Réforme électorale, l’autre mission impossible de SAJ

  • Une Refined Proposal avec 62 élus sous le First Past The Post, 12 autres puisés de la Party List sous forme de PR et up to 7 pour se substituer au Best Loser System à l’agenda du comité ministériel de vendredi
  • Chagos: Port-Louis de plus en plus confiant de la pertinence des arguments axés sur la décolonisation et la Self Determination, avec l’Union Africaine comme principale alliée à La-Haye
  • La Singapore Experience en matière de Public Security et de gestion de prison séduit la mission dirigée par le Minister Mentor

Le Minister Mentor, sir Anerood Jugnauth se prépare à s’attaquer à un agenda diplomatique et politique chargé jusqu’à septembre prochain. De retour d’une récente mission pour jauger de la Singapore Experience en matière de Public Security, de gestion de prison et de lutte contre la drogue, le No 3 du gouvernement de Pravind Jugnauth se retrouve avec une mission politique, présentée comme quasi impossible: conclure un deal aboutissant à une réforme du système électoral en profondeur incluant une dose de représentation proportionnelle, et cela, impérativement avant les prochaines législatives. En complément à la présidence du comité ministériel sur la réforme électorale, sir Anerood sera le porte-drapeau de Maurice devant le Full Bench de la Cour internationale de Justice de La-Haye à partir du 3 septembre dans le cadre de la demande d’avis consultatif de la CIJ sur les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965.

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Dans ce dernier cas, Maurice articule sa confiance de convaincre l’instance juridique suprême des Nations unies sur deux points. D’abord, pour la forme, sir Anerood est le dernier des survivants de la conférence constitutionnelle de Lancaster House en 1965. Ensuite, sur le fond, le poids de l’argumentation dégagée par la Legal Team de l’Union Africaine sur la décolonisation et le principe de Self-Determination des anciennes colonies en Afrique devra se faire sentir lors de l’examen des Written Statements déjà soumis ou encore avec les auditions à La-Haye, devant durer entre une et trois semaines, dépendant du calendrier de travail à être établi par le Registrar de la Cour internationale de La-Haye.

Si pour le dossier des Chagos, le Groundwork se fait à plusieurs niveaux, que ce soit au sein du Legal Panel, dirigé par le Pr Philippe Sands, QC, des Matrix Chambers et de l’Union Africaine, avec la contribution significative de la Legal Counsel Namira Negm, en collaboration avec le Dr Mohammed Gomaa and le Pr Makane Mbengue, par contre, pour la réforme électorale, sir Anerood s’apprête à relever le pari de dévérouiller une équation politique remontant à plus d’une génération, notamment enlever le “germe du communalisme” dans le système électoral. Le principal concerné sait pertinemment bien que jusqu’ici, toutes les tentatives des partis politiques ayant été au gouvernement ont échoué, et de manière lamentable!

Dans la conjoncture, avec, entre autres, le fait que le mandat du présent gouvernement arrivera à échéance en décembre 2019 et les débats sur le Constitutional Case de Rezistans & Alternativ en Cour suprême, le gouvernement est forcé de venir de l’avant avec des propositions de réforme au système électoral, susceptibles d’être validées par une majorité qualifiée sous la Constitution à l’Assemblée nationale. Les animateurs de Rezistans & Alternativ, avec la bénédiction du Judicial Committee of the Privy Council, veillent au grain (voir réactions en hors-texte). Las d’être ballottés de séance en séance devant les instances judiciaires compétentes, Rezistans & Alternativ compte s’en remettre de nouveau au Comité des Droits de l’Homme des Nations unies, qui avait enjoint le gouvernement en 2012 à apporter une réforme au système électoral en éliminant la contrainte de la déclaration ethnique des candidats aux élections générales, signant l’acte de décès du Best Loser System de l’indépendance.

“Une bonne réforme électorale”
Conscient des risques sur le plan politique et diplomatique que comporte tout retour devant le Comité des Droits de l’Homme des Nations unies, l’Hôtel du gouvernement veut souscrire une assurance. Ainsi, le comité ministériel, présidé par sir Anerood, s’est donné pour mission d’élaborer dans les délais impartis une formule s’apparentant à “une bonne réforme électorale”, expression si chère au leader du MMM, Paul Bérenger. Alors qu’en 2017, le comité sur la réforme électorale ne s’était réuni qu’une seule fois en septembre, cette instance émanant du Conseil des ministres en est déjà à sa 2e rencontre pour 2018 avec la réunion de vendredi, soit après les délibérations ministérielles hebdomadaires.

Dans les grandes lignes, la Refined Proposal dans le cadre de la réforme électorale porte sur une Assemblée nationale composée d’un maximum de 89 parlementaires, au lieu des 70 actuellement. Sir Anerood ne compte nullement changer la formule des trois élus First Past The Post au suffrage universel dans les 20 circonscriptions de Maurice et deux de Rodrigues. Après ce premier exercice, viendront s’ajouter 12 membres de l’Assemblée nationale choisis de la Party List probablement sur la base de la représentation proportionnelle dépendant du suffrage recueilli par les partis. Finalement, l’Electoral Supervisory Commission devra désigner “up to seven” parlementaires en guise de substitut à l’élimination du Best Loser System.

Des sources proches de l’entourage du Minister Mentor, l’on soutient que celui-ci se tient à ce Third Limb of the Electoral Reform pour rétablir le rapport des forces issu des urnes et qui pourrait être déstabilisé par l’application de la dose de représentation proportionnelle au point de remettre en question la majorité dégagée au suffrage universel. À ce jour, la position de sir Anerood sur la réforme du système électoral est que la répartition de ce maximum de 19 sièges supplémentaires devra fidèlement refléter le vote de l’électorat.

Toutefois, le plus dur restera à faire à l’éventuelle conclusion des travaux du comité ministériel et le Clearance du State Law Office. Le Minister Mentor devra engager un exercice de Marketing politique de haute voltige pour vendre ce produit aux autres partis politiques en vue de réunir la majorité des trois quarts à l’Assemblée nationale pour faire adopter les amendements à la Constitution. Eu égard à l’hostilité politique, qui est allée crescendo depuis décembre 2014, le MSM a déjà Written Off tout soutien du Labour Party de Navin Ramgoolam au projet de réforme. Même s’il faudra attendre de prendre connaissance des Fine Prints des propositions d’amendements, l’Hôtel du gouvernement garde la porte ouverte pour des accommodements constitutionnels venant des autres formations de la Mainstream Politics car il ne pourra pas être question de Transitional Constitutional Provisions comme ce fut le cas pour les élections du 10 décembre 2014.
Coup d’éclat politique

Avec ce projet de réforme électorale, sir Anerood tentera un coup d’éclat politique avant de quitter l’échiquier après plus de 40 ans de présence active. Les plus sceptiques affirment que les obstacles sur la voie menant à l’aboutissement de la réforme sont nombreux, pour dire le moins. Mais dans le camp du MSM, l’on fait confiance au “flair politique de sir Anerood pour mener la barque du MSM à bon port.” “Doit-on oublier le contexte politique du démarrage de la campagne pour les législatives du 10 décembre 2014 et la décision effrontée de sir Anerood d’affronter ses adversaires politiques, présentés comme étant imbattables, avec le rassemblement de Vacoas? Un coup de poker qui s’est avéré payant le 10 décembre 2014”, confie le plus fidèle parmi les fidèles du Minister Mentor.

D’ici la fin de l’année, le dossier de la réforme électorale devra monopoliser l’attention avec, d’une part, le projet de loi sur le financement des partis politiques présenté à l’Assemblée nationale et, d’autre part, les tractations politiques en vue de “tie the loose ends” des amendements constitutionnels menant à une Assemblée nationale de 81 parlementaires.

Mais un autre dossier lié à l’organisation des élections et porteur de passions politiques commence déjà à prendre forme. L’Electoral Boundaries Commission, présidée par Me Yousouf Aboobaker, Senior Counsel, qui a complété les auditions il y a deux semaines, effectue des descentes sur le terrain en présence du commissaire électoral Irfan Rahman, avant de mettre au point le redécoupage des circonscriptions à être proposé au gouvernement.

Les constats du terrain ont démarré depuis la semaine dernière. Les régions identifiées sont Pointe-aux-Sables dans la circonscription No 1, Quatre-Bornes au No 18, La Vallette (Bambous) au No 14, Plaine-des-Papayes et Triolet au No 5, des régions à l’Est, dont Aureae, et également Jin Fei à Riche-Terre. Cette dernière zone pourrait se transformer en la nouvelle frontière électorale en cas de redécoupage de Port-Louis/Montagne-Longue (No 4) et Pamplemousses/Triolet (No 5). Après cette étape, et avec l’assistance technique des géomètres du ministère des Terres, l’Electoral Boundaries Commission devra coucher sur une carte les nouvelles délimitations des circonscriptions.

La soumission de l’Electoral Boundaries Commission Report, dont le dernier en date remonte à 1999, est prévue pour le mois d’août prochain en vue de permettre au gouvernement d’étudier les implications des changements envisagés. Force est de se rappeler qu’au terme de la Constitution, aucun amendement ne peut être apporté au rapport de la Commission. Ce rapport doit être entériné In toto ou rejeté In toto par l’Assemblée nationale. Une autre épreuve, qui devra donner lieu à un exercice de Political Horse Trading. Entre-temps, la Commission Electorale aura complété les différents volets de l’enregistrement des électeurs le mois prochain et la publication des nouvelles listes électorales entrant en vigueur à partir du 15 août prochain.

Néanmoins, à la mi-août, le dossier des Chagos aura passé à la vitesse supérieure avec la première audience de la Cour internationale de Justice à La-Haye fixée au 3 septembre. Le calendrier des auditions et des interventions orales dépendra du nombre d’États et d’organisations internationales sur la Cause List formelle. À l’Hôtel du gouvernement, l’on ne sera pas étonné de voir ces auditions être programmées sur trois semaines au maximum. À ce stade, la décision est prise: le principal intervenant au nom de l’État mauricien sera le Minister Mentor. Pour cause, il est la dernière personnalité politique encore en vie ayant participé à la conférence de 1965 à Lancaster House, où s’est déroulé le sommet du Commonwealth de la semaine et son fils, Pravind Jugnauth, s’y rendant en tant que Premier ministre.

Scenario similaire
Depuis quelque temps déjà, cette déposition cruciale de sir Anerood Jugnauth devant la Cour internationale de Justice fait l’objet de discussions quant à ses orientations. Les consultations à Londres au cours de la semaine écoulée avec l’équipe du Pr Philippe Sands, QC, et celles de la semaine précédente à Paris avec les experts légaux de l’Union Africaine auront permis à la partie mauricienne de passer en revue l’éventail des Written Statements soumis au 1er mars et de Compare Notes quant aux Moves de la Grande-Bretagne pour contrer les revendications mauriciennes. Dans l’immédiat, l’accent est mis les derniers détails des Second Written Legal Proceedings de Maurice et de l’Union Africaine au plus tard le 15 mai.

L’un des points cardinaux des Submissions en faveur de Maurice porte sur “the presentation of the principle of the right to self-determination optimally in international law.” L’apport de l’Union Africaine au chapitre du processus de décolonisation est plus que déterminant et renforce l’optimisme dans le camp mauricien même si officiellement, le PM préfère être plus mesuré dans ses commentaires publics en marge du sommet du Commonwealth. Précédemment, commentant le Written Statement de l’étape du 1er mars, l’organisation panafricaine s’appesantit sur le fait que “as it is of African Union’s profound interest to complete the decolonization process of Mauritius and to see an Africa free from colonization, the Written Statement has incorporated all the AU and OAU Decisions on the matter.” Cet argument de “full decolonization” est des plus tranchants en vue de faire pencher la balance en faveur de Maurice lors de l’Advisory Opinion.

Tout comme l’Inde qui avait dépêché un envoyé spécial à La-Haye pour déposer son Statement soutenant la cause de Maurice, la Legal Counsel de l’Union Africaine avait fait le déplacement aux Pays-Bas du 27 février au 3 mars dans le cadre du même exercice. Il faudra s’attendre à un scénario similaire pour la prochaine échéance du 15 mai. Un communiqué émis à Addis-Abeba, faisant état des récentes consultations avec la partie mauricienne à Paris, note que “in conclusion, the Legal Counsel of the African Union emphasized the importance of continued coordination between the two sides, and called on Mauritius to pay greater attention to the communication aspect by drawing up a clear strategy aimed at involving media next to diplomatic means within the continent, in order to ensure the presence of a larger number of African Union Member States in the hearings and oral proceedings scheduled for 3rd of September 2018 before the International Court of Justice. They also discussed different means to coordinate with all States that supported Mauritius and the African Union in the call for the full decolonization of Mauritius.”

D’autre part, ces engagements de première importance n’ont pas empêché le Minister Mentor de se préoccuper d’autres dossiers, comme ceux de la Public Security et de la lutte contre la drogue. Du 10 au 14 août, il a effectué une mission avec une série de discussions sur la Singapore Experience dans ces domaines. À l’invitation du Deputy Prime Minister et Coordinating Minister for Economic and Social Policies, Tharman Shanmugaratnam, il a couvert une série de domaines, dont la sécurité intérieure et l’organisation de la police.

Le Singapore Model a séduit au niveau des passeports biométriques avec des “fingerprints as well as facial and iris data capture”, faisant du document singapourien “the most powerful one in the world” avec une éventuelle collaboration pour le E-Passport Project à Maurice. Le Police Operations Command Centre de Singapour a retenu l’attention de sir Anerood. Ce centre assure la coordination de six divisions et de 35 postes de police tout en contrôlant 62 000 CCTV Cameras dans le pays de même que 5 000 Intelligent, Analytic and Video Cameras with face recognition features additionnels. La mission du Central Narcotics Bureau dans la lutte contre la toxicomanie et le trafic de stupéfiants étaient également au progamme.

Les résultats du Yellow Ribbon Programme et la gestion des prisons de Singapour font que le taux de récidive des délits criminels est de 26% dans ce pays contre 50% à Maurice. L’absence de problèmes liés aux téléphones cellulaires en milieu carcéral est flagrante pour la bonne et simple raison que “Singapore Prisons are not affected by the illegal entry of mobile phones in its premises because of its strict surveillance system and the banning of such devices in the prisons.”

La conclusion de cette mission est que “the experience and advanced technologies used by Singapore to deal with safety and security issues could inspire Mauritius in its endeavours to effectively deal with our own problems of law and order” et que Singapour est disposé à mettre à la disposition de Maurice l’expertise et l’encadrement nécessaires dans le domaine de la sécurité publique sous le G to G Memorandum of Understanding bilatéral.

 

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