Quand le miel manque, on se contente de mélasse

A défaut de la plus complète désillusion sur nos dirigeants  politiques actuels, et « En attendant Godot », les ricanements secouent l’île quant à la dernière épisode de rupture / maintien au niveau du gouvernement PTR/PMSD. Partira, partira pas ? Homme ou femme politique, même opportunisme, même cynisme. C’est à croire qu’il n’y a aucune limite au ridicule dont le monde politique est devenu maître, qu’ils le cultivent exprès pour nous rendre chaque jour un peu plus blasés, désenchantés, décervelés.
Malheureusement, le feuilleton qui vient de se dérouler n’a plus de saveur. Affreuse banalité du manque de courage et de force de caractère. Tous, les mêmes. La répétition des actes est lassante. Cependant, la situation est grave, trop grave pour que nous restions dans le silence  ou que nous reprenions la même palette empruntée à la scène, théâtrale ou cinématographique dont nous avons l’habitude pour raconter nos histoires à la Bécassine. Il n’est pas question non plus de tomber dans la ballade nostalgique. L’évocation ici sert uniquement de repère sur le goût du miel, d’un certain miel qui a nourri nos jeunes années.
Nous étions ambitieux, nous voulions faire pour notre pays ce que nos parents n’ont pas pu réaliser pour le leur, eux qui voulaient toujours revenir sur leur sol d’origine pour y mourir. Nous croyions pour notre petit pays à ce fameux passage biblique « Je vous ferai monter vers une terre qui ruisselle de lait et de miel. » (Ex 3,8).
Nos rêves, nos aspirations les plus fortes étaient collectives; nos clivages d’ethnie, de classe, de caste et de genre, des contingences dont la saillance n’empêchait pas un projet commun, des engagements qui transcendent les particularismes dus au hasard.
On dit aujourd’hui des jeunes qu’ils refusent l’engagement, qu’ils sont attachés à l’argent facile, repliés dans leur monde virtuel, déconnectés de la vraie vie, dégoûtés du monde politique. Mais à chaque génération, on oublie trop vite qu’il y a conflit même si les termes en sont modifiés. L’enjeu demeure le positionnement des générations et l’accès aux ressources. Le nier c’est faire de l’angélisme. C’est un conflit fondateur qui, dans le bon dépassement, transparent et loyal, permet le renouvellement des forces qui animent toute société et l’inspirent pour son devenir.
Les forces politiques actuelles, de quelque bord que ce soit, ne veulent surtout pas de transformation sociale. Ils animent un jeu dangereux qui casse les velléités de rêve collectif que les jeunes peuvent produire ; ils les confortent dans leur tentation de déréalisation du monde et d ‘un repli sur soi pathogène qui bloque toute intelligence vraie avec l’autre. Tout est faux, hypocrite et calculateur. Au lieu de les accompagner dans leurs engagements à temporalité plus variable que la nôtre, nous leur offrons la désolation de nos pensées sclérosées, nos stratégies atteintes d’Alzheimer avancé, poussées par la paranoïa et notre soif de pouvoir sans limites. Allons donc parler aux jeunes pour les motiver et nous présenter comme gurus du temps présent. Quant à parler sur l’affliction du peuple et sur ce  qui fut réalisé, bien des fils parvenus peuvent sans difficulté et sans souffleur, reprendre de vieux textes à « la gloire de mon père ».
Toutes nos institutions à l’instar du politique, y compris notre système d’éducation ont eu leur temps de miel : un temps malheureusement bref de fabrication qui devait s’enrichir et produire des « process » de qualité. Le temps du miel a duré une courte saison. Notre belle colonie a été décapitée : tuées la reine, l’unique femelle fertile et fécondée et les ouvrières qui assuraient l’entretien et le ravitaillement du nid, ainsi que les soins au couvain. Etouffés, les mâles ou faux-bourdons dont le seul rôle connu est la fécondation des futures reines. Nés d’un ovule de reine non fécondé, ils meurent après l’accouplement. Cherchez la reine et les faux-bourdons. Nous, les ouvrières, nous étions fiers d’assurer la survie de l’essaim. Que dira l’Éternel ?
Quand le miel manque, on se contente de mélasse. Proverbe sanscrit.

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