Quel dégel ?

« Comme dirait l’autre, la dignité n’a souvent peu de prix là où la force de l’argent finit par s’imposer »

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La journée internationale 2019 ne sera pas la dernière réunion hippique de l’année puisque la Gambling Regulatory Authority (GRA) a favorablement répondu à une requête du Mauritius Turf Club (MTC) pour une journée supplémentaire, alors que tout le monde avait déjà plié bagage et planifié ses vacances, que l’entraînement des chevaux était en phase de décélération et que les jockeys étrangers s’étaient mis en mode back home. Tout le monde ou presque a décidé de répondre favorablement à cette nouvelle donne qui va apporter un peu de réconfort aux finances désastreuses du MTC et, par ricochet, aux établissements dont bon nombre sont aux abois. Mais cela n’a rien à voir avec la rationalité des courses qui reposent elles sur du travail scientifique et non des stratégies politiques de circonstances. Faisons néanmoins contre mauvaise fortune bon coeur.

Ainsi, ce qui, il y a quelques mois seulement était inimaginable est donc devenu une réalité sur fond de l’exploitation astucieuse du Prime Minister’s Office (PMO) et de la GRA de la différence de vision qui règne au sein de l’administration du MTC, et qui oppose celle du président Kamal Taposeea et de celle Frantz Merven, qui avait été pressenti pour être le président du MTC cette année. Mais fort d’un soutien interne majoritaire, Taposeea rempila.

Les relations entre PMO-GRA et MTC sont alors demeurées conflictuelles et se sont même fortement détériorées, au point où le MTC s’est retrouvé dans une situation financière au bord de la faillite. C’est dans ce contexte que Frantz Merven a obtenu au forceps, dans le sillage des dernières élections, cette fameuse neuvième course, pourtant demandée à cor et à cri, et refusée sur la majeure partie de la saison. Ce succès est le résultat d’avoir entretenu la ligne de communication avec le membre de la GRA Dev Bheekary pour le compte du PMO et qui lui avait permis de rencontrer le Premier ministre en personne en début d’année. Cette tâche, il est vrai, avait été facilitée lorsque le MTC a retiré un procès embarrassant contre la GRA et a consenti, comme l’exigeait le Finance Bill, à ce que la compagnie SMS Pariaz retrouve une place sur les écrans de télévision au même titre que Supertote et Globalsports.

Ce réchauffement des relations MTCGRA n’allait pas en rester là puisque d’autres développements significatifs allaient se produire ces derniers jours dans le sillage des relations cordiales rétablies, à la surprise générale, entre le MTC — facilités par les bons soins du président Taposeea, qui a rencontré tour à tour un haut gradé délégué par le GM et le magnat des paris mauriciens, Michel Lee Shim. Au point où ce dernier a également été reçu dans la foulée par le CEO du MTC, Mike Rishworth, dans les locaux mêmes du MTC. Officiellement ont été discutés, ce que personne ne veut confirmer, le membership au MTC de Michel Lee Shim, le litige qui oppose MTC/SMS Pariaz et l’avenir des courses. Entre-temps, le principe d’une journée de courses supplémentaire avait été agreed et la confirmation est venue du PMO et la GRA, réunie en séance spéciale, qui a cette fois été approuvé comme une lettre à la poste. Le crédit rejaillit sur le président Taposeea, revigoré par cette nouvelle donne et qui cette fois a dû se résigner à composer avec ceux qui l’avaient pourtant humilié et vilipendé semaine après semaine. Comme dirait l’autre, la dignité n’a souvent peu de prix là où la force de l’argent finit par s’imposer.

Toujours est-il que le PMO et la GRA sont presque arrivés à leurs fins, c’est-à-dire leur mainmise sur l’organisation des courses, avec l’entrée de ce que certains hauts gradés du MTC qualifient de « loup dans la bergerie ». L’avenir nous dira ce que fera le loup affamé — qui s’est récemment découvert une âme de Père Teresa —, mais le Mauritius Turf Club ne doit s’en prendre qu’à lui-même s’il se trouve aujourd’hui dans cette situation d’obligé et d’être demeuré pendant de très longues années une bergerie sans leadership suffisamment fort pour protéger ses brebis. Il faut tout de même noter deux choses importantes dans cette capitulation que le MTC qualifie, lui, de détente. D’abord, que celui que le PM a affirmé ne pas connaître à la veille des élections a eu une certaine influence au PMO, au point d’avoir facilité l’acceptation d’une journée supplémentaire hors-saison et deuxièmement que le MTC accepte de discuter avec quelqu’un qui n’a officiellement — c’est lui qui l’affirme — rien à voir avec les compagnies de betting qu’il a créées. Celui que certains de son entourage surnomment affectueusement parrain, tant il est généreux, n’en a apparemment pas fini avec ses ambitions professionnelles. Sur les réseaux sociaux, qui ne sont pas particulièrement tendres avec lui, on lui prêtre l’intention de relancer son projet d’hippodrome à Côte d’Or et deux autres compagnies liant le betting et Internet.

Qu’à cela ne tienne, si tous les développements de ces derniers temps permettaient enfin un vrai partenariat État-MTC et une GRA plus professionnelle dans la lignée de sa mission première, peut-être sommes-nous en train d’assister à une nouvelle ère pour l’hippisme mauricien. De quoi sera-t-elle faite ? That is the question ! On prête au gouvernement nouvellement constitué l’intention de donner enfin cette helping hand de l’État réclamée jadis par le président Brian Glover et tous ses successeurs à la tête du MTC depuis. En tout cas, c’est tout le bien qu’on lui souhaite, car il est grand temps de sortir de cette torpeur et cette descente aux enfers auxquelles nous avons été témoins ces dernières années, qui ont même vu les courses hippiques mauriciennes être l’objet d’une commission d’enquête dévastatrice mais qui ne s’est pas révélée salvatrice, car sur le fond rien n’a changé.

Pour preuve, ce qu’est devenue la double journée internationale est symptomatique. S’il faut saluer le travail de titan réalisé par le duo Mike Rishworth-Shan Ip pour avoir rendu possible cette édition 2019 malgré leurs moyens limités et l’image désastreuse de nos courses à l’étranger, il faut concéder que depuis quelques années, ce week-end ne fait plus rêver. Il a perdu de son lustre d’antan et de sa ferveur enivrante. Nous n’attirons plus les têtes d’affiche qui, pourtant, vont jeudi prochain faire vibrer les Hongkongais : Dettori, Boudot, Sousa, Murphy, Mc Donald, Moore, Purton, Moreira et…. Teetan.

Auparavant, ils faisaient le détour pour notre île paradisiaque avant de se diriger vers ce haut lieu hippique d’Asie. Il y a évidemment les moyens financiers, mais il faut être réaliste, il y a plus que cela. Notre hippisme a aussi perdu sa crédibilité. Le pays a reculé sur la fraîcheur et la spontanéité de son accueil. Cela se reflète particulièrement dans l’enlisement de l’industrie touristique mauricienne. Et puis, il y a eu tant de tracasseries de la police, de la GRA et du ministère de l’Emploi sur les jockeys étrangers pressentis pour monter chez nous, sans compter les misères faites au commandant Hoffman. Il faut avoir la lucidité et l’humilité de faire ce constat pour comprendre pourquoi on touche le fond et trouver les remèdes de la reconquête.

Saluons néanmoins bien bas et sans préjudice à leur talent ces jockeys étrangers et les cavalières de la Fegentri qui nous font l’amitié de venir égayer ce week-end et lui permettre de garder son label international. Que la fête soit et que les meilleurs gagnent ! Après, il faudra bien vite retourner aux affaires courantes et faire du dégel apparent un moment d’espoir pour l’hippisme mauricien… à moins que ce ne soit encore une stratégie ou un piège pour prendre définitivement la main.

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