UNE QUESTION DE LÉGITIMITÉ: Où en sommes-nous ? Et que faire ?

La légitimité en gestion politique d’État, citoyenne, et du droit citoyen est une question d’espace et d’accessibilité à cet espace. Les corollaires qui permettent d’accéder à cet espace sont, principalement, une compétence évaluée, et ensuite le levier qu’est la méritocratie pour permettre à ce talent confirmé ou en cours de confirmation de s’exprimer.
Nombreux sont les qualificatifs et formules qui dénoncent l’illégitimité. Ce « garder-à-distance-le-citoyen » que les différents pouvoirs préfèrent voir perdurer pour qu’ils s’assurent de leur mainmise sur toutes les officines de l’État, se transforme en des oligarchies politiques de conception familiale, amicale, d’affairisme, de clientélisme, afin de pouvoir se maintenir en place. Des oligarchies et oligarques politiques qui cèdent peu de place aux avancées démocratiques, aux réformes démocratiques qui sont, d’autant plus, des supports pour légitimer chaque Mauricien. Qu’en est-il du terrain propice à l’épanouissement de chaque individu selon ses (pré) dispositions, que ce soit politique, intellectuel, artistique, éducatif, de participation etc ?
Jacques Rancière, philosophe, écrit : « Il n’y a pas vraiment de politique quand le pouvoir appartient aux descendants des fondateurs supposés de la cité ou à des monarques de droit divin. » La monarchie a été abattue pour bon nombre autour du Globe, mais il en reste sous forme de monarques ou sous forme de régime politique : Maurice fait partie de cela et a tissé des liens étroits avec l’influence politique occidentale, mais pas forcément dans le bon terme démocratique. La plupart des pays décolonisés ont subi cette influence. L’intimité quasi filiale – d’avant les Lumières et l’avènement de la Révolution française – entre la monarchie, les marchands (aujourd’hui le capital) et l’église catholique a durablement fait en sorte que les personnes demeurent sous régime féodal. Des féodaux dont les privilèges, avantages et cadeaux étaient rudement défendus pour s’accaparer des valeurs de l’Humanité, ses devoirs et ses droits… Ces exigences sont plus connues sous une enseigne qu’ils ont nommé vérité. En politique, ce sont les détenteurs des sièges au parlement, du pouvoir, les détenteurs supposés de la connaissance et du savoir, qui eux-mêmes font que les choses dérivent jusqu’à apporter des conditions unilatérales. Dans notre système unilatéral, le peuple est évacué de facto. Il ne gravite plus alors, autour de la raison d’État, que des gens qui n’ont rien à voir avec la raison et les intérêts publics : affairisme (capital, contracteurs), clientélisme (intérêt familial, religion, socioculturel), communément dit « Roder boute ». Tout cela provient de l’espace privé. La conséquence est de ne pas faire la réforme comme il se doit / devrait ; en faveur de l’espace public et des individus. Et pourtant, c’est le peuple qui subventionne l’affairisme et le clientélisme. Un monde à l’envers pour un pays au fonctionnement ni droit ni vertueux.
Maurice qui subventionne les religions et les socioculturels, c’est l’État qui ne se sépare pas de la monarchie, d’où le conservatisme et le « ne rien céder ». Notons que si L’État organise des élections démocratiques, censées rendre le mauricien légitime, mais qui, en fait, est un moyen pour s’accaparer des institutions, l’église catholique n’est nullement démocratique et est de conception monarchique – vu que ses fidèles ne peuvent voter pour choisir l’évêque. Pareil pour le capital où la participation du droit de regard et de vote s’arrête aux actionnaires. Ces deux pans n’ont pas évolué avec le temps. Si ces deux pans sont demeurés dans l’espace privé, la monarchie constitutionnelle du régime premierministériel mauricien est entrée dans l’espace public et a fait sortir le citoyen du statut juridique colonial pour le mener à avoir un statut citoyen avec l’indépendance par le biais d’une constitution propre à son fonctionnement. Par la suite, après différentes périodes vécues depuis 1968, c’est le gouvernail de centre-droit de non-idéologie (ou Market Socialism) qui est utilisé par tous les partis aujourd’hui pour la gestion démocratique courante. Ce qui a comme effet de produire facilement des discours sectaires : le prêtre Grégoire, Voice of Hindu, Zamzam et d’autres moins importants. Si l’État était socialiste – l’État repart vers le socialisme quand il mène une politique de logement à bas coûts, ou avec le transport gratuit, pour citer deux exemples ; alors que la dernière loi du travail est foncièrement capitaliste. Capitaliste aussi quand on note le profil sociologique des députés au parlement pour la plupart d’entre eux –, nous n’aurions pas eu ces discours comme vitrine médiatique. Mais plutôt des discours pour une humanité progressiste.
Il faudrait formuler une interrogation pour essayer de prendre la légitimité à témoin : qu’est-ce qui est réservé à celui, ou celle, qui ressent l’appel public altruiste ? Cet appel que certains appellent vulgairement “ambition” alors qu’il s’agit plutôt d’une saine ambition. Collons à l’interrogation que Xavier-Luc Duval, Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam ne sont pas passés par la compétence évaluée, et donc la méritocratie, pour se voir devenir des leaders. Le poste leur appartenait déjà. Quant à l’espace attendu pour que des nouveaux sortent du lot pour prétendre à une légitimité, il n’y en a pas : leader jusqu’à la mort ou une retraite dorée. Et que dire de Paul Bérenger (un temps méritant) qui a plus de 40 ans de présence politique ?
C’est cette inaccessibilité connue de toute l’île qui est l’adversaire de la légitimité de chaque Mauricien, indistinctement, en tant qu’individu doté de talent et de sens profond. Le dessein de celui qui ressent l’appel public est scellé, sans possibilité de légitimité, pour celui ou celle qui s’inscrit dans les partis en activité. Que faire et comment déverrouiller ce système ? si ce n’est la création d’un espace qui accueillerait les bonnes volontés qui affronteraient la prochaine échéance électorale nationale. 15 000, oui. Mais, au bout du compte, 60 nouveaux Mauriciens feraient l’affaire. Où ceux-ci (tous) auront leur mot à dire devant les injustices et le développement à venir du pays. Et de s’assurer que tous les Mauriciens aient l’occasion de se prononcer dans l’espace public s’ils le souhaitent, selon des formules institutionnelles. Pour une légitimité au plus près. Tous Mauriciens d’une réelle république : contemporains et enfants de demain.

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