RAPPORT LAM SHANG LEEN : complètement superflu, ce comité interministériel

DIPLAL MAROAM

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Une des recommandations phares de la Commission d’enquête sur la drogue est le démantèlement de l’ADSU mais aussi de la Customs Anti-Narcotics Unit pour être remplacées par un organisme commun, la National Drugs Investigation Commission car, comme le démontre le rapport, la mafia aurait infiltré les institutions clés qui ont justement pour mission de combattre le trafic. Or, le Premier ministre, qui présidera le comité interministériel, a réitéré, le 4 août dernier à Phoenix, sa « confiance totale dans l’ADSU et son chef, le DCP Bhojoo ». Les questions que l’on se pose : quelle est la pertinence d’un comité interministériel alors que Paul Lam Shang Leen et ses deux assesseurs ont accompli, pendant trois années, un travail titanesque qui lève le voile sur toutes les ramifications d’un fléau qui empoisonne la jeunesse de ce pays et pourrit la société dans son ensemble ? Pourquoi alors avoir choisi d’enquêter sur la disparition présumée de 16 kilos d’héroïne – que l’ADSU associe à l’emballage de la cargaison record saisie en mars 2017 – et de confier cette investigation à Paul Lam Shang Leen lui-même ?

Pour le citoyen lambda, le rapport de la Commission d’enquête ne fait que confirmer ce qui est connu de tous : que c’est justement cette complicité à plusieurs niveaux, notamment, de la police, des avocats, de la politique, des gardes-chiourme, etc qui a fait du problème de la drogue à Maurice ce qu’il est aujourd’hui. De sorte que l’on se demande ces jours-ci s’il existe même une institution apte à enquêter sur ceux pointés du doigt dans le rapport.

Or, pour une île insulaire, comme la nôtre, qui ne produit pas de drogue dure, une place prépondérante dans le peloton de tête des pays par rapport à la consommation des opiacés tant au niveau régional que mondial aurait dû susciter une profonde réflexion chez nos dirigeants quant à la stratégie adoptée pour le combat contre ce fléau mais aussi et surtout la compétence et la crédibilité de ceux qui en sont responsables. Certes, comme l’affirme le commissaire de police, Mario Nobin, personne n’est parfait mais il suffit de quelques brebis galeuses pour ternir l’image, voire même corrompre la force dans son ensemble.

À la lumière des faits énoncés dans le rapport, il va sans dire que c’est en amont que ce combat doit être mené et que le durcissement de la répression en aval – pour les trafiquants, l’ex-juge et ses assesseurs évoquent la question de la peine capitale, préalablement soumise à un référendum – pourrait ne pas donner les résultats escomptés. Comme le démontrent d’ailleurs les statistiques comparatives aux États-Unis et au Canada, pays qui a complètement aboli cette sentence ultime en 1998 ; les chiffres ne permettant pas de conclure de manière claire et nette l’influence de la peine capitale sur le taux de criminalité.

Par ailleurs, le débat sur les honoraires des avocats refait surface après que la commission a suggéré à la Cour suprême et au Bar Council d’arrêter un barème pour la profession. En effet, il est grand temps de mettre bon ordre dans cet état des choses. S’il est vrai que la justice n’a pas de prix, le coût d’accès requiert une réglementation rigoureuse ; l’avidité et l’appât du gain phagocytant toujours le sens de l’éthique et de la morale. Le rapport note, sans détour, « l’attitude odieuse de certains avocats, inconscients du fait qu’ils appartiennent à une profession noble et qu’ils se doivent de respecter un code d’éthique ».

D’autre part, alors que des avocats se constituent en Chambers, l’on se demande s’il n’y a pas lieu d’abolir ce système tentaculaire « avoué-avocat » – quelle en est la pertinence si ce n’est que pour tondre davantage les clients ? –, d’autant que très souvent c’est sur suggestion de l’avocat lui-même que les services d’un avoué particulier sont retenus.
Finalement, le recyclage de l’argent sale dans la politique n’est un secret pour personne et le rapport remet sur le tapis la problématique de financement des partis. Or, depuis ces dernières décennies, pour des raisons évidentes, les différentes administrations du pays n’ont fait que botter en touche cette épineuse question.

Alors qu’un rapport y relatif a déjà été soumis au gouvernement plus d’une année de cela, le Premier ministre, dans sa détermination affichée d’assainir la société, oserait-il franchir le Rubicon en faisant adopter un projet de loi en ce sens avant la fin de son mandat ?

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