QUESTION À—BASHIR TALEB (DIRECTEUR):« Une dynamique différente dans un établissement de Form VI »

L’expérience de l’État pour un collège de Form VI à la fin des années 70’ n’a pas été concluante. Avez-vous, à un moment, eu des doutes sur le choix que vous avez fait ?
Pour n’importe quel projet, vous pouvez avoir tout préparé, à tous les niveaux, afin de bien démarrer, mais ce n’est que lorsque vous passez à l’action et que vous êtes confrontés aux situations réelles que vous pouvez mesurer vraiment le travail qui vous attend. Pour ce collège de Form VI, je n’ai jamais douté, mais j’ai eu de grandes interrogations. Nous ouvrons notre école à tous les jeunes de la République et, au début, on s’est demandé comment travailler avec les élèves venant de partout et n’ayant rien en commun. Comment leur donner le sentiment d’appartenance à leur nouvelle école, où ils ne passeront en fait que 18 mois quand on tient compte des vacances scolaires et d’un calendrier de travail plus court en Upper VI ?
On était aussi très inquiet lors du changement de gouvernement en 2005. Le collège a ouvert ses portes à l’époque du gouvernement MMM-MSM, qui avait converti un certain nombre de collèges d’Etat en Form VI schools. Mais le gouvernement qui est arrivé en septembre 2005 a tout renversé et on craignait d’avoir à faire marche arrière nous aussi. Heureusement, cette situation ne s’est pas produite. J’avoue que les premières années du collège ont été un temps d’apprentissage pour les responsables. Mais aujourd’hui, nous pouvons faire face à n’importe quel type de problème qui peut apparaître dans une institution de Form VI.
Est-ce plus facile d’administrer ce type d’école ?
Ce n’est ni plus facile ni plus difficile qu’un collège de Form I à VI car les responsabilités des pédagogues sont les mêmes et les tâches administratives sont pareilles. Toutefois, gérer une école composée de jeunes adultes requiert une approche relationnelle différente. Dans une école de Form I à VI, on voit les enfants grandir devant nous et il nous arrive de les appeler affectueusement “mon garçon” ou de poser la main sur leurs épaules. Cet élément de confiance et de respect dans les relations se développe tout le long de leur scolarité. Mais ce sont des adultes que nous accueillons dans un collège de Form VI, et qui ont été formés ailleurs. Ils viennent avec leurs différences de vie sociale et familiale et avec une philosophie et une manière de faire de l’école qu’ils ont fréquentée avant.
Qu’est-ce qui vous réjouit le plus au bout de ces dix ans ?
D’abord d’avoir pu faire cohabiter ces jeunes venant de collèges différents. Ensuite, le nombre grandissant de demandes chaque année ainsi que la performance de l’école aux examens de HSC sont sources de satisfaction. De 2006 à 2014, nous avons envoyé 2 500 candidats à ces examens et avons enregistré un taux de réussites dans la fourchette 67 à 72%. Il y a eu 1 675 élèves qui ont décroché leur diplôme de HSC et les autres ont quitté l’école soit avec un « Two “A” level », qui permet d’entreprendre des études universitaires, soit avec un niveau académique qui leur a permis d’entrer directement sur le marché du travail. Je suis aussi heureux devant la fidélité et le dévouement du personnel. Plus de 90% des membres du staff qui étaient là au début de l’école sont toujours avec nous, et ce sens d’appartenance constitue notre plus grande force pour poursuivre la route et mettre en chantier d’autres projets. L’Islamic Cultural College Form VI a non seulement survécu aux changements dans la politique de l’éducation nationale, mais l’école est aussi en bonne santé.
Est-ce le taux de réussites qui compte le plus ?
Avoir un taux élevé de réussites aux examens de HSC est certainement très gratifiant et encourageant pour le personnel, mais le plus important pour ceux qui ont pris l’initiative d’ouvrir ce collège est le développement intégral du jeune qui arrive chez nous. Nous incluons dans l’emploi du temps les activités nécessaires pour qu’ils aient une expérience éducative qui soit la plus complète. Tout ce que nous souhaitons, c’est qu’à la sortie du collège, ces jeunes, outre leurs diplômes académiques, aient acquis les “social skills” nécessaires pour entrer sans grande difficulté dans la vie universitaire ou dans le monde du travail.
La formule Form VI College peut-elle aider à combattre l’absentéisme chronique auxquels sont confrontés un grand nombre de collèges privés et d’Etat ?
Vous avez raison de soulever ce problème. Il y a une dynamique de travail très différente dans un collège de Form VI. Il y a des travaux de groupe que les élèves apprécient beaucoup et auxquels ils participent pleinement. Je peux vous dire que cela peut aider à diminuer le taux d’absentéisme des élèves. La majorité des élèves de Upper sont présents à l’école jusqu’à fin septembre en raison justement de ces travaux en groupe, qui leur donnent l’occasion de réviser ensemble, en présence du prof, et qui leur permet de s’entraider. Le taux d’absentéisme au collège n’est pas si élevé et il n’y a pas de phénomène de contagion. Dans une école de Form VI, on peut créer des nouvelles manières d’apprendre afin de garder l’intérêt des jeunes pour l’école.
En parlant de l’avenir de l’école, ne songez-vous pas à adopter une nouvelle formule de mixité en ayant filles et garçons dans une même classe ?
En créant l’établissement, nous avons voulu garder la spécificité islamique, c’est-à-dire en ayant des classes séparées pour les filles et les garçons, même s’ils étudient les mêmes matières. Mais il y a une certaine proximité pendant la récréation et lors des activités que nous organisons, comme des causeries et des conférences. La question d’avoir des classes mixtes nous a déjà été posée. Nous ne rejetons pas cette idée, mais elle n’est pas à l’agenda pour le moment. Quand l’heure arrivera de les mettre ensemble, nous en discuterons et prendrons la décision qu’il faut.
La mise en oeuvre du concept “nine-year school” aura-t-elle une incidence sur votre collège ?
Je ne crois pas. Au bout de dix ans, nous sommes tout à fait convaincus que l’existence des établissements dédiés spécifiquement aux classes de HSC est nécessaire dans le paysage éducatif mauricien. Si le gouvernement opte pour un nouveau système au secondaire? avec des “junior schools” et des “senior schools”, et nous demande d’adhérer à la nouvelle formule, nous devrons alors réfléchir sérieusement s’il faut convertir l’établissement pour recruter des élèves à partir des études de SC.

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