PUBLICATION: L’île au temps des épidémies et des voiliers

Les éditions Mauritiana et le Blue Penny Museum ont décidé de partager en cette fin d’année deux albums de photographies du XIXe siècle, faisant partie des collections de la MCB. En résulte le beau livre L’île Maurice d’antan, dans lequel nous pouvons découvrir des vues de Maurice et de ses habitants prises après 1860. Alors que la tradition de l’album photo témoignait le plus souvent de la vie de son auteur et de son milieu, aux côtés de quelques paysages et curiosités auxquels il avait été sensible, cet ouvrage-ci apporte aussi un témoignage sur les gens du peuple, proposant des portraits et des scènes de rue aussi émouvantes qu’instructives.
Le plus ancien des deux albums qui nourrissent l’ouvrage L’île Maurice d’antan a appartenu au Britannique John James Harper, dont on ne sait guère plus que ce que son récit dévoile, à savoir qu’il est arrivé à Maurice en 1860 et qu’il en est parti 14 mois après. Son album comprend une trentaine de vues de Maurice et son récit fait le texte de l’ouvrage, tant dans sa version originale anglaise, que dans sa version traduite en français. L’autre album appartenait à la famille Barkly, sachant que Sir Henry a été gouverneur de l’île de 1863 à 1870. Quelques-unes de ses cinquante photos témoignent de certains événements sociaux.
Bien qu’anciens, les petits tirages qui font la matière et l’intérêt de ce livre ont été minutieusement traités pour leur reproduction imprimée, ce qui rend ce livre relativement vivant, et agréable à regarder. Une première image nous montre à côté de l’introduction une foule majoritairement indienne, en train de gravir des escaliers extérieurs, qui font penser à l’Aapravasi Ghat mais on ne peut l’attester car cette image n’est pas légendée, au grand regret des éditeurs. Plusieurs vues de Port-Louis prises de la Citadelle nous rappellent que les édifices les plus hauts de notre capitale étaient alors soit des arbres, fort nombreux, soit les mâts des magnifiques bâtiments qui remplissaient la rade.
Les écrits de John Harper datent d’une époque où notre île comptait 320 000 habitants, et Port-Louis 50 000. Ses premières impressions à son arrivée par bateau en 1860 furent « tout sauf satisfaisantes ». Il évoque les rues sales et puantes, mises à part celles qui côtoient le Palais du gouvernement et le Champ-de-Mars.
Les courses hippiques et matchs de criquet occasionnaient des congés pour les employés indiens des plantations, que le photographe a été heureux de découvrir en tenues de ville. « En de telles occasions, il y a des milliers de personnes, jusqu’à 80 000, dont la majorité sont des Indiens. Ils sont d’ailleurs remarquablement propres, et leurs habits sont de toutes les couleurs, rouge, jaune, orange, bleu et jaune, avec une dominante rose, l’effet de l’ensemble offre une apparence très différente de la teinte sombre d’une foule anglaise. »
Ce texte commence par un descriptif géographique de Port-Louis et des montagnes de l’île. John Harper évoque aussi le cyclone de 1862 et apporte un témoignage poignant sur les effets désastreux des épidémies de fièvre, couplées au manque de vivres. Il évoque le défilé des cercueils et la réduction drastique de toute activité en raison des maladies qui affectaient la majorité de la population.
Le voyageur décrit précisément le traitement des travailleurs engagés, et plus tard il donnera un témoignage sur les différents types de population présentes à Maurice. Des portraits de travailleurs indiens, créoles, de commerçants chinois ou musulmans figurent aussi dans ce livre, qui nous montre également dans un autre registre une scène de vie quotidienne dans un salon du château de Réduit, ou encore des photos liées à la visite du duc d’Edimburg.
Ses premières impressions liées à la saleté de Port-Louis seront vite compensées par la beauté des paysages qu’il découvre. Notre homme raconte son départ vers l’île Bourbon, après 14 mois de séjour, dans les termes les plus favorables. À bord du vapeur le Dupleix, il évoque le défilé des paysages et dit le contraire de ce qu’il affirmait au début, à savoir que cette île mérite l’expression de « perle de l’océan Indien ».

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