Refuser la misère : oui, mais comment ?

Ce mercredi 17 octobre, le monde observera la Journée du refus de la misère. Les Nations unies ont décrété depuis 1992 cette journée commémorative. Le thème arrêté pour 2018 est «S’unir avec les plus exclus pour construire un monde où les droits de l’homme et la dignité seront universellement respectés ».

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Chez nous, la misère a pris différents visages… Il y a, bien évidemment, ces pauvres âmes, qui s’entassent à plusieurs, parfois plus de huit, dans une même pièce, où tous dorment, mangent, boivent, regardent la télé, font leurs devoirs, s’habillent et se déshabillent… Où il n’y a pas de toilettes ni de salles de bains. Bonjour la promiscuité et tout son corollaire de problèmes : inceste, grossesses non désirées et/ou précoces, violences physiques, et autres abus en tous genres. Mais il n’y a pas que cela. Aux violences physiques est venue s’ajouter la violence psychologique.

Ceux qui sont à pied d’œuvre sur le terrain le martèlent : la misère, ce n’est pas seulement ne pas avoir un toit, des vêtements, des sous pour manger, de l’électricité et de l’eau. Depuis la révolution industrielle, la misère a revêtu de nouvelles allures. Elle touche l’humain dans sa chair et son âme.

Un des exemples qui revient souvent : nombre des arrestations pour possession de drogues concerne des personnes répondant à un profil quasi stéréotypé ! Combien d’arrestations des vrais barons de la drogue enregistre-t-on ? Doit-on vraiment se demander pourquoi ? Ou est-ce que l’appât de quelques billets proposés par les dealers et « jockeys » représente un argument inattaquable pour celui qui « trase lavi » et cumule les petits boulots ? Quand ce ne sont pas des délits liés à la drogue, ce sont les vols et menus larcins : en cette période de fin d’année, la saison des fruits tels que mangues, letchis, longanes attire la convoitise. Les plus téméraires ne s’embarrassent même pas que les proprios se trouvent chez eux pour s’introduire dans leurs cours et leur ravir leurs fruits, cultivés avec soin ! Et en plein jour…

Certes, le combat contre la misère a été redéfini : il s’agit désormais d’avoir un “holistic approach”. Soit. Les politiques de tous bords ont au moins compris cela. Mais le développement durable suit-il ? D’aucuns soutiendront que les travaux d’aménagement et de modernisation touchent surtout certaines circonscriptions particulières. Tandis qu’ailleurs, les jardins d’enfants se résument à une ribambelle de gosses se battant pour avoir accès à une unique balançoire rouillée ou une glissade en tôle qui pourrait sérieusement les blesser… Alors que dans d’autres régions, des jardins pourvus en équipements neufs et sécurisés attendent désespérément d’être utilisés ! Pourquoi ? Parce que ces aires récréatives se trouvent tout bonnement dans des quartiers où des familles ont les moyens d’inscrire leurs progénitures dans des clubs divers… Ces espaces sont donc tristement abandonnés ! Gaspillage de fonds publics, encore et toujours.
Et quid de l’aménagement du terrain ? Maurice abrite plusieurs quartiers où des constructions ont été réalisées (et continuent de l’être, d’ailleurs, avec la bénédiction des élus !) à tort et à travers. Des rues de plus en plus étroites, mal pensées, sans drains ni canaux. Des terrains en friche qui attirent des toxicos en mal de repaire et d’autres truands en quête de caches.

L’épanouissement humain est tributaire de l’environnement dans lequel il évolue. Des Ong comme Lovebridge et Caritas auront beau réhabiliter des familles entières via l’“empowerment”, leur permettre de trouver un travail, d’aller à l’école et, au final, de devenir financièrement indépendantes. Mais tous ces bons et loyaux efforts se doivent d’être soutenus par un développement concret du voisinage où vivent ces familles ! Autrement, une grande partie du travail peut être vouée à l’échec. Ce qu’on ne souhaite pas.

Parce que le schéma ressemble beaucoup à celui de la désintoxication et la réhabilitation d’un toxicomane ou d’un alcoolique : le ramener dans son voisinage où perdurent toujours dealers, tavernes et autres sources de tentation, après qu’il a été sevré des substances, équivaut à le pousser à reprendre ses mauvaises habitudes ! De quelle réhabilitation peut-on décemment parler alors ? Et tant que la question portera une connotation communale, tout sera bloqué.

Pravind Jugnauth, PM non-élu, prépare activement sa campagne où il briguera, pour la première fois, le fauteuil du chef du gouvernement. Attendra-t-il le dernier mois avant les élections pour inviter ses députés et ministres à descendre sur le terrain, histoire de distribuer macaronis, tempos et autres « appâts » ? Puisque, hélas, c’est ce qui arrive tout le temps, à Maurice !

Husna Ramjanally

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