Projet de réforme électorale : Confirmation vendredi de l’échec programmé

Le projet de réforme électorale, version MSM est, lui aussi, voué à l’échec. L’entame des débats, vendredi, sur le Constitution (Amendment) Bill ne laisse désormais aucun doute quant au sort qui sera réservé à cette énième tentative de revoir le système électoral en vigueur dans le pays depuis des décennies et la première qui est présentée sous forme de projet de loi à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre, qui a présenté le texte, a énuméré dans le détail les nouvelles provisions de la loi. Pravind Jugnauth a bien rappelé que dans les grandes lignes le projet de réforme qui s’articule autour du maintien du First Past The Post avec 60 élus à Maurice et 3 à Rodrigues afin que la circonscription puisse respecter le tiers des femmes, 12 élus à la proportionnelle et 6 à 10 élus sur une liste additionnelle dont la vocation, est de corriger toute sous-représentation de certaines sections de la population. Le nombre maximal ne dépassant pas 85.

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Il a rappelé que ces propositions avaient été rendues publiques en septembre dernier, le temps pour les intéressés de faire connaître leurs critiques et leurs propositions. S’il dit les avoir étudiées, il a cependant affirmé que si la réforme que propose le gouvernement MSM/ML a été finalement retenue, c’est parce qu’elle est une garantie de la stabilité de la majorité issue d’une élection tout en corrigeant l’injustice de la sous-représentation des candidats et de certaines sections de la population.

Quant aux observations de l’Electoral Supervisory Commission sur ce projet de réforme, le chef du gouvernement a dit qu’il ne serait pas correct de les rendre publiques. Et quelles que soient les observations de la commission, le gouvernement a, lui, un devoir de décision.

Pravind Jugnauth a profité pour souligner que le texte introduit aussi une avancée majeure avec l’obligation faite d’une meilleure représentation des femmes, Maurice étant un des plus mauvais élèves du continent sur la participation féminine à la vie politique. Il a également évoqué le volet anti-transfuge qui concernera essentiellement ceux qui auront été désignés selon la formule de rattrapage, soit par représentation proportionnelle, soit sur liste additionnelle.

Etre du bon côté de l’histoire

Pour le chef du gouvernement, c’est une réforme à la mauricienne qui est nécessaire après que le pays a célébré ses 50 ans d’indépendance et d’histoire. Il revient à ceux qui seront appelés à voter de faire le choix d’être du bon côté de l’histoire ou pas.

Le premier intervenant de l’opposition a été Adrien Duval et il s’est d’emblée élevé contre l’augmentation du nombre de députés d’un maximum de 70, actuellement à 85. Si l’on retire les 63 élus issus des circonscriptions, cela voudra dire que le système proposé ajoutera 22 autres nommés, mais qui sont « sans circonscription fixe ». Le député du PMSD a repris les thèmes habituels de son parti que sont l’Electoral Boundaries Commission et ses délimitations de circonscriptions qui ne sont pas, de son point de vue, justes. Adrien Duval a aussi défendu le Best Loser System ainsi que la nécessité d’un nouveau recensement ethnique. Dans ses commentaires, le député a aussi décortiqué la répartition communale du Conseil des ministres et des organismes parapublics.

Sir Anerood Jugnauth, qui a ensuite pris la parole, s’en est vivement pris au PMSD et à d’autres, le PTr notamment, qui ont toujours été du mauvais côté de l’histoire, selon lui. Le ministre mentor a cité l’opposition farouche de ces deux partis contre la République. Pour lui, il n’y a rien d’étonnant à ce que ces partis prennent de telles positions. Il a, d’ailleurs, réaffirmé son farouche rejet de tout recensement de la population sur une base ethnique.

Dans ses commentaires sur le texte proposé, SAJ a dit que la démarche du gouvernement est claire : respecter le voeu de l’électorat et maintenir une majorité stable, tout en corrigeant les imperfections et les injustices du système. « Fairness but not to the expense of stability », a répété le ministre mentor.

Réfutant la critique de Paul Bérenger qui a toujours dit qu’il est « obsédé », le ministre mentor a dit que cela ne le dérange pas outre mesure, parce que, pour lui, le verdict des urnes est sacré et que c’est un système stable qu’il faut pour la bonne marche d’un gouvernement et d’un pays.

Pour lui, il ne saurait être question d’introduire un système selon lequel « the winner will be a lesser winner and a loser and the loser a lesser loser and a winner ». Si SAJ a confirmé que le BLS est aboli, il rassure que ce qui est proposé le remplace et l’améliore même.

Le succédant à la tribune, Paul Bérenger a remis le projet dans sa perspective historique avant de dire sa tristesse de constater que c’est une nouvelle occasion ratée de procéder à une bonne réforme électorale. Le MMM, a-t-il dit, ne votera pas le texte proposé, parce que le nombre de 12 élus à la proportionnelle est, pour lui, trop faible, et que les principaux orateurs de la majorité qui sont intervenus n’ont pas démontré le moindre désir de proposer des amendements. Il a tenu à répéter que son parti n’a jamais préconisé un système de proportionnelle pure.

« Worse than back to square one »

L’autre objet de contentieux qui fait dire que le MMM ne peut approuver un tel texte est qu’il introduit ce qu’il a appelé un « machin » unique au monde qui consiste à corriger la correction faite par la représentation proportionnelle. C’est « worse than back to square one ». Cette provision n’existe dans aucun pays du monde, a-t-il souligné.

A l’opposé des positions du PMSD, Paul Bérenger a réaffirmé son rejet de tout nouveau recensement ethnique, parce que cela divisera la population et aussi, parce que ce qui existe déjà, les quatre communautés prévues dans la Constitution, est largement dépassé. Le leader du MMM a aussi parlé du Best Loser System, des raisons historiques qui font qu’il soit tellement ancré dans le subconscient de certains et a observé que ce que propose le gouvernement MSM/ML est loin de rassurer.

Paul Bérenger a enfin déploré que le Premier ministre ait refusé de rendre publiques les réactions de l’Electoral Supervisory Commission sur le projet de réforme du gouvernement. Il en a conclu qu’il sera de la responsabilité d’un prochain gouvernement d’instituer un Select Committee sur ce sujet en vue de dégager une réforme qui convient à tous. « Quoi qu’il en soit, nous allons continuer à nous battre pour une vraie réforme électorale », a-t-il affirmé.

« Il n’y a rien qui nous sépare du MMM ». C’est le cri du coeur du Premier ministre adjoint Ivan Collendavelloo lancé à ses anciens camarades du MMM avant de les engager à voter cette réforme tout en précisant qu’il a, lui-même, des « preferred views ».

Pour amadouer les mauves, il a aussi cité les provisions devant assurer une meilleure représentation des femmes, un combat si cher au MMM, ainsi que le volet anti-transfuge, phénomène dont, de tous les partis, le MMM a le plus souffert. « Je suis à 200 % en accord avec Paul Bérenger lorsqu’il dit non à un recensement ethnique, pour la raison qu’on ne peut pas retourner en arrière 50 ans après l’indépendance », a aussi déclaré le Premier ministre adjoint. Ivan Collendavelloo a aussi critiqué la position adoptée par le député bleu Adrien Duval s’étonnant que ces propos viennent d’un jeune.

Shakeel Mohamed, le dernier orateur du vendredi, a commencé par une attaque frontale contre Anwar Husnoo qui s’était prononcé contre l’abolition du BLS et s’en est pris d’une manière générale au Muvman Liberater. Il s’est ensuite embarqué dans un discours pour défendre le BLS et les minorités. Il a même estimé que 30 % des femmes, « c’est pas assez et qu’il faut 50 % et même plus ».

La séance de vendredi avait commencé par une PNQ du leader de l’opposition sur le taux élevé d’échecs aux examens de droit et les discriminations inhérentes que comporte le système entre étudiants étrangers et ceux qui font leur cursus ici.

Maneesh Gobin, à qui cette PNQ était adressée, a annoncé qu’un comité de haut niveau, présidé par un retraité du judiciaire, se penchera sur une refonte du système.

Photos indécentes depuis l’enceinte du Parlement : Maya Hanoomanjee annonce qu’elle ne fera rien

Kalyan Tarolah s’en tirera à très bon compte. Ainsi en a décidé la Speaker Maya Hanoomanjee qui, dans une déclaration faite en début de séance, vendredi, a fait l’historique de cette affaire pour conclure que la démarche du député du MMM Reza Uteem pour que le Parlement statue que le député du MSM du No 10 ait enfreint les lois de l’Assemblée nationale est irrecevable, parce qu’elle arrive trop tard.

Pour elle, une motion aurait dû être présentée au moment de l’éclatement de l’affaire en octobre 2017. La Speaker a ainsi statué que cette affaire ne peut être référée au Directeur des poursuites publiques — à la grande stupéfaction des élus de l’opposition — non sans avoir fait état de son indignation quant au comportement de cet élu.

Reza Uteem, visiblement outré, a rappelé que les faits alors reprochés au député Tarolah avaient été référés à la police qui démarrait son enquête. Or, a-t-il rappelé, ce n’est que le 30 novembre dernier que le bureau du DPP a publiquement fait état de ses observations avant de renvoyer l’affaire devant la Chambre. Maya Hanoomanjee a alors dit que sa décision est définitive et que quiconque voudrait contester son arrêté pourrait le faire selon les procédures établies.

Alan Ganoo, qui voulait intervenir a, lui aussi, été sèchement rabroué par la Speaker.

Mardi dernier : Nouvelles révélations sur le SIFB

C’est la Private Notice Question du leader de l’opposition qui a retenu l’attention à la séance parlementaire de mardi dernier. Xavier Duval a fait de nouvelles révélations sur le Sugar Industry Fund Board. Cette fois, sur une transaction sur l’achat de 6 arpents de terres dans la région d’Ebène/Trianon à près de Rs 19 millions l’arpent pour une somme totale de Rs 120 millions, alors que le prix du marché dans la région tourne autour de Rs 5 millions à 6 millions.

C’est une « arnaque de proportion gigantesque », a dénoncé le leader de l’opposition qui a, néanmoins, reconnu que cette affaire n’est pas le fait du ministre de l’Agro-industrie, Mahen Seeruttun. Ce dernier a d’ailleurs annoncé que le Fact Finding Committee institué pour examiner les erreurs qui ont coûté aux petits planteurs leur compensation se penchera aussi sur cette affaire d’acquisition de terres.

Ont aussi été votés à cette séance deux textes, The Mauritius Family Planning Bill et The Ombudsperson for Financial Services Bill.

La semaine prochaine : Pas de Question Time et bouclage des textes

Nouvelle séance du Parlement demain pour la poursuite des débats sur la réforme électorale et pour le passage au vote du texte et un décompte individuel des voix en vue de déterminer s’il passe le cap de l’adoption et des trois quarts requis pour être appliqué. Si cette étape est bouclée, les parlementaires examineront le Declaration of Assets Bill, inscrit aussi au nom du Premier ministre Pravind Jugnauth.

Mardi, pas de Question Time, puisque le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth proposera en deuxième lecture le budget supplément introduit depuis le 27 octobre dernier. En sus de ce texte, il est prévu que soient aussi bouclés, s’ils ne l’ont pas déjà été, les projets de réforme électorale et de déclaration de patrimoine.

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