PUBLICATION: The do country

Le livre de l’historien et géographe Mario Serviable « The do country » (Editions ARS Terres Créoles, illustrations de Bello et Rosy, 2011) résonne comme une exhortation à entendre une voix, à voir des figures archétypales de l’île Maurice des années 50. Ce sont aussi des moments associés à notre mémoire collective. La signification du titre induit un message ultime au lecteur qui veut se l’approprier : c’est le « do » créole qui caractérise la fin d’une phrase en milieu rural ( » ta » en milieu urban). Exemple : « She met me, do ! »
Sur fond d’évocation du monde insulaire et d’un tableau de la vie à Rose-Hill et ses environs Stanley, Trèfles, Beau Séjour, le narrateur explore des images savoureuses et poétiques. Il s’agit précisément des images issues de mémoires lointaines, de coeur, de la passion, de la musique. C’est par une approche qui renvoie à des airs populaires (Puppy love, When the saints go marching in, You are my destiny, Save the last dance for me) que le narrateur-géographe attaque ses chapitres. Exemple : « VI — You are my destiny… Introducing Gro’Fee, Ti’Olo’s better half in their honeymoon period and the Geographer keeping tab on the general gossip. In the background hovers another heavyweight contender : Gro’fee’s Ma. She gets on well with hats and dresses, less with people… »
Différents angles d’attaque (lexical, syntaxique, rythmique) peuvent être distingués. Parmi l’une des réussites de l’ouvrage, l’on peut signaler la subtilité du texte et du langage qui renvoie aux aventures d’un personnage central, Ti’Olo, autour duquel se construit l’enfance, l’adolescence, le rapport à l’autre, les moeurs du pays. Les scènes souvent saugrenues sont servies par une langue anglaise vive, empreinte de jeux de mots et de formules cocasses : « Madame Eugene, looking perfectly foul in a borrowed over-size catora-cap with a fly-catching veil, was making pest of herself hosting other people’s wedding… »
La plume de Mario Serviable décrit avec humour des scènes de la vie dans la banlieue de Rose-Hill. Le quotidien du héros est dépeint au travers de nombreuses situations cocasses. Loin des clichés, on ressent l’animation des rues près de « Coin Idéal » avec ses parfums et son âme. L’auteur ne fait pas dans le folklore mais dans un mélange de personnages réels et imaginés (Balkissoon, Tantine Tawa, Grand-Madame, Long-Co, Ayoun). Mario Serviable a écrit un livre dont la fiction dépasse la présence dans le texte de personnages marqués par le destin. Le livre parvient à jouer d’un personnage récurrent autour duquel gravitent d’autres personnages. Il inscrit aussi la marque d’une mémoire dans des portraits diversifiés qui parviennent à prendre en charge ce que le pays portait autrefois de nuances. « The do country » est un plaisir, car sous ses abords ludiques, ce bref récit cache une finesse de trait et d’analyse d’autant plus appréciable que la verve du récit porte sur une lecture qui peut être délectation de toute sorte : roll, one « Gro’Fee was true to her word. It would have to be one. So she had one big badia, one small badia, one fried-bread, one arouyegateau-piment, one merveille (she asked for another one on the ground that the first one was only for tasting purposes), one small puree, one pair of dholl-puree (replace the tomato sling with double big peas please), one teycoi, one eggplant cake, at credit please… »
Ce regard posé sur le monde, s’il n’épargne personne, n’est pas un moquerie, ni dénué de tendresse au travers d’un anti-héros. L’auteur se contente de nous faire voyager dans un monde plein de malice et d’exposer quelques traits de notre société au moyen d’une écriture mordante, laissant cependant le lecteur libre de ses interprétations et réussissant l’exploit d’un récit drôle, incisif, sans jamais être moralisateur.

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