Questions du jour

Maintenant que l’excitation est tombée, les commentaires supposés savants faits avant et après, les petites phrases des avocats et les questions des Law Lords disséquées, que reste-t-il de concret de l’audience du Privy Council de mardi dernier ? Une phrase, celle de Lord Brian Francis Kerr déclarant, à la fin de l’audience : « We will take time to consider our judgement which we will deliver in due course. » Et comme selon certains spécialistes des procédures du Privy Council, cette instance prend entre deux et trois mois pour rendre un jugement, il est tout à fait possible que Pravind Jugnauth soit fixé sur son sort politique pendant les célébrations du 12 mars. L’année dernière, à cette même période, il était en plein dans le tug-of-war l’opposant à l’ex-présidente de la République. Mme Gurib-Fakim affirmait que, contrairement à ce que le Premier ministre avait annoncé à la télévision, elle n’avait jamais dit qu’elle allait soumettre sa démission. Une présidente de la République accusant le Premier ministre d’avoir menti… nous étions déjà sur la pente menant à la bananeraie républicaine ! Si l’on se fie à ce qui s’est dit cette semaine devant la commission d’enquête présidée par le juge Caunhye, il semblerait que l’ex-présidente ait une mémoire tout à fait particulière des faits. Pendant des mois et sur tous les tons, elle a répété qu’elle n’est jamais, au grand jamais, intervenue auprès de la FSC pour que M. Sobrinho obtienne rapidement ses permis d’opération bancaire. Or, son ancien secrétaire et homme de confiance — un autre… personnage ! — a révélé, cette semaine, que Mme Gurib-Fakim a fait plus qu’intervenir auprès de la FSC pour arriver à ses fins. En pas moins de trois fois, elle a reçu à déjeuner au Réduit le CEO de Planet Institute et l’ex-CEO de la Financial Service Commission. Au menu de ces trois déjeuners, une seule et même question : quand est-ce que la FSC allait attribuer ses permis à M. Sobrinho ? Si ça, ce n’est pas de l’intervention directe, ça y ressemble terriblement ! De quoi se demander quel crédit — je n’ai pas écrit carte en platine — donner aux autres affirmations de l’ex-présidente…

- Publicité -

Revenons à l’audience de mardi dernier, à Londres, pour poser une question bête : qui va payer la note ? La note, ce sont les honoraires et autres frais que coûte un procès devant le Privy Council, et ce n’est pas donné, surtout s’ils sont réglés en livres sterling. Si les frais de ses hommes de loi sont encourus par le bureau du DPP, il semblerait logique que Pravind Jugnauth prenne en charge ceux de ses avocats et avoués. Mais qui va payer pour le déplacement à Londres du directeur de l’ICAC et de l’avocat anglais de Manchester qu’il a engagés pour intervenir avec son surprenant changement de position dans l’affaire Medpoint ? Depuis quand est-ce que l’ICAC, dont la mission est d’éradiquer la corruption, joue au supporter d’un prévenu emmené devant le Privy Council par le DPP ? De quoi se dire que, finalement, selon un de ses slogans détournés avec humour par les internautes mauriciens : LICAC kon guet figir !

Je me demandais, dimanche dernier, si en attendant l’audience du Privy Council, Pravind Jugnauth allait se souvenir de la tentative de ses proches de faire arrêter le DPP. Un lecteur, qui suit attentivement l’actualité politique, m’a dit qu’il croyait qu’en attendant l’audience,c’est une autre séquence entourant l’affaire Medpoint que Pravind Jugnauitn aurait dû se rappeler. Une séquence commençant par les pétarades saluant la décision de la Cour suprême en sa faveur, mais surtout un geste montrant jusqu’à quel niveau un politicien peut se baisser pour courtiser son leader. Le lecteur parlait du baise-main de Roshi Bhadain fait à Pravind Jugnauth ce jour-là pour montrer sa joie, sa fidélité et sa loyauté au leader du MSM. Des sentiments qui étaient supposés être éternels, mais qui n’ont duré que quelques mois. Jusqu’à ce que Roshi Bhadain réalise que même son statut de fils adoptif préféré de SAJ n’allait pas lui faire obtenir le portefeuille de ministre des Finances qu’il convoitait. Du coup, la bouche qui baisa la main se transforma en gueule de sorcière mordant, dénonçant, racontant et disant pis que pendre sur le même Pravind Jugnauth. De quoi se demander combien de ceux qui, aujourd’hui, entourent le leader du MSM, dans la cuisine et ailleurs et ne jurent que pour et par lui, lui resteront fidèles si les Law Lords décident de donner raison au DPP ?

Jean-Claude Antoine

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour