Rapport « Rotin Bazar » Mes Raouf Gulbul et Rex Stephen en vedette

  • Non satisfaite des explications de la ministre démissionnaire 
Roubina Jadoo-Jaunbocus et de l’ex-“Deputy Speaker” Sanjeev Teeluckdharry, 
la Commission Lam Shang Leen recommande des “Further Enquiries” contre eux

La commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge de la Cour suprême, Paul Lam Shang Leen, et ses deux assesseurs, l’ancien ministre, Sam Lauthan, et le Dr Ravind Dhomun, a véritablement sorti le ‘rotin bazar’ contre des membres de la profession légale pour leurs connexions avec le monde du trafic de drogue. La principale répercussion est que deux VVIPs du pouvoir et Members-at-the-Bar, Roubina Jadoo-Jaunbocus et Sanjeev Teeluckdharry, ont dû soumettre leur démission en tant que ministre du gouvernement de Pravind Jugnauth, et Deputy Speaker de l’Assemblée nationale. La commission d’enquête, qui n’est nullement satisfaite de leurs explications, a réclamé des “Further Enquiries” dans leurs cas.

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Les Findings de la commission Lam Shang Leen sont encore plus accablantes à l’encontre de certains ténors du Barreau, dont Me Raouf Gulbul, candidat battu du MSM aux élections générales du 10 décembre 2014 et ancien Chairperson de la Gambling Regulatory Authority et un des Lead Legal Advisers du leader du MSM, Pravind Jugnauth. Il y a encore le cas de Me Rex Stephen et ses Rs 1,5 million de Legal Fees du trafiquant Veeren Peroumal « for future work » qui suscite des interrogations, la Commission d’enquête s’interrogeant sur des délits potentiels sous les dispositions du Financial Intelligence and Anti Money Laundering Act. De son côté, Me Anupam Kandhai est accusé d’avoir bénéficié de « Drug Money » pour financer des acquisitions immobilières et même une grosse cylindrée.
Highly disturbing
L’intitulé du chapitre consacré aux liens entre des membres de la profession légale et les barons de la drogue, soit The Honourable Profession – Barristers, est tout un programme en lui-même. D’entrée de jeu, la Commission fait état de « highly disturbing elements concerning the possible malpractices of certain barristers, some of whom happen to be politicians » et se demande comment certains de ces hommes de loi ont pu « on a single visit to confer with several convicted drug traffickers as well as with a certain number who were on remand ». Avant de s’attaquer aux cas les plus flagrants, la Commission fait mention de la « haughty, obnoxious and belligerent attitude » de certains avocats.
« The commission has very strong reasons, in the light of the evidence adduced before it to believe that there is a handful of barristers who have acted and may still be acting in a most unethical manner ». À ce titre, Me Raouf Gulbul est présenté comme « the one topping the hit parade ». En dépit des précautions prises par ce Senior Member at the Bar pour éviter de laisser des traces de communications avec ses clients, la commission s’est appuyée sur le témoignage de sa Junior, Me Tisha Shamloll, à l’effet que Me Gulbul faisait usage d’un Black Phone pour ne pas être retracé. Des Supporting Evidence ont également été présentées à la Commission.

Devir lanket
Le rapport de la Commission dresse le palmarès de Monsieur Devir Lanket (expression utilisée dans le rapport), notamment dans l’affaire Velvindron en 2003 avec le DPP recommandant une No Further Action en dépit du témoignage de Bottesoie. Ce dernier avait dénoncé Me Gulbul, qui lui avait offert la somme de Rs 5 millions pour ne pas impliquer le dénommé Velvindron, dans le cas de Parweeza Jeeva, avec Me Gulbul recevant des instructions du trafiquant Veeren Peroumal, ce dernier payant les honoraires de l’homme de loi au coût de Rs 468 000 pour ne pas compromettre le même Peroumal dans une affaire de drogue; ou encore des interférences avec des témoins “pou devir lanket” dans des cas de Pétricher et d’Eole pour délits de drogue.

Un autre volet du chapitre consacré à Me Raouf Gulbul se rapporte au fait qu’il a été payé par des fonds en provenance du trafic de drogue. Le trafiquant Siddick Islam, alias Ner, affrme avoir dépensé Rs 25 millions pour retenir les services d’hommes de loi. Il y a aussi le cas de Veeren Peroumal « who bragged that he became a drug trafficker in prison because of the high fees claimed by counsel, which he paid with drug money ».
L’affaire du Big Black Bag du rendez-vous nocturne de Saint-Pierre lors de la campagne électorale de 2014 fait également état de l’Indictment de Raouf Gulbul au titre du « funding of political campaign by drug traffickers ». Les témoignages de Me Shamloll avec des messages WhatsApp de Sada Curpen, « a drug trafficker in the eyes of ADSU », des dépenses de Rs 2,5 millions encourues lors de la campagne par ce candidat battu du MSM, de même que les versions de Mes Samad Goomaully et Ashley Hurhangee, sont citées à cet effet.

Me Gulbul est aussi acculé sur des instructions données à ses Juniors « to replenish accounts of prisoners » . La commission se montre encore plus sévère à l’encontre de ce membre du barreau, qui avait assuré les fonctions de Chairperson de la Gambling Regulatory Authority. « As Chairperson of the GRA, he did nothing to prevent the money laundering in casinos, gambling houses and the racecourse. In not taking action, the commission wonders whether he was condoning money laundering by drug traffickers », ajoute le rapport, qui note au chapitre “Et Tu Brute!” que le nom de son épouse, qui est juge de la Cour suprême, avait été cité lors des auditions, avec le téléphone de celle-ci utilisé en campagne électorale.
Numerous offences
Avant de recommander une In-Depth Enquiry et un Audit Trail contre Raouf Gulbul, la Commission d’enquête décortique ses comptes bancaires, ses acquisitions immobilières, dont Rs 18,9 millions en tant que Registration Fees et autres coûts pour des propriétés foncières avec seulement un emprunt de Rs 5,6 millions, ses maigres déclarations à l’Income Tax ou encore la possibilité d’un prête-nom dans l’achat d’un hôtel à Londres.
En conclusion, le rapport avance que « the commission considers that if those facts are proved after enquiry to be exact, Me Gulbul might have committed numerous offences like subordination of witnesses, laundering money, accepting cash above authorised amount ».

La Commission ne parvient pas encore à comprendre pourquoi Me Rex Stephen n’a pas encore été inculpé sous FIAMLA dans l’affaire des Legal Fees de Rs 1,5 million versés par Veeren Peroumal. La commission a consigné la version du clerk des Stephen Chambers. « The commission remains in the dark as to what future services/work exactly this amount was destined and when counsel says he is not aware what work would be done subsequently. Counsel of that standing should know that accepting Rs 1,5 M is an offence and moreover there had been a total failure to account the amount received to the VAT authority », s’appesantit la commission, qui trouve que Me Stephen n’a aucune explication plausible à ce sujet.

Rejetant la thèse accréditée par Me Stephen à l’effet que cette affaire relève de la responsabilité de son Clerk, « the commission recommends that the authorities concerned probe into the affairs of Mr Rex Stephen for the facts revealed breaches of FIAMLA and to take any action that may deem fit ». Peut-être qu’à la lumière de ce commentaire, le commissaire de police, Karl Mario Nobin, se décidera enfin sur cette enquête de l’Independent Commission Against Corruption, qui remonte au début de mai de l’année dernière…

Me Teeluckdharry a voulu jouer le « très difficile »
La commission d’enquête sur la drogue n’a pas raté de cibler particulièrement le “Deputy Speaker”, Me Sanjeev Teeluckdharry. « The commission needs to point out that amongst all lawyers who deponed before it, Mr Teeluckdharry, accompanied by a panel of lawyers, tried to be difficult. He was all the time on the defensive », souligne le rapport, qui ajoute que la démarche de ce membre du MSM frisait le “Mudslinging”. La commission prend fait et cause en faveur de la presse en rappelant que « the commission has no power over the freedom of the press to publish articles which are not to the liking of counsel. When he was taken to task, he apologised ».

Les Findings relèvent que Me Teeluckdharry avait été en contact téléphonique avec le trafiquant présumé, Gro Derek, dont au moins huit appels et une série de SMS. Outre ses multiples rencontres avec des trafiquants de drogue en prison, Me Teeluckdharry avait été dénoncé par le commissaire de police pour « most unprofessionnal and unlawful manner » et avait même soumis le cas à l’attention du Directeur des Poursuites Publiques (DPP). C’était dans un cas de possession et de vente de gandia. Il avait donné des instructions au co-accusé, Wacill, de « consigner une fausse déclaration contre des enquêteurs de l’ADSU.
Commentant les visites de Me Teeluckdharry en prison, la commission fait ressortir que « M. Teeluckdharry produced to the commission a huge number of briefs apparently to justify that his visits were not unsollicited.

The commission perused the briefs and noted that the briefs produced were mostly irrelevant as they were not those accused mentioned by the commission. However, he could not refute the unlawful calls made. Communication with prisoners not through the proper authorised channel is an offence ».

Vu que les prisonniers rencontrés sont des trafiquants de drogue notoires et de surcroît pas ses clients, la commisson recommande une « further enquiry be undertaken and leaves it to the relevant authorities to take any action they may deem fit ».

Le PM : « Nous passons à une étape supérieure de notre lutte »
Roubina Jadoo-Jaunbocus a soumis sa démission comme ministre de l’Égalité des genres alors Sanjeev Teeluckdarry ont démissionné comme Deputy Speaker après que leurs noms ont été cités dans le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, a annoncé le Premier ministre, Pravind Jugnauth, lors d’une conférence de presse donnée à son bureau hier après-midi après la réunion du conseil des ministres.

Il a par la même occasion annoncé l’institution d’un comité ministériel, sous sa présidence, pour travailler sur une stratégie concernant la mise en œuvre des recommandations du rapport.

Le ministre a fait comprendre qu’aucun remaniement ministériel n’est prévu pour le moment. C’est Fazila Jeewa-Daureeawoo qui fera la suppléance au ministère de l’Égalité des genres. « Roubina Jadoo-Jaunbocus aura la possibilité de retrouver sa place ministérielle si elle arrive à se blanchir devant la justice. » Le Premier ministre a expliqué que tous deux ont démissionné de leur plein gré et sans aucune pression.

Deux jours après avoir reçu le rapport de la Commission d’enquête sur la drogue à Maurice, le Premier ministre a décidé de rendre public le contenu du document. Toutefois, les annexes contenant les noms des personnes ayant déposé ainsi que d’autres informations sensibles n’ont pas été publiées. Rencontrant la presse hier après-midi, Pravind Jugnauth a rappelé qu’à l’arrivée de l’Alliance Lepep au pouvoir, une de ses priorités était le combat contre le trafic de drogue en raison de « l’ampleur considérable » prise par la drogue à Maurice. Il a expliqué avoir institué une commission d’enquête, « contrairement au gouvernement travailliste, qui avait refusé systématiquement d’instituer une commission d’enquête, pourtant réclamée avec insistance par l’opposition d’alors ». Et de lancer que le précédent gouvernement avait « banalisé le trafic de drogue ».

Le Premier ministre a fait l’historique de la Commission d’enquête en rappelant que celle-ci a été instituée en janvier 2015 sous la présidence de l’ancien juge Lam Chan Leen assisté de deux assesseurs. « Toutes les facilités nécessaires avaient été mises à leur disposition afin qu’ils puissent faire une enquête approfondie sur la drogue à Maurice. » La commission a commencé ses travaux le 15 novembre 2015 et « a abattu un gros travail », selon le Premier ministre. Plus de 300 personnes ont été interrogées. La dernière session a eu lieu en mars 2018 et le rapport a été soumis au président de la République le 24 juillet. « J’ai reçu le rapport volumineux le 25 juillet. J’ai effectué une lecture rapide. Il a été soumis au Conseil des ministres aujourd’hui (hier, Ndlr) », a dit Pravind Jugnauth.

Ce dernier a insisté sur le fait que « fidèle à l’engagement pris auprès de la population, le rapport sera rendu public immédiatement après la conférence de presse ». Il a annoncé l’institution d’un comité ministériel, placé sous sa présidence, pour travailler sur une stratégie concernant sa mise en application, avant d’annoncer la démission de Roubina Jadoo-Jaunbaccus et Sanjeev Teeluckdarry, dont les noms ont été mentionnés dans le rapport. Tous deux comptent cependant faire appel contre les remarques faites dans le rapport.

« Mon gouvernement et moi sommes déterminés à casser les reins des trafiquants de drogues. Nous menons une lutte à tous les niveaux. Dans les actions que j’ai déjà prises, et qui ont donné des résultats, nous avons réussi à démanteler quelques gros réseaux qui opéraient en toute impunité. Nous avons démantelé des laboratoires et avons effectué des saisies sans précédents. Nous continuons notre action et, avec la publication du rapport, nous passons à une étape supérieure de notre lutte contre la drogue », a-t-il dit.

Le Premier ministre a rejeté l’idée d’un débat parlementaire sur le rapport. « Cela retardera la mise en œuvre des recommandations du rapport », estime-t-il. Et de se demander « pourquoi le député qui a fait cette proposition n’avait pas déposé devant la commission » d’enquête. À une question de la presse concernant les consommateurs de drogues, le Premier ministre a reconnu que beaucoup d’entre eux sont en fait des victimes et qu’ils « méritent d’avoir les traitements appropriés ».

Sanjeev Teeluckdharry: « Lor plizir poin komisyon finn fer erer »
Sanjeev Teeluckdharry s’oppose aux conclusions du rapport de la Commission d’enquête sur la drogue en ce qui le concerne et annonce qu’il entamera les procédures légales par voie de Judicial Review pour les contester. Le député MSM de la circonscription n°5, Pamplemousses/Triolet, a tenu un point de presse dans son bureau au St-James Court hier après-midi pour expliquer les raisons l’ayant poussé à rendre son tablier de Deputy Speaker de l’Assemblée nationale. L’avocat, qui clame d’avoir 18 ans d’expérience, avance que « lor plizir poin komisyon finn fer erer ».

« Rapor Lam Shang Leen finn fer bann remark konscernan mo travay avoka me mo osi Deputy Speaker. La fason ki linn fer so komisyon danket mo pa dakor. Bann konklizion ki li finn arive sa osi mo pa dakor. Mo ena lintention fer enn judicial review pou clear my name as a barrister. Vu ki mo deputy speaker lasanble nationale kot mo bizin presid ban seances mo pa le amenn sa poste la dan sa bataille legale la » a laissé entendre le député du MSM.
Pour Sanjeev Teeluckdharry, la Commission d’enquête sur la drogue s’est trompée sur plusieurs aspects. Il affirme dans la foulée que les détenus ont également des droits à Maurice. Et de justifier les Unsolicited Visits par le fait qu’il serait « un bon avocat ». Il a également affirmé que les services pénitentiaires détiendraient des données précises sur ses liens avec les prisonniers. Il est d’avis que l’ex-juge Paul Lam Shang Leen n’a pas travaillé de la même façon que Maurice Rault. « Mo ti ena respe pou Paul Lam Shang Leen antan ki ziz pou zafer Dookee. La vo mie mo pa koze.»

XAVIER-LUC DUVAL : « Qui va enquêter sur les personnalités citées dans le rapport ? »
Pour le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, la grande question est de savoir qui seront ceux qui enquêteront sur les personnalités politiques et autres personnes dont les noms ont été cités dans le rapport de la Commission d’enquête sur la drogue. « C’est cela mon grand souci. Nous n’avons pas confiance en la police, qui est infiltrée par la mafia. Qui va traduire en justice les personnes qui, selon le rapport de la commission, ont été mêlées de près ou de loin au trafic de drogue à Maurice ? »

Pour Xavier-Luc Duval, le gouvernement « se retrouve en mauvaise posture après la démission de Roubina Jadoo Jaunbaccus du gouvernement et du Deputy Chief Whip » de ses fonctions. Il attribue la faute au Premier ministre, « qui a procédé à la nomination de Roubina Jadoo Jaunbaccus lors de sa déposition devant la commission et qui a reconnu s’être rendue à la prison sans y avoir été invitée quelque 37 fois ». Il poursuit : « Par la faute de Pravind Jugnauth, qui avait pourtant été averti quand au risque que présentait cette nomination, le pays est aujourd’hui éclaboussé au niveau international après le rapport préliminaire d’ESAAMLG et la citation de Maurice comme un pays à risque par des banques indiennes (…) Il est bon que le rapport ait été rendu public. Nous l’étudierons et espérons que la commission a fait des recommandations avant-gardistes. »

NAVIN RAMGOOLAM : « Nous réclamons des élections générales immédiatement »
« Nous réclamons des élections générales immédiatement car ce pays est pourri », a déclaré hier le leader du Parti travailliste, qui réagissait à vif après l’annonce de la publication du rapport de la commission d’enquête sur la drogue par le Premier ministre. « Lorsque Pravind Jugnauth avait nommé Roubina Jadoo-Jaunbaccus comme ministre de l’Égalité des genres, ma première réaction avait été de dire que c’est une claque à la commission d’enquête présidée par l’ex-juge Paul Lam Chan Leen. Elle était allé rendre visite à 37 prisonniers sans qu’il n’y ait de demande préalable. Malgré cela, Pravind Jugnauth s’est obstiné à la nommer. Remarquer qu’à chaque fois que le MSM est au pouvoir, on voit des députés être impliqués dans le trafic de la drogue. Il y a eu Amsterdam. Maintenant, nous avons droit à Amsterdam 2. Je pense que Roubina Jadoo et Teeluckdarry auraient dû démissionner du Parlement. Parce qu’il est clair qu’ils sont en train d’essayer de gagner du temps. Tout compte fait, je pense que la meilleure des choses est qu’il y ait des élections générales. »

Paul Bérenger: 
« Les commentaires ce matin »
Interrogé hier après-midi, le leader du MMM, qui étudie le rapport, a affirmé qu’il préfère attendre ce matin pour faire des commentaires lors de la conférence de presse hebdomadaire.

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