Référendum : combler un vide juridique

Fallait-il organiser un référendum sur le projet de Metro Express ? De nombreuses voix se sont élevées dernièrement, surtout avec l’expropriation des habitants de Barkly et de La Butte, pour revendiquer l’organisation d’une consultation nationale sur le très controversé projet de Metro Express. La Plateforme Anti-Metro avait même circulé une pétition dans ce sens, s’appuyant sur les promesses officielles tenues par la Présidente de la République.
La Présidente Ameenah Gurim-Fakim avait en effet déclaré dans son discours-programme 2015-2019 du 27 janvier 2015 : « Nationwide referendums will be held on matters of utmost importance and relating to public interest as well as on critical amendments pertaining to our sovereignty or Constitution. »
Mais techniquement parlant, l’organisation d’un référendum est-elle possible, sachant qu’une telle disposition n’est pas prévue dans la Constitution actuelle ? Le référendum, du latin referre (faire un rapport, soumettre à une assemblée) peut se définir comme « une procédure de vote permettant de consulter directement les électeurs sur une question ou un texte, qui ne sera adopté qu’en cas de réponse positive ». Les choix possibles étant oui ou non, le projet soumis au vote référendaire est soit accepté, soit rejeté.
Le référendum constitue donc un outil de démocratie directe car il permet au peuple d’intervenir directement dans la prise de décision politique sur de grandes questions institutionnelles et de société. L’outil référendaire peut être utilisé en gros dans trois cas de figure : (1) pour décider de l’adoption d’un projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou sur des sujets d’intérêt public (2) pour décider de la ratification d’un traité international (3) ou encore pour procéder à une révision constitutionnelle.
En règle générale, le recours au référendum et les modalités de son organisation sont précisés par la Constitution. Mais à Maurice, la Constitution, datant de 1968 et rédigée dans un esprit élitiste de « power-sharing » pour permettre la transition du pouvoir des mains du Colonisateur à celles de la nouvelle élite politique, ne prévoit aucunement les modalités de l’organisation de référendums.
La seule référence au référendum dans la Constitution mauricienne concerne uniquement le troisième cas de figure cité ci-dessus, à savoir la révision constitutionnelle. Mais là encore, le pouvoir populaire d’intervenir directement dans la procédure législative est extrêmement encadré et limité. La section 47 de la Constitution intitulée « Alteration of the Constitution » spécifie que la modification de certaines sections de la Constitution requiert d’être soumise par référendum à l’électorat. Pour être adopté, il devra remporter les trois quarts des votes. Mais même si ce projet de révision constitutionnelle remporte les trois quarts requis au niveau de la population, il devra encore être soumis à un autre vote au Parlement, et il devra alors remporter l’adhésion de la totalité des parlementaires. Autant dire que, dans ce cas de figure, le pouvoir de démocratie directe du peuple est très sévèrement encadré, voire limité.
Toutefois, si à l’heure actuelle le référendum n’est prévu que pour le cas des révisions constitutionnelles, rien dans la Constitution n’interdit non plus son utilisation pour d’autres fins et notamment des questions d’intérêt public. On se retrouve à ce niveau devant un vide juridique. Il est déjà trop tard pour une initiative référendaire sur le Metro Express dont le chantier vient d’être lancé. C’est dommage car cela aurait permis de créer un précédent utile. L’organisation d’un tel référendum nécessitera tout un travail législatif pour définir son utilisation et cadrer son organisation. Pour le moment, la promesse de la Présidente dans ce sens ressemble plus à un effet d’annonce. Pour que la promesse soit tenue, encore reste-t-il à définir un certain nombre de paramètres, notamment :
– Dans quels cas recourir au référendum ?
– Qui peut demander la tenue d’un référendum : les citoyens, les parlementaires ?  
– Un certain nombre d’électeurs peut-il exiger l’organisation d’un référendum ?
– Une demande de référendum peut-elle porter sur un texte déjà adopté par le Parlement ? Une initiative populaire peut-elle proposer un texte nouveau?
– La campagne pour ou contre le texte proposé au référendum est-elle réservée aux partis politiques ? Dans le cas contraire, qui peut participer à cette campagne ?
– Quelle autorité peut décider de l’organisation du référendum : le président de la République, le Premier ministre, le Parlement ?
– Quel pourcentage de vote exigé pour que la proposition soumise à référendum soit retenue ?
– La présentation au vote populaire doit-elle être validée par le Parlement ? Ou bien celui-ci n’a-t-il qu’un rôle consultatif ?
Il est utile de préciser à ce stade que, selon la Commission de Venise de l’Union européenne sur les Référendums, les référendums nationaux peuvent être organisés sans base constitutionnelle. Il ne reste donc plus qu’à se mettre au travail pour remplir les promesses présidentielles faites à l’électorat et commencer ainsi à bâtir la démocratie participative à Maurice…

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