus à prendre leur voiture pour aller travailler.
Une recrudescence de la tuberculose a été observée dans le monde. Quelques cas ont été signalés à Maurice. Quelles en sont les causes ?
Il faut être très vigilant à propos de la tuberculose. C’est une maladie très contagieuse. Elle se transmet par la toux et les crachats. Il suffit d’un cas non détecté pour que d’autres personnes soient infectées. Cela demande une surveillance très stricte. La tuberculose est imputable au bacille de Koch. Les jeunes enfants sont vaccinés. Et, la vaccination doit se répéter. Cela se faisait auparavant, mais de moins en moins de nos jours, surtout en Europe. La raison est qu’il y a eu une amélioration de l’hygiène dans les pays industrialisés, la maladie étant associée à l’insalubrité.
La tuberculose est associée à un système immunitaire défaillant notamment chez les malades du sida. Dans certains pays, comme en Afrique du Sud, l’incidence de la tuberculose est en hausse à cause du VIH / sida. Il y a actuellement des formes de tuberculose très résistantes aux médicaments. C’est un gros problème puisqu’on ne peut pas traiter les personnes atteintes. La maladie se répand…
Comment est-ce que l’hypertension artérielle pulmonaire affecte les poumons ?
L’hypertension artérielle pulmonaire exerce une pression sur la circulation pulmonaire. Elle survient chez les 40 à 50 et chez les personnes âgées. C’est une maladie difficile à diagnostiquer.
Les personnes souffrant de cette maladie sont essoufflées lors d’un exercice. L’essoufflement est aussi le symptôme d’autres maladies respiratoires. L’hypertension artérielle pulmonaire n’est pas répandue, mais l’Organisation mondiale de la santé la considère comme une maladie non transmissible.
Comment est-ce qu’une maladie pulmonaire est dépistée ?
Nous procédons à un test de la fonction pulmonaire. L’examen permet de diagnostiquer un asthme, une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPOC). Nous ne pouvons pas nous servir d’un scanner pour dépister toute une population. Nous faisons le dépistage au moyen de questionnaires. La BPOC est diagnostiquée très tard chez les fumeurs. Ils doivent ainsi se faire dépister très tôt.
Est-ce que les maladies pulmonaires sont associées au milieu professionnel ?
Oui… Il y existe encore des bâtiments contenant de l’amiante, qui est toxique pour les poumons. Les travailleurs sont aussi exposés à des produits chimiques et des poussières. Les personnes qui travaillent avec la pierre par exemple ont une maladie fibrotique du poumon. Les substances chimiques contiennent des nanoparticules très petites. Elles sont très répandues. On se sert de nanoparticules en or pour fabriquer des écrans de télévision.
Nous menons actuellement des recherches pour comprendre comment les nanoparticules endommagent les poumons. Ces particules se trouvent aussi dans les crèmes solaires, les antiseptiques en spray et dans les transports de médicaments.
Les nanoparticules représentent un domaine de recherches très vaste. Il y a beaucoup de travaux scientifiques. Nous voulons savoir comment faire pour qu’ils ne soient plus toxiques…
Quelles sont les avancées scientifiques dans le traitement des maladies pulmonaires et des infections ?
Il y a des antibiotiques très efficaces pour traiter les infections bactériennes. Pour la bronchectasie – une dilatation des bronches due à un déficit immunitaire –, la mucoviscidose et la pneumopathie obstructive, on peut donner des antibiotiques à long terme sous forme inhalée.
Des infections virales au niveau des bronches peuvent causer des crises d’asthme. Pour les infections pulmonaires, on peut détecter la bactérie en cherchant leur acide ribo-nucléaire (ARN). Chez les gens normaux, il y a des bactéries dans les poumons. Chez les asthmatiques et les personnes souffrant de pneumopathie obstructive, la flore bactérienne pulmonaire est différente.
L’incidence du cancer du poumon est-elle plus élevée de nos jours ?
Ce cancer existe chez une proportion de fumeurs. Il augmente d’ailleurs chez les femmes à cause du tabagisme. Il y a aussi des cancers chez les non-fumeurs dus à l’environnement. À Hong Kong, une augmentation des tumeurs a été constatée à cause de la radioactivité.
On a fait de très grands progrès dans le traitement du cancer du poumon. Certains types de tumeurs répondent très bien à des traitements spécifiques grâce aux études de séquences d’ADN. En inhibant des gènes spécifiques avec des médicaments, on s’est aperçu que certaines tumeurs ont des gènes très particuliers.
Nous pouvons à ce jour soigner une fraction des tumeurs. Aujourd’hui 10 % à 15 % des tumeurs son traités avec succès. Avec plus de recherches nous pourrons guérir les cancers du poumon.
Quels sont les nouveaux traitements de l’asthme ?
L’asthme est provoqué par l’environnement et les allergies. On a constaté que durant ces 20-30 dernières années les enfants grandissent moins en contact avec les bactéries à l’extérieur. Ce qui affaiblit leur système immunitaire.
Les nouveaux traitements se font par inhalation. La majorité des asthmatiques peuvent avoir une vie normale et faire du sport. Il y a toutefois une fraction d’asthmes résistant aux traitements même à fortes doses. Ces asthmes sévères sont un gros problème.
Les patients ont des symptômes tous les jours même en prenant des médicaments. Il y a beaucoup de recherches scientifiques à ce sujet. L’asthme n’est pas une maladie uniforme. Il y en a plusieurs types.
Chaque sujet doit être traité avec des médicaments très spécifiques. Nos recherches ont pour objectif de définir le phénotype ADN de l’asthme sévère au niveau des protéines et au niveau métabolique. Si on arrive à définir ces phénotypes, on pourra traiter l’asthme sévère avec des médicaments très ciblés.
Que direz-vous aux Mauriciens pour préserver la santé de leurs poumons ?
De la même façon que le coeur est important, il faut aussi savoir protéger ses poumons. Il y a toute une éducation publique à faire car le poumon est un organe exposé à l’environnement.
 

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