Querelle de paternité

Il faut vraiment désespérer d’une certaine classe politique. Celle qui est incapable de se montrer honnête ne serait-ce qu’avec les faits. Historiques et vérifiables. Pour illustrer cela, l’affaire des terres entraînant la grève de la faim de Clency Harmon est le radar objet d’une querelle de paternité digne d’une cour de récréation.

- Publicité -

Les terres sont au cœur du débat depuis des lustres. Le MMM parlait de réforme agraire dans les années 70 mais après s’être converti au réalisme économique, ce fut pour tous les partis de gouvernement, en fait, des tractations, au cas par cas, pour arracher aux sucriers, qui possèdent la plupart des terres du pays, quelques parcelles pour réaliser, ici, des écoles et, là des projets sociaux et sportifs.

Pas de grand mouvement de propriétaires jusqu’en 2002. Lorsqu’il y eut le  “Godsend Illovo Deal” (SAJ dixit), malgré toutes les critiques injustifiées et qui permit à l’État de prendre possession de 7,000 arpents de terres et de celles acquises à une roupie l’arpent à Ébène, là où ceux qui critiquaient le fameux deal ont fini par se battre pour s’y installer et élire domicile ministériel et professionnel.

C’est avec les terres obtenues que planteurs, laboureurs et artisans, actionnaires du Sugar Investment Trust, entité mise sur pied par Rama Sithanen en 1994, ont pu obtenir des lopins soit pour des activités économiques ou pour des projets résidentiels et qui ont poussé divers gouvernements à faire des projets à Highlands, dont celui du complexe sportif de Côte d’Or présentement en construction. C’est dire que, malgré les palabres politiciennes, cette transaction a été plus que bénéfique au pays et au peuple mauricien.

Le gouvernement MSM/MMM d’alors, auquel participait aussi Sylvio Michel, ne voulait pas s’arrêter là. Sensible aux revendications de ceux qui se disaient victimes de spoliations, il s’embarqua dans une entreprise visant à mettre sur pied un Land Restitution Committee. Nous sommes en 2004, Paul Bérenger, alors Premier ministre, confie à une équipe composée de l’ex-juge Robert Ahnee et l’universitaire Jocelyn Chan Low une mission visant à faire un rapport sur le sujet après des visites dans des pays qui avaient vécu le même phénomène et à formuler des recommandations.

Puis vinrent les élections générales de 2005 et la mise sur pied de la commission Justice et Vérité en 2007. Elle prit son temps et produisit un rapport en 2011. Lequel fut ensuite confié pour application à un comité ministériel présidé par le vice-Pm et ministre des Finances, Xavier Duval et composé de 11 autres ministres du gouvernement.

Un communiqué, qui date du 29 février 2012, détaille une liste de 19 recommandations à appliquer “fairly quickly” pour donner un suivi concret aux travaux de la commission. Parmi les propositions, une Land Bank mais aussi une Land Division de la Cour suprême. Ce document a vite été retiré de la circulation pour des raisons qui restent encore très mystérieuses…

En février 2012, il y avait un gouvernement PTr/PMSD dirigé par Navin Ramgoolam. Et au lieu d’une mise en application “fairly quickly”, rien entre 2012 et 2014 à part, peut être, la mise en chantier de l’Equal Opportunities Commission qui est finalement devenue un bouledogue sans dent. Cela n’empêche pas Navin Ramgoolam de venir dire le plus sérieusement du monde que le rapport a été torpillé par des lobbies.

Qui sont ceux qui ont bloqué les recommandations du comité ministériel?. Que s’est-il passé entre 2012 et 2014? Pourquoi Navin Ramgoolam et son allié Xavier Duval sont restés si passifs pendant deux longues années? Ce sont autant de questions auxquelles ils devraient, peut-être, commencer à répondre.

Quant à l’actuelle équipe dirigeante, elle a voulu, dans un souci de séduire l’électorat, tout mettre dans son manifeste et son programme de gouvernement, de la Freedom of Information Act au Land Tribunal, en passant par de l’eau distribuée 24/7. Pas étonnant donc qu’à la veille des élections générales, les enchères montent pour faire respecter les engagements pris devant l’électorat. Même si, malgré la grève de la faim de Clency Harmon, le gouvernement semble toujours vouloir jouer autant sur les mots qu’avec la montre sur la question des terres.

Pour le radar, c’est pareil avec ceux qui disent “moi sa, pa li sa”. Comme le fait Pravind Jugnauth. Se doter d’un nouveau radar s’est posé dès 2002, mais son coût très élevé avait fait tiquer et une meilleure coordination avec les services météorologiques des pays de la région avait alors été préconisée pour mieux s’armer contre les imprévus de la nature. On n’en était pas encore aux manifestations violentes du changement climatique.

C’est Navin Ramgoolam et son gouvernement qui, en 2013, après les inondations meurtrières et traumatisantes de mars de la même année, enclenche des discussions avec le Japon pour obtenir un nouveau radar plus performant. Cela a pris du temps et il a échu à Pravind Jugnauth d’inaugurer le radar flambant neuf aménagé avec l’aide du gouvernement japonais. Il n’était pas nécessaire de tout ramener à soi, faire comme si rien n’avait existé avant. C’est petit et c’est mesquin.

Xavier Duval a, par contre, raison sur un point. Oui, les priorités de l’équipe MSM/ML dépassent l’entendement. Pendant qu’il lance en grande pompe sa piscine à Phœnix, digne de “New York City”, à partir d’un financement qui demande à être un peu plus transparent, et qu’il dépense des milliards sur un complexe sportif qui ne sera pas totalement prêt pour les JIOI mais qui présente le curieux hasard d’être dans la circonscription du Pm, les habitants de Trou aux Biches, Riche Terre, Terre Rouge, Cottage et Fond du Sac ont dû, eux, nager dans la piscine de la peur et de l’angoisse, cette semaine, suivant des pluies diluviennes.

C’est comme si le prestige et le flafla avaient pris le dessus sur l’urgent, l’essentiel et le nécessaire.

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour