QUESTIONS À PAMELA MAC QUILKAN (AWHF) : Protéger les patrimoines mondiaux des risques en tous genres

Quatorze représentants des sites classés patrimoine mondial de l’UNESCO au sein des pays d’Afrique anglophone ont participé à un programme sur la « Gestion de risques » sur le site du Morne pendant trois semaines. Dans cet entretien accordé au Mauricien mardi dernier, Pamela Mac Quilkan, Assistant Programme Officer au African World Heritage Fund (AWHF), un des partenaires majeurs de cette formation, affirme qu’il est important que « les institutions soient préparées à faire face à toute éventualité, car les risques que les sites, surtout en Afrique, perdent leur statut sont grands ».
Pouvez-vous nous parler de cet atelier de formation qui s’échelonne sur trois semaines au Morne ?
Cela fait partie d’un programme plus large coordonné par le Africa World Heritage Fund (AWHF). C’est un centre “Catégorie II” qui est mandaté par les pays membres de l’Union africaine et qui opère sous l’égide de l’UNESCO. Il a été créé en 2006 avec pour objectif de gérer et de conserver les sites africains classés patrimoine mondial de l’humanité. Il a aussi pour tâche d’aider à la nomination d’autres sites et de soutenir les pays membres. Il gère différents programmes à travers l’Afrique et a développé ce qu’il appelle un Periodical Reporting Program. Cela a lieu tous les six ans, par région. Les États membres soumettent un rapport sur la mise en oeuvre de la Convention du patrimoine mondial ainsi que de l’état de conservation des biens du patrimoine mondial situés sur son territoire. Nous analysons le rapport et faisons des recommandations pour les six ans à venir.
Quels genres de risques les sites classés encourent-ils ?
Tout type de risques. Ils peuvent être naturels : inondations, cyclone ou feu. Cela peut-être une émanation de l’homme comme l’activité minière, le développement et les infrastructures, la construction de barrages, les conflits comme ce fut le cas au Mali. Ce sont autant de menaces auxquelles font face les sites, surtout en Afrique. Quand on regarde la liste pour l’Afrique, il y a beaucoup de site à risques.
Avons-nous des participants venus de ces sites à risques à Maurice en ce moment ?
Oui. Enfin, il y a des sites qui ne sont pas encore sur la liste mais ils courent le risque de s’y retrouver. Par exemple, il y a la vieille ville de Lamu au Kenya et les chutes de Victoria du côté de la Zambie. Ces deux sites font face à de grosses pressions de développement. Il y aussi Memphis et sa nécropole en Égypte. Là, c’est plus un problème de sécurité des lieux mais aussi de développement. Si les institutions responsables ne sont pas préparées, les risques que les sites perdent leur statut sont grands. C’est pour cela que nous avons développé ce programme théorique et pratique.
Classée en 2008, la montagne du Morne n’est pas encore physiquement accessible au public. Est-ce que le site court le risque d’être enlevé de la liste ?
Pour non accessibilité au public ? Non. S’il y a un développement ou une activité commerciale qui dénature le site, oui, l’UNESCO s’y intéressera. Le problème avec Le Morne, c’est que the public can’t experience the site, of what Le Morne is exactly. It is a kind of strange twist. Si la non-accessibilité du public pourrait le protéger, actually, this is not what a world heritage site is all about. C’est une question grave à laquelle le gouvernement doit s’attaquer.
Quelle est la période que couvre le plan de gestion (Management Plan) d’un site du patrimoine mondial ?
Cela dépend des pays membres. Pour certains, c’est trois ans, pour d’autres, cinq. Le Morne finalise actuellement son plan de gestion qui couvrira la période 2013-2018 et ce que nous faisons viendra intégrer ce plan. Il sera d’abord approuvé par le ministère de la Culture, ensuite par l’UNESCO.
Pourquoi avoir choisi Maurice et Le Morne ?
Nous avons travaillé sur toute l’Afrique mais n’avions pas encore eu l’occasion de le faire à Maurice. Nous connaissons Le Morne par le biais des collègues qui sont déjà venus à Maurice et nous savons que le site fait face à un certain nombre de problèmes comme l’érosion et la pollution. Aussi, nous avons approché le gouvernement, soit le ministère des Arts et de la Culture, qui nous a demandé de travailler sur Le Morne plutôt que sur l’Aapravasi Ghat qui a une plus grande équipe et qui travaille déjà sur un certain nombre de projets. Nous avons eu une rencontre avec l’équipe du Morne environ deux mois avant le début de l’atelier. Nous avons ensuite procédé à la sélection des candidats. Ils ont des formations tout à fait différentes – ingénieurs, architectes, archéologues, historiens, ethnographes, curateurs de musée, entre autres – mais travaillent tous sur des sites classes patrimoine mondial de l’UNESCO. Ils ont suivi une formation ayant trait à la gestion des risques en ces lieux. Durant ces trois semaines, ils ont eu une formation pratique. Ils étaient divisés en trois groupes. Le premier groupe a rencontré les habitants de la région pour une interaction et évaluer l’impact du site sur leur quotidien et vice-versa ; le deuxième groupe a travaillé sur la question de conservation ; et le troisième est resté sur place pour préparer le plan en prenant en considération toutes les données apportées par les autres. Le plus important, c’est que tous ces sites encourent des risques et ceux qui travaillent sur eux doivent savoir comment les gérer, quoi faire d’abord. Le plan intégrera le plan de gestion du Morne. De notre côté, nous ferons un suivi avec Le Morne.
Les risques ne sont pas les mêmes partout…
Effectivement. A la base, la formation est la même et les principaux concernés s’adaptent à leur réalité. L’ICCROM (Centre d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels) et l’UNESCO ont des manuels généraux dans la gestion des risques. Les participants investissent ces acquis ici.
Les participants ont eu des rencontres avec les habitants du Morne pendant cette période…
Oui. La participation locale est très importante en ce qui concerne les sites du patrimoine mondial. Les gens doivent pouvoir se situer dans cet ensemble : ils doivent connaître leurs droits, être au courant des risques qu’ils représentent pour le site ou si eux-mêmes, ils sont à risque. Ils doivent savoir ce qui se passe sur place. Ce sont les habitants et les partenaires locaux tels la Beach Authority, la police, les pêcheurs… Le Morne a un Local Economic Development Plan qui prend aussi en considération tous ces aspects.
Est-ce que le Risk Preparedness Plan sera rendu public ?
Oui, une fois finalisé, il le sera. Il intégrera le plan de gestion du site du Morne qui est en préparation actuellement.
Pourquoi est-ce que ce sont seulement les pays d’Afrique anglophone qui sont concernés ?
Parce que le programme est en anglais. Les participants doivent comprendre et pouvoir travailler en anglais. Nous avons un programme similaire mais en français qui a lieu au Bénin pour les pays d’Afrique francophone.
Et qu’en est-il pour les pays lusophones ? L’Afrique en compte un certain nombre…
C’est un problème. Tout comme pour les pays qui parlent l’arabe. L’UNESCO travaille en langues anglaise et française. Nous prévoyons un programme en portugais pour 2015 et en attendant, il y a un programme pilote qui est mené en collaboration avec le Brésil. Il devrait s’échelonner sur une période de quatre ans.

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