Pravind Jugnauth (Leader de l’Alliance Morisien) : « La population est avec nous car nous sommes restés constants »

Cette interview du Premier ministre sortant a été réalisée vendredi, en début de soirée. C’est un Pravind Jugnauth plutôt cool qui a reçu Week-End à son bureau au Bâtiment du Trésor, malgré un emploi du temps chargé entre les dernières fonctions officielles et la campagne électorale pour faire un dernier point avant le scrutin du 7 novembre. Exprimant sa foi dans l’Alliance Morisien et misant sur les réalisations gouvernementales, dont les projets d’envergure réalisés tel le Metro Express, il affirme qu’il est confiant de remporter ces élections. Il affiche même une confiance inébranlable d’obtenir une majorité confortable pour travailler sereinement et mettre en place le programme électoral de l’Alliance Morisien. 

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l Vous avez succédé à votre père au poste de Premier ministre en 2017 et c’est la première fois que vous briguez les suffrages en challenger pour ce poste de chef du gouvernement. Quel est votre état d’esprit?  

Je suis très confiant de l’issue de ces élections. Effectivement, je me présente en challenger au poste de Pm, pour la première fois en tant que leader de l’Alliance Morisien. Mais la population a eu l’occasion de voir le travail que j’ai fait avant, d’abord en tant que ministre mais aussi et surtout en tant que Premier ministre. La population et même mes adversaires reconnaissent que le gouvernement sortant a un bilan très riche à présenter. Ces dernières années, nous avons réalisé des projets d’envergure, dont le Metro Express. Nous avons aussi apporté des développements dans chaque circonscription. Et chaque village a connu des améliorations. Avec ce bilan, il n’y a pas de doute que la population nous fera à nouveau confiance.

l L’alliance Morisien a démarré sa campagne en faisant le bilan de l’action gouvernementale. Au fil des jours, il y a eu des promesses et autres cadeaux électoraux. Désormais, ce sont des attaques virulentes contre vos adversaires. Navin Ramgoolam, que vous estimiez votre seul challenger. Et, depuis cette dernière semaine, Paul Bérenger. Cela signifie-t-il que terrain pé glissé koté MSM/M?

Le bilan du gouvernement fait partie intégrante de tous nos discours de campagne. Nous continuons chaque jour à en parler car nous sommes fiers de nos réalisations et la population peut voir d’elle-même que nous sommes un gouvernement qui a travaillé pour le pays.

S’agissant des cadeaux, comme vous dites, c’est plutôt l’opposition qui copie ce que nous proposons en tentant de promettre davantage. Je viens, moi, avec des engagements fermes pour que le pays continue de se développer et que toutes les couches de la population puissent voir une amélioration dans leur qualité de vie. L’électorat retiendra que j’ai respecté et réalisé la majorité des promesses faites et que je suis un homme de parole.

Pour ce qui est des critiques, je ne peux pas aller dans des élections sans parler de mes deux adversaires qui prétendent comme moi au poste de Premier ministre. Les gens pourraient croire que je n’ai rien à dire contre eux.

l Critiquer vos adversaires prend une majeure partie du temps de vos interventions, ces dernières semaines.

Les gens doivent réaliser comment Paul Bérenger a agi dans le passé. Il critique mais en tant qu’ancien syndicaliste, politicien à plein temps depuis de nombreuses années, il aurait dû venir de l’avant avec un certain nombre de mesures en faveur de la classe des travailleurs. Chose qu’il n’a jamais réussi à faire, contrairement à moi.

Ce qui m’a surtout choqué chez Paul Bérenger, c’est qu’il a refusé de soutenir le projet de loi sur le financement des partis politiques. Il a trouvé des prétextes, de fausses raisons. Comme le fait qu’il n’y avait pas eu mention de financement public dans le projet de loi. Les militants doivent le juger.

Il faut le juger également sur la réforme électorale. Il était d’accord avec le consensus trouvé sur la question au sein du Remake. Or, il a adopté une politique rétrograde et a refusé le projet de loi présenté par le gouvernement MSM-ML qui est, dans les grandes lignes, presque pareil. Il n’y a pas eu de vote et aujourd’hui, nous payons le prix et devons toujours, par exemple, déclarer notre communauté pour être candidat aux élections.

Pour le PTr, peu de critiques de ma part sont nécessaires car la population sait et voit tout ce qui concerne le leader de l’Alliance Nationale. Navin Ramgoolam doit des explications sur son coffre, cet argent… Et aujourd’hui, d’autres informations circulent sur le net selon lesquelles il aurait détourné l’argent de son propre Parti pour effectuer des achats faramineux. Il y a aussi les témoignages, par exemple qu’il était à Roches Noires alors qu’il a dit non. On a évoqué sa violence envers les femmes… Tout cela mérite des explications de sa part.

C’est mon devoir d’exposer au public les faussetés évoquées par Navin Ramgoolam, ou les fausses promesses faites. Ou encore montrer comment les dirigeants de l’Alliance Nationale n’ont aucune crédibilité. Souvenez-vous, en 2014, ils avaient dit que ce n’était pas possible d’augmenter la pension de vieillesse. Mais nous l’avons fait.  En 2019, leur première réaction après notre annonce a été que ce n’était pas possible d’augmenter encore la pension. Mais une semaine plus tard, ils proposent une hausse et surenchérit sur ce que nous proposons. Which is which? Comme pour les critiques envers le projet Safe City. Nous, nous pensons à la sécurité des citoyens; lui, il veut enlever les cameras. Les gens doivent juger ces grossièretés que Navin Ramgoolam pond à la population

l Qui alors, entre Paul Bérenger et Navin Ramgoolam est, à ce jour, votre principal challenger?

L’un n’est pas moins challenger que l’autre car les deux souhaitent accéder au poste de Premier ministre. Nous savons, toutefois, quel est le poids du MMM dans ces élections. Nous allons voir les résultats que nous avons déjà. Le MMM a dégringolé, dégringole et continuera de dégringoler. Quant au PTr , ce parti s’est discrédité complètement avec un leadership dans lequel l’électorat ne se retrouve pas. Et ce n’est pas seulement ce leadership qui suscite questionnement. Il y a aussi d’autres candidats…

l En 2014, l’effet Virer Mam a porté l’Allians Lepep au pouvoir. Pensez-vous que la stratégie 2.0 sera à nouveau parlante? 

Les réseaux sociaux apportent, certes, une certaine influence. Mais pour moi, cela reste limité. Ce ne sont pas les réseaux sociaux qui nous ont fait remporter les élections en 2014. Ce sont les arguments avancés, le projet de société en lequel la population a cru et a adopté. Les gens ont réalisé que nous sommes des politiciens de principes. Rappelez-vous ce qui s’est passé avec Paul Bérenger qui a rompu le Remake sans raison. En contractant une alliance avec Navin Ramgoolam, il a démontré qu’il est quelqu’un qui ne s’intéresse qu’à son propre intérêt avant l’intérêt de ses militants et celui du pays. C’est la raison pour laquelle les gens se sont retournés contre lui, contre ce partage de pouvoir entre lui et Navin Ramgoolam. Et selon lequel l’intérêt du peuple était secondaire. C’est tout cela qui a contribué à apporter un grand changement.

Aujourd’hui encore, je constate que la population est avec nous car nous sommes restés constants. L’alliance MSM-ML a travaillé sur son programme et réalisé les choses pour lesquelles nous nous étions engagés. Fort de notre bilan, cette équipe s’est agrandie aujourd’hui avec l’arrivée de la Plate-forme militante Alan Ganoo, Kavi Ramano, Steve Obeegadoo… Nous avons une consolidation de l’alliance et nous continuerons dans les 5 ans à venir à apporter des développements. C’est en cela que les gens croient. C’est ce qui nous portera vers la victoire.

l Néanmoins, l’influence du net a pris une grande place dans la campagne. Quel est votre sentiment face à tous ces gates qui circulent, tantôt sur vous et vos proches, y compris sur votre adversaire Navin Ramgoolam. 

Arrêtons-nous d’abord sur ce qui a été publié sur moi. Tout cela me renvoie à ce qu’on avait fait déjà en 2014, lorsque le PTr et le MMM avaient fait circuler une bande sonore pour dénigrer ma famille. Le résultat à l’issue du scrutin était sans appel. Cette année encore, cette campagne continue. Mais vous remarquerez qu’ils n’ont rien pour m’attaquer personnellement. Pena nanien et pa pou ena nanien, car de la manière que j’assume mes responsabilités, il n’y a rien à me reprocher personnellement. Pour moi, ce sont des lâches qui utilisent ma famille pour attaquer mon moral. Ki kantité laboue pann jete lor moi concernant Medpoint? Ti pe dir mo pe marcher menottes dans la main. Mais je suis un homme de conviction et j’ai fait mon travail.

l Cette politique zet laboue n’est pas à sens unique. Vous l’appliquez également.

Ce n’est pas moi qui ai créé ces données, ces clips, etc. Par contre, je constate que le groupe Top FM nous attaque, pas moi personnellement, mais cela se voit qu’il a un agenda clair et travaille pour le PTr et le PMSD. J’ai pris connaissance de toutes ces choses qui circulent sur le net. Il y a aussi eu un communiqué de l’EDB et ensuite Mauritius Telecom pour rétablir les choses, et dire que c’était des faussetés.

En ce qui concerne les vidéos qui circulent sur Navin Ramgoolam, jusqu’ici, sur Roches-Noires, par exemple, il n’a donné aucune explication. Il a simplement brush cela aside… Il y a aussi les documents qui circulent et montrent qu’il a fait des transactions douteuses et dévié les fonds. Ce sont des preuves accablantes…

l Vous êtes dans les secrets de la NIU, du NSS et autres. Quel pronostic avancerez-vous pour ces élections ?

Je ne demande pas au NSS de me faire un rapport pour savoir qu’elle est la situation politique. J’ai ma propre façon d’analyser la situation: c’est d’aller vers les personnes,dans chaque circonscription, qui ne sont pas impliquées dans la politique, et de sentir quel est le feeling en général. Et l’image que je vois aujourd’hui c’est que nous allons vers une grande victoire.

l Parallèlement à votre analyse du terrain, certains observateurs n’écartent pas eux – au vu de la conjoncture, estimée serrée sur le terrain –  la possibilité d’un hung Parliament après le scrutin. Craignez-vous une telle éventualité?

Je ne me fie pas à ces observateurs qui disaient en 2014 qu’il y aurait un 60-0 en faveur de l’alliance PTr-MMM. Et je maintiens que nous allons vers une grande victoire.

l Et si, toutefois, tel est effectivement le cas et qu’on se retrouve avec un hung Parliament, quelle serait, alors, votre préférence en vue d’un gouvernement de coalition, le MMM ou le PTr?

Je suis catégorique: tel ne sera pas le cas. Marquer garder, je le dis ici dans cette interview, il n’y aura pas de hung Parliament. Vous verrez le 8 novembre. Nous allons remporter ces élections avec une bonne majorité.

l Devant votre confiance inébranlable que vous remportez le scrutin, quel genre de Premier ministre comptez-vous être si vous étiez élu à ce poste?

Je serai le même Premier ministre que j’ai été ces deux dernières années. Et continuerai à me consacrer à mon travail pour implémenter notre programme. Je suis dans une situation différente des autres challengers à ce poste dans le sens que je suis le Pm actuel. Nous avons déjà commencé un travail et la population peut juger concrètement le résultat. Nous avons plusieurs autres projets dans le pipeline. Nous avons dû mettre ces projets en attente à cause de la campagne mais ce train de développement sera relancé et ira plus vite. C’est pourquoi je dis à la population: pas arrête un train de progrès et développement pour le pays.

l Toutes ces promesses électorales mirobolantes, notamment, une nouvelle hausse conséquente de la pension de vieillesse, ne risquent-elles pas de fragiliser davantage l’économie qui est déjà dans une mauvaise passe?

Je ne viens pas, du jour au lendemain, annoncer une mesure sans réfléchir aux conséquences. La question de la pension de vieillesse, par exemple, est un sujet sur lequel j’ai travaillé depuis longtemps. En 2014, l’opposition actuelle disait également que nous ne pourrions pas augmenter la pension. Pourtant, nous l’avons fait et l’économie n’a pas été fragilisée. C’est une mesure travaillée, comme tout autre mesure que nous apportons. Je dois rappeler que depuis la première hausse de la pension, à plusieurs reprises j’ai dit qu’à l’avenir je ferai davantage pour nos aînés. La presse peut en témoigner. Ce n’est pas quelque chose que nous avançons à cause des élections. Il s’agit de ma philosophie et je sais que cette augmentation progressive jusqu’à Rs13,500 ne causera aucun tort à notre économie. Je suis un Pm et un ministre des Finances responsable. Si tel devait être le cas, je n’aurai pas pris une telle décision. Je sais ce que le pays peut se permettre et ce qu’il ne peut pas se permettre.

l Quelles sont les mesures phares que vous préconisez en vue d’une relance de l’économie nationale, particulièrement au niveau des secteurs les plus mal en point que sont le Tourisme, le Textile et l’industrie de la canne?

Je reviens d’une rencontre avec les planteurs. Nous allons faire une grande reforme de l’industrie sucrière. Des consultants de la banque mondiale et nos propres techniciens y travaillent. Aussitôt que nous prendrons le pouvoir, un comité ministériel se penchera sur ce dossier qui sera une de nos priorités. La réforme – avec des mesures pour les travailleurs qui disposeront du choix de prendre une retraite volontaire, des mesures pour les planteurs et pour les sucreries – tiendra compte de tous les partenaires de l’industrie.

Pour ce qui est de l’industrie touristique, plusieurs projets, comme l’agrandissement de l’aéroport, la construction d’un Cruise Terminal et l’amélioration de nos infrastructures sont en préparation. Et nous prendrons des actions pour attirer davantage de touristes sur les marchés prometteurs.

Par rapport au textile, outre les mesures pour aider l’exportation, avec le speed to market scheme, nous comptons mettre en place un scheme similaire pour l’exportation vers les États-Unis.

l Quel est votre plan pour réduire le chômage?

Depuis que nous sommes au gouvernement, les statistiques démontrent une baisse du taux de chômage, année après année. Avec les projets de développement que nous entreprendrons, la situation s’améliorera davantage. Nous projetons la création de 10,000 emplois pour les gradués dans le secteur public. Nous avons annoncé la construction de différents centres hospitaliers qui devront absorber des professionnels ainsi que des casual workers. Le secteur privé ne sera pas en reste, car avec les développements qui interviendront, à l’instar de la construction des Urban Terminal, les compagnies devront rechercher de la main-d’œuvre.

l L’écologie et l’environnement dans son ensemble sont une question primordiale aujourd’hui pour les Mauriciens. Quel est votre constat, tenant compte qu’il y a, en outre, une perception par les touristes que le pays est sale et que Maurice est sujet au changement climatique. 

Le constat effectivement est qu’il y a des progrès à faire en matière de protection et préservation de l’environnement. Mais d’abord, il faut aussi se poser la question, pourquoi le pays est sale et quel effort chaque citoyen doit faire pour adopter cette culture de garder notre environnement, notre vitrine touristique, propre? C’est la raison pour laquelle je me suis personnellement lancé dans la campagne Clean up Mauritius afin de conscientiser davantage les Mauriciens à la propreté de notre île. Nous voulons aussi créer des parcs, des espaces verts à travers le pays. Nous sommes conscients que la question de développement a un impact sur l’environnement, mais nous allons entreprendre des actions pour nous assurer de l’équilibre entre le développement et l’environnement. Comme c’est déjà le cas avec la Promenade Roland Armand qui a été délocalisée en raison des travaux pour le Metro Express. Sur le plan global, en ce qui concerne les problèmes d’érosion, plusieurs actions ont déjà été entreprises pour la réhabilitation des plages.

Quant à la question de changement climatique, ce que Maurice subit est le résultat des grandes économies qui polluent notre planète. Nous sommes vulnérables et avons jusqu’ici été épargnés des grands cyclones, mais nous ne pouvons rester les bras croisés. Notre action en ce sens est au niveau international. J’ai eu des discussions avec le Président français et le Pm indien, le Président chinois, car nous dépendons beaucoup de ce qu’ils doivent faire pour éviter des catastrophes.

l Revenons à l’issue de ce scrutin. Vous êtes très confiant. Avancerez-vous un 60-0?

Je ne suis pas aussi prétentieux que ceux qui prédisaient en 2014 un 60-0. Mais je suis très confiant que nous obtiendrons une majorité confortable qui me permettra de travailler sereinement. Et grâce à quoi, nous pourrons mettre en place notre programme.

l À aucun moment vous n’envisagez que vous ne puissiez pas avoir une majorité confortable?

Non. Je suis encore plus confiant aujourd’hui. Quand je regarde les images de ce qui passe dans nos rassemblements à quelques jours des élections, même si ce n’est pas ce qui détermine les votes, cela démontre la tendance. Nos rassemblements sont comparables à ceux que nous avions en 2014. Cela veut tout dire quand nous comparons avec nos adversaires. Mais il faut aussi tenir compte de la masse silencieuse. Pour beaucoup, c’est difficile de dire ce qu’elle fera, mais moi, je suis convaincu que la grosse majorité de la masse silencieuse nous soutiendra.

l Un dernier message à l’électorat pour conclure…

La population a pu constater et j’ai donné la preuve du respect que j’ai pour toutes les communautés. Je suis heureux qu’elle réponde positivement à tous les efforts faits pour consolider l’unité nationale. D’ailleurs, nous avons vécu deux grands moments forts cette année avec les Jeux des îles et la visite du Pape François. Cet élan national et cette harmonie sont salutaires. La population sait qu’elle peut compter sur moi pour continuer dans cette direction.

Quant aux élections, mon appel pour ces quelques jours qui restent jusqu’au scrutin est que tout se déroule dans l’ordre, la discipline et le respect des adversaires. Montrons au monde que notre petite démocratie peut faire des élections qui sont des exemples.

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