RENCONTRE : Afjul Toraub et ses expériences de légumes et fruits greffés

Caroline Bel-Air-Rivière-Sèche, où l’hiver semble être une période propice pour tous ceux qui aiment planter, est un petit village riche en plantations. Dans ce coin de verdure, Afjul Toraub, ancien employé du ministère des Collectivités locales et retraité depuis 2008, s’est pris de passion pour les plantes. Sa spécialité : les greffes à partir de différentes variétés de légumes, comme la pomme d’amour greffée à l’aubergine ou le limon au pamplemousse. Tel un laborantin des plantes, il dévoile dans un coin de son jardin ces hybrides issus de son imagination comme ces bringelles blanches ou encore ces petits piments mauves.
Fruits rares, légumes greffés, Afjul Toraub dévoile d’emblée qu’il n’a appris dans aucune école et qu’il est encore moins un scientifique. « Je suis juste un amoureux des plantes et je dégage une grande curiosité pour tout ce qui touche l’environnement ». À l’âge de 28 ans, ce villageois commence à apprendre du bout des doigts les vertus de chaque fruit et légume. Autodidacte, il s’est fié à son instinct de planteur et savoure aujourd’hui sa réussite avec bonheur. « Si vous avez un début de bronchite, mettez huit feuilles de longane à bouillir et versez-en un peu dans un verre d’eau tiède avec trois cuillères de miel, puis buvez. La margose est efficace pour la digestion, les feuilles de longane pour l’estomac, le guloye pour l’arthrose, la feuille tyarita pour la fièvre. » Fin connaisseur, il détaille les caractéristiques de chaque plante. Il s’enorgueillit d’avoir, dans sa cour, des plants de cassis, de pêche, de corossol, de jean bourgeois dont, dit-il, raffolent les Réunionnais. Afjul Toraub nous raconte sa première expérimentation de greffe de légumes, soit l’aubergine et l’endive, avant de se donner un autre défi, celui de la greffe d’une tomate à une endive. Il a aussi travaillé avec cinq variétés différentes de légumes, comme des bringelles rondes et longues ou de couleur blanche. « Finn manze tou, li bien bon. Personn pa finn mor. Mo fami, kamarad, tou finn bien kontan », dit-il dans un large sourire, convaincu que sa science hybride augure une nouvelle manière de planter.
Afjul Toraub explique que la bringelle marron n’a pas la même texture qu’une aubergine dite normale. « Li pli gro. Il faut enlever son coeur, ensuite la mélanger à une plante d’aubergine en enlevant toutes les feuilles avant de la greffer tout en les attachant avec du raphia. » Il utilise de vieilles bouteilles en plastique et des pneus usagés dans lesquels il entasse des mottes de terre avant de planter, une autre astuce de plantation dont il nous fait part. Il y a probablement une trentaine de fruits rares plantés dans son verger et il souligne qu’un plant de cassis peut lui rapporter jusqu’à 2 000 à 3 000 fruits, une à deux fois l’an. Un plant de bringelle blanche dans son potager fait 15 pieds de large et se retrouve toujours bien fourni.
Cet habitant de Bel-Air-Rivière-Sèche précise que l’idée d’un tel procédé lui est venue pour meubler son temps et surtout, explique-t-il, « je voulais être différent des autres planteurs. Quand je prépare un jus de cassis issus de mon verger, mes invités sont étonnés de la qualité des fruits et de leur goût. C’est du jus local, 100 % home made ». Son jardin a même fait l’objet d’un reportage en Russie, en Suisse et en France. « À l’étranger, dimounn konn mwa. Cela s’est fait de bouche-à-oreille. Les gens disent : si vous voulez des nouveautés, allez chez Afjul. J’ai déjà écrit au ministère de l’Agriculture, car j’avais envie de partager mon expérience avec d’autres planteurs, mais personne ne m’a approché. C’est bien dommage, car j’aurai pu partager ma technique avec d’autres passionnés comme moi. Personne n’a tenté l’expérience de greffes multiples dans son jardin, moi, je l’ai fait. J’ai des amandes en provenance d’un badamier sauvage, une plante greffée avec cinq variétés de bringelles dans un seul plant. Bann frwi-la sorti bien gro. » Afjul Toraub croit fermement que ces plantes sont idéales pour ceux qui suivent le concept aryuvedic. Il songe même à une exposition sur les plantes. « Une greffe de différents types de légumes ou de fruits permet d’en récolter plusieurs et le plant peut durer jusqu’à six ans s’il est bien entretenu, alors qu’un simple plant de légumes ne dure qu’un an. Kouma la sians kinn fer progre, dan zardinaz osi ena bokou sikse. Il suffit de faire travailler son esprit et surtout de croire en son talent. » Le souhait d’Afjul Toraub est que son travail soit reconnu et qu’il soit un modèle pour d’autres planteurs.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -