RÉFORME ÉLECTORALE: Le PM veut un « Broad Consensus »

La Private Notice Question du leader de l’opposition Paul Bérenger – pour la reprise des travaux parlementaires du jour – a eu pour effet principal de remettre en selle le projet de réforme électorale mis en hibernation depuis quelques semaines déjà. À la lumière des échanges entre le Premier ministre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger il est plus qu’évident que dans les prochains jours, l’on pourra témoigner d’une relance des contacts entre les leaders du Ptr et du MMM, probablement par le truchement d’intermédiaires.
Même si en réponse à l’ultime interpellation supplémentaire de Paul Bérenger, Navin Ramgoolam a confirmé que l’ébauche du projet de loi sur la réforme électorale n’a pas encore été rédigée par le State Law Office, il est à la recherche d’un « Broad Consensus » sur les changements dans le système électoral avant de venir de l’avant avec un texte de loi. Et le PM d’indiquer qu’il compte émettre ses propositions, comme le réclame le leader du MMM, après des consultations au sein de son parti et avec son allié le PMSD. En termes d’ambiance, le Leader of the House s’est signalé avec une virulente sortie contre le leader du Remake 2000, sir Anerood Jugnauth, à la suite de ses récents commentaires lors d’un meeting public. Il a qualifié son ancien président de la République de « passéiste » tout en rappelant qu’en tant que Premier ministre il n’a jamais ostracisé la communauté musulmane comme l’avait fait SAJ, dit-il, au lendemain des élections de 1983. À cette remarque, les membres de la majorité ont lancé des cris – « démons » – avec tout son poids politique.
La réaction du chef du gouvernement au sujet du fait que tout nouveau recensement à caractère communal suite au Pronouncement du Comité des Droits de l’Homme des Nations unies constituera « un grand bond en arrière » a amusé plus d’un au sein de l’opposition. Ils ont pris pour cible le ministre du Travail et des Relations industrielles Shakeel Mohamed, qui avait traité d’hypocrites ceux qui refusaient d’avoir recours à la classification communale lors d’un nouveau recensement.
Faute d’unanimité politique sur la réforme, c’est le sari jaune et rouge de Nita Deerpalsing, qui a semblé mettre tout le monde d’accord. D’abord, le Whip de l’opposition Rajesh Bhagwan n’est pas resté insensible, avec des remarques sur la tenue vestimentaire de la présidente de la Commission de démocratisation de l’économie. De son côté, dès son entrée au sein de l’hémicycle, le leader de l’opposition est sorti de sa réserve pour laisser échapper un « battage inn sanze » des plus sonores à l’adresse de la même parlementaire de la majorité.
Bérenger : Par rapport à la tenue des élections générales et suite au Pronouncement du Comité des Droits de l’Homme des Nations unies aux termes de l’article 5, le paragraphe 1 de l’Optional Protocol de l’International Covenant on Civil and Political Rights portant sur la déclaration ethnique des candidats, le Premier ministre peut-il révéler les raisons pour lesquelles l’État n’a pas jugé utile de fournir à cette instance des Nations unies des explications au sujet de l’absence de l’affiliation communale lors des recensements depuis 1972 ; si des communications ont déjà été transmises au Comité des Droits de l’Homme sur les intentions du gouvernement en vue de traduire dans la réalité les conclusions du Ruling et de confirmer quand le gouvernement envisagera-t-il de présenter à l’Assemblée nationale un projet de loi sur la réforme électorale ?
« Démarche inadmissible »
Ramgoolam : Comme la Chambre est au courant depuis 2007, Rezistans ek Alternativ a saisi le Comité des Droits de l’Homme des Nations unies sur une éventuelle violation des articles 18, 25 et 26 de l’International Covenant on Political Rights suite à l’annulation de leurs candidatures faute de déclaration de la communauté de ses candidats. Ce groupe politique a également demandé à cette instance des Nations unies de se prononcer sur la validité des règlements 12 (5) des National Assembly Elections Regulations par rapport à cette même question de déclaration ethnique.
Dans cette affaire, la position de l’État est que cette démarche de Rezistans ek Alternativ est inadmissible. La déclaration de l’appartenance ethnique sert à déterminer l’allocation des huit sièges de Best Losers après la proclamation des résultats. Nous avons soutenu que cette disposition est admissible et n’est nullement arbitraire ou discriminatoire.
Or le 27 juillet dernier, le Comité des Droits de l’Homme des Nations unies est parvenu à la conclusion que cette exigence de déclaration d’appartenance communale est en violation des droits fondamentaux sous l’article 25 de l’International Covenant. Néanmoins, l’on notera que le Comité des Droits de l’Homme des Nations unies s’est gardé d’exprimer une opinion sur le système électoral mauricien.
Les propositions de cette instance de l’ONU sont d’allouer une compensation pécuniaire à Rezistans ek Alternativ suite aux démarches encourues, d’apporter des changements dans le recensement de 1972 et de revoir s’il n’y a pas lieu de procéder à une réforme électorale. En plus, le Comité des Nations unies recommande que des mesures appropriées soient prises pour éviter toute récidive à l’avenir.
Je voudrai faire ressortir que le recensement de 1972 ne constituait nullement la substance de la contestation de Rezistans ek Alternativ devant les Nations unies. Il n’était nullement nécessaire d’apporter des précisions à ce sujet. Puis-je rappeler que les amendements apportés à l’article 5 de la Constitution remontent à 1982. De temps à autre, il a été question d’apporter des changements au Best Loser System. Mais jusqu’ici, ces tentatives n’ont pas été couronnées de succès. Revenir avec l’appartenance communale dans le recensement would be a step backward.
Après le Pronouncement du Comité des Droits de l’Homme des Nations unies, nous disposons d’un délai de 180 jours pour fournir à ce comité des informations sur ce que nous comptons faire subséquemment. Nous envisageons de rembourser à Rezistans ek Alternativ les frais encourus. Dans la précédente affaire du Privy Council, nous n’avions pas exigé les frais même si le gouvernement en avait parfaitement le droit.
Pour ce qui est de la réforme électorale, je compte venir de l’avant aussitôt que nous atteignons un Broad Consensus. Il est clair qu’il ne pourra y avoir d’unanimité. Je l’ai déjà dit : nous sommes arrivés à un accord sur la majeure partie des points, mais il y a des détails à mettre au point. Je compte reprendre les consultations et formuler mes propositions, comme me le demande le leader de l’opposition.
Les élections générales ne sont pas derrière la porte. We do not want to rush into an electoral system. Nous voulons un système moderne et qui « stands the test of time ». Le nouveau système doit assurer la stabilité politique, l’équité, la transparence, la représentation de toutes les communautés et la Gender Balance.
Avec ces consultations, je ne suis pas en train de “couillonner” le leader du MMM, comme l’a dit ce passéiste lors d’un récent meeting…
Les bancs du gouvernement applaudissent cette remarque du Premier ministre.
Ramgoolam : Nous avons besoin d’une réforme électorale qui soit la fierté de la population. We must not miss this opportunity et je ne compte pas rater cette occasion.
La fin de la réponse liminaire du Premier ministre est également ponctuée d’applaudissements des rangs de la majorité.
Bérenger : En ce qui concerne les remarques du Comité des Droits de l’Homme des Nations unies par rapport à l’absence d’explications et de justifications sur le recensement de 1972, puis-je savoir qui étaient les conseils légaux du gouvernement et pourquoi ce point n’a pas été évoqué ?
Ramgoolam : Nous étions représentés par le State Law Office. Je ne crois pas que c’est exact. Il y avait des soumissions. It was not a live issue. Ce n’était pas la substance de la contestation.
Bérenger : Le gouvernement n’aurait-il pas été mieux inspiré d’anticiper des arguments sur cette question avec les avocats présentant les faits. Ils auraient pu assigner des témoins pour étayer leurs dires ?
Délai de 180 jours
Ramgoolam : Devant cette instance des Nations unies, des témoins ne sont pas assignés. Des soumissions en écrit sont transmises. Même si nous avions procédé à un update du recensement, le contentieux de la déclaration d’appartenance communale aurait été toujours au coeur du problème.
Bérenger : Si nous avions fait notre travail comme il le fallait et présenté les arguments et les justificatifs au sujet de l’élimination de l’appartenance communale dans le recensement de 1972, la conclusion aurait pu être différente ?
Ramgoolam : Je ne crois pas que le recensement était un des points majeurs. The lawyers did what they had to do. That was not the issue ; je dois dire que la question avait été abordée devant le Conseil Privé. Nos hommes de loi avaient attiré l’attention sur le fait que la répartition ethnique dans le recensement de 1972 était désuète et que le problème allait surgir tôt ou tard…
Bérenger : Avec le délai de 180 jours, le gouvernement compte-t-il donner à cette instance des Nations unies des indications sur ce qu’il compte faire entretemps ?
Ramgoolam : Nous avions du temps et nous allons respecter le délai de 180 jours. We have to have some more meat. Ensuite, nous allons indiquer la voie que nous comptons emprunter en termes de réforme électorale.
Bérenger : I thought he wanted to have some more bones with the way he speaks about the former Prime Minister. À comprendre le Premier ministre, il n’est nullement question d’un recensement à caractère communal…
Ramgoolam : Yes. We can’t go backward. Souvenez-vous que lors de mon discours pour l’indépendance le 12 mars 2008, j’avais soutenu que l’heure est venue pour tout un chacun de penser et d’agir en tant que Mauriciens. Nous ne pouvons continuer à penser en termes de communautés. Si l’on voit de plus près la Constitution, nous constatons la répartition suivante, communauté hindoue, communauté musulmane, communauté sino-mauricienne et le quatrième groupe de population générale, définie par le way of Life. That’s an insult. I don’t think we can go backward…
Bérenger : Il y a certains qui avaient parlé d’hypocrites…
Ramgoolam : I say it and I mean it…
Bérenger : J’ai entendu le Premier ministre parler de Broad Consensus et non d’unanimité…
À ce stade, les échanges sont noyés dans des commentaires, des parlementaires de la majorité s’en prenant au ministre Mohamed au sujet du terme “hypocrite” concernant le recensement à caractère communal.
Mohamed : I said it and I mean it.
De son côté, le Premier ministre attribue cette remarque à sir Anerood Jugnauth.
Ramgoolam : He also said it. Quand je dis Broad consensus c’est clair, je ne parle pas d’unanimité. Je ne détiens pas la majorité pour faire adopter de tels amendements à la Constitution. Je discute avec le MMM parce que je crois que si nous arrivons à nous mettre d’accord, nous allons mettre à exécution le projet de réforme électorale. Je dois en discuter au sein de mon parti et avec mon partenaire au sein du gouvernement.
Bérenger : Le Premier ministre dit qu’il y a du temps pour les prochaines élections générales et qu’il ne faut nullement se précipiter. Mais c’est en contradiction avec ce qu’il avait déclaré à cette même Chambre, lors de la séance du 27 juillet. Il avait fait état de son intention de présenter dans les meilleurs délais possibles un projet de loi sur la réforme électorale. Il n’avait même aucune difficulté à convoquer l’Assemblée nationale durant les vacances si besoin est. Toutefois, je voudrai savoir ce qui a changé entre-temps ? Quels conseils ont été prodigués à Londres ?
Ramgoolam : In fact, nothing has changed. Permettez-moi de remettre mes propos dans leur contexte. J’avais dit que nous n’étions pas à la veille des élections et que s’il y a lieu je peux présenter un projet de réforme électorale dans les meilleurs délais. J’avais dit que nous avons un Broad Agreement et que dès que nous aurons mis au point les détails, je présenterai un projet de loi.
Obeegadoo : Nous constatons que pour la première fois depuis 1968, il y a un Broad Agreement sur la nécessité d’une réforme électorale. Le MMM est le seul parti à avoir présenté des propositions de réforme. Je crois que le moment est venu pour le Parti travailliste d’abandonner la rhétorique et de venir de l’avant avec des propositions ?
Ramgoolam : C’est ce que je viens d’expliquer. (A ce stade, il cite de mémoire le général de Gaulle sur la réforme pour faire comprendre que le contexte de la réforme est important.) Vous étiez au pouvoir. Vous aviez la majorité pour apporter des réformes. Vous n’étiez pas arrivés à vous mettre d’accord avec votre partenaire. Il faut reconnaître que c’est une démarche extrêmement compliquée. Rappelez-vous l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair. Il avait un rapport consensuel. Mais quinze ans après, aucune réforme. La Nouvelle-Zélande a pris 75 ans. Il y a cinq critères majeurs à prendre en compte, dont la stabilité. Je ne voudrai pas d’un système où le Premier ministre doit mendier des votes pour faire adopter des projets de loi…
Bérenger : Transfuges…
Ramgoolam : We need fairness. Ensuite, toutes les composantes de la nation arc-en-ciel doivent retrouver leurs places. Then there is accountability. Paul Bérenger et moi-même, nous ne parlons pas de nous-mêmes. Nous voulons d’un système qui durera pour au moins les 25 prochaines années…
Le député Joe Lesjongard essuiera une véritable volée de bois vert de la part du Premier ministre suite à une interpellation supplémentaire au sujet de l’absence de tout calendrier sur la réforme électorale.
Jugnauth : Le Premier ministre a parlé du Best Loser System comme ayant fait son temps. Quelle garantie peut-il donner que toutes les composantes de la nation seront représentées ?
Ramgoolam : Tout y sera représenté. Je ne suis pas le Premier ministre qui a ostracisé la communauté musulmane au lendemain des élections générales.
Le député Ganoo revient à la charge sur la question du recensement de 1972 en citant des extraits d’une correspondance de l’Electoral Supervisory Commission soutenant cette démarche. Suite à son interpellation supplémentaire au sujet de la nécessité de consulter tous les partis politiques, le député Éric Guimbeau se retrouve avec une invitation s’il est en faveur de la réforme alors que l’exclusion du MSM est plus que confirmée.
Bérenger : We’ve had a lot of words. Le Premier ministre peut-il confirmer si le State Law Office s’est déjà attelé à la tâche de rédiger le texte de loi sur la réforme électorale ?
Ramgoolam : The answer is no. Je voudrais boucler les consultations, parvenir à un accord avant de procéder à la rédaction du projet de réforme électorale.

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