RÉCIT: Alexandra Webber Issacs, Nana ou le désarroi face à la maladie

Alexandra Webber Issacs est âgée de 19 ans. Elle a participé à l’atelier d’écriture animée par Barlen Pyamootoo et publie son premier texte dans la collection Littératures dirigée par Barlen. Nana (traduit en français par Jacqueline Pilot) traite d’une maladie dégénérative et des expérience de la personne et de son entourage. Le livre referme tout en retenue et en pudeur, une chronique familiale vue par une adolescente. Une confession de la part d’un être qui ne comprend pas ses propres sentiments. Nana sera lancée le 28 juin à l’IFM.
Morceau choisi
Quand votre papa arrive et vous dit que votre grand-mère souffre d’une maladie dont vous ignoriez jusque-là l’existence, vous ne prenez pas cela très au sérieux. Enfin, pas moi, en tout cas. Je ne crois pas non plus que de m’attarder trop souvent sur cette question de maladie m’aurait aidée de quelque façon que ce soit. La lente détérioration de son cerveau devait se produire, et toutes les prières du monde n’y auraient rien fait ; ni les traitements, ni les soins les plus aimants n’auraient pu remédier à cela.
Scientifiquement parlant, cela devait arriver. Mon attachement émotionnel à mes grands-parents est discutable, je suppose. Je ne les vois que deux fois par an, étant donné que nous vivons aux antipodes les uns des autres. Nous ne nous sommes jamais plongés dans des discussions profondes et pleines de sens, les sujets que nous abordions allant de l’école aux sports, du climat à la nourriture et à la
situation économique et politique dans nos pays pendant la Seconde Guerre Mondiale ; que ma grand-mère aime la mode et achète toujours des « twin-sets »
avec les accessoires assortis. Je ne vais plus employer les termes de grand-père
et grand-mère désormais, ça sonne emprunté. En Angleterre, on appelle les grands-mères « Nana », et les grands-pères « Pop ». Ce sera donc Nana et Pop à partir de maintenant.
Ma grand-mère m’a appris à lire et à écrire. Elle disait que j’avais la bougeotte parce que je ne tenais pas en place et que je gigotais sur ses genoux. Elle m’a appris des jeux de cartes et toutes sortes de choses amusantes. Et elle avait une si belle voix qu’elle faisait pleurer les gens à l’église. À 90 ans, elle pouvait encore faire éclater l’Alléluia mieux que quiconque dans la chorale. Elle avait toujours l’air d’aimer mieux passer son temps avec moi qu’avec mes autres frères et soeurs, ce qui fait qu’enfant, je préférais ma Nana à tout le monde.
C’est étrange la façon dont les gens réagissent à la maladie mentale et à la mort. Lorsque mes grands-parents ont eu 90 ans, Papa est devenu de plus en plus
irritable quand c’était le moment de quitter leur maison pour nous rendre à l’aéroport. Une fois, je l’ai surpris en train de pleurer. Ma mère ne prenait pas la
peine de cacher ses larmes ; elle serrait mes grands-parents sur son coeur cinq fois, avant que sa mentalité de « rester forte pour la famille » ne prenne le dessus.
Parfois, dans la voiture sur le chemin du retour, mon père disait en passant qu’il serait peut-être temps de songer à une autre destination pour les vacances. Mes
parents étaient en train de nous préparer à faire face à la mort. Et la mort n’est jamais venue.
Personne ne savait par quel bout prendre cette maladie mentale. Nous traitions tous Nana comme une personne vive et adorable, avec un petit « problème » qui lui donnait un air un peu fantasque, voilà tout.

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