REPORTAGE—PARKING SAUVAGE: La cybercité transformée en jungle

À la cybercité d’Ébène, il est courant de braver les interdits, à commencer par ceux du code de la route et des panneaux de signalisation, et ce afin de se trouver une place pour garer son véhicule. Terrains vagues, pelouses et trottoirs sont devenus les endroits privilégiés, accentuant de jour en jour le phénomène du parking sauvage. Mais au-delà de cette problématique, cela entraîne un autre fléau : celui de la recrudescence de vols et de dommages causés aux véhicules garés, du fait du manque de surveillance…
À la cybercité, le « trace trace » est devenu chose courante. Les terrains vagues constituent le premier choix des automobilistes… en attendant la construction d’un nouveau bâtiment dans ces mêmes lieux. Le parking sauvage est devenu presque un phénomène normal, du moins pour les automobilistes. Il faut reconnaître que pour celui ou celle qui se déplace en voiture, c’est un véritable casse-tête. Au point que c’est devenu la loi de la jungle.
Près de 20 000 personnes travaillent à la cybercité, et le nombre d’entreprises ne cesse de croître. Par conséquent, ceux-ci emploient davantage de main-d’oeuvre et ceux qui arrivent à obtenir un parking le plus proche de son lieu de travail, et suffisamment décent, peuvent s’estimer heureux. « Il faut parfois rouler une dizaine de minutes pour trouver l’endroit idéal », lâche Marie. Certains n’hésitent à se garer sur les bretelles menant vers l’autoroute. Une quarantaine de véhicules sont laissés quotidiennement le long du trottoir, près des résidences d’Ébène, autrement dit l’ancien “Village des Jeux”. Il existe une telle anarchie que ceux qui viennent récupérer leur voiture à la fin de la journée retrouvent celles-ci rayées ou, quelquefois même, coincées entre deux véhicules. En temps de pluie, ces parkings improvisés sur des terrains en friche sont dans un état déplorable, du fait de la présence de boue. Pourtant, malgré cela, « nous devons quand même garer nos voitures », dit un automobiliste.
Les usagers de la route sont-ils pour autant à blâmer ? Le manque d’espaces est en effet flagrant. Pour autant, il existe malgré tout quelques aires de stationnement, payantes cependant et en nombre insuffisant. La faute, selon ceux que nous avons interrogés sur place, au coût élevé des aires de parkings. Les automobilistes refuseraient en effet de payer la mensualité de ces lieux, soit entre Rs 1 200 et Rs 2 500 par mois, selon les cas. Sans compter que les employés n’offrent pas tous les facilités pour leur offrir ces abonnements.
Un automobiliste rencontré sur une aire de parking improvisée, sur un terrain en terre, explique qu’il ne peut se permettre de dépenser près de Rs 2 000 pour garer son véhicule. « Les managers et ceux qui se trouvent en haut de la hiérarchie peuvent se le permettre, d’autant qu’ils bénéficient d’une “car allowance”. Mais dans mon cas, je ne jouis pas de telles facilités. D’autant que l’essence me revient entre Rs 6 000 et 7 000 par mois. Sans compter les frais d’entretien de ma voiture. Dépenser Rs 2 000 pour un parking me reviendrait donc très cher. Si BPML proposait des parkings à Rs 1 000, cela aurait été une bonne chose », dit-il. Cet automobiliste dit être obligé de se déplacer en voiture, car habitant Grand-Gaube. En bus, dit-il, il se retrouverait contraint de changer de bus à… trois reprises. Conscients que cette mesure n’est pas la plus appropriée et sécurisée, car ayant eu vent de vols de voitures à Ébène, les automobilistes finissent par se résoudre à prendre néanmoins le risque. « Ki pou fer ? Bizin trace trace », dit l’un d’eux.
Marie témoigne pour sa part avoir été rappelée à l’ordre par un policier car elle garait sa voiture sur le trottoir aux abords de l’Orange Tower, où elle travaille. « Les entreprises opérant dans ce bâtiment ont chacune un quota de places de parking dans l’enceinte du bâtiment », explique notre interlocutrice. Ce qui l’a poussé, durant les quatre premiers mois depuis qu’elle travaille à Ébène, à garer sa voiture « n’importe où ». Mais, depuis ce rappel à l’ordre par un officier de police, elle s’est résolue à louer un parking payant, ce qui lui coûte Rs 1 150 par mois. « Mais je dois beaucoup marcher. Ce qui n’est pas évident car je souffre d’un mal de dos », ajoute-t-elle.
Comme mesure dissuasive, les autorités comptent poser des doubles lignes jaunes prochainement afin d’interdire le stationnement le long des trottoirs. Mais cette mesure ne réglera pas pour autant le problème de manque de parking et de parking sauvage, ne servant dès lors qu’à remplir davantage les caisses de la National Transport Authority (NTA) grâce à ceux qui ne suivront pas à la règle le code de la route en vigueur…
Un projet de construction d’aires de stationnement sur plusieurs niveaux est en outre toujours attendu. Nous n’avons pu toutefois obtenir de précisions auprès du Chairman exécutif de MB. Selon les détails disponibles, cette aire de stationnement devrait s’étendre sur une superficie de 6 047 m2 et pourra contenir 900 voitures. Récemment, le ministre des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) Tassarajen Pillay Chedumbrum avait annoncé au Parlement que la construction de parkings supplémentaires dans les 14 prochains mois pourrait résoudre le problème. Pas sûr. D’autant que le coût du parking reste à déterminer et qu’il reste dès lors à savoir si les automobilistes accepteront de payer.
Mauvaise planification
Kursley est employé dans une entreprise BPO qui lui offre la facilité d’un parking. Mais auparavant, explique-t-il, il garait sa voiture dans les terrains vagues, jusqu’à ce que sa voiture se retrouve abîmée à plusieurs reprises. Désormais, heureusement, sa compagnie lui offre la chance de garer sa voiture dans un parking sécurisé. Ce qui ne l’empêche pas de comparer sa situation d’il y a 5 ans à celle d’aujourd’hui. « Auparavant, il n’y avait que deux grands bâtiments. Maintenant, on en compte tellement… » constate-t-il. « La cybercité a changé de visage, mais les infrastructures et les facilités traînent ! »
Tous sont d’avis que la cybercité d’Ébène a été « mal planifiée ». Parmi les problèmes énumérés : l’absence de trottoirs et de passages pour piétons, qui rend dangereuse la traversée, surtout aux heures de pointe. Voire encore les routes, jugées trop étroites. « En voiture, il faut s’armer de patience. Surtout lorsque l’on se retrouve derrière les autobus, qui prennent forcément des passagers », explique Marie. « BPML n’apporte pas de solution à ce gros manquement infrastructurel », ajoute un autre usager de la route. Sans compter que les voitures garées sur le trottoir sont devenues un véritable casse-tête pour ceux qui circulent à pied. Une situation qui met en outre leur vie en danger car ils se retrouvent bien souvent à devoir marcher sur la route.

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