RÉSERVE FRANÇOIS LEGUAT : L’écosystème original recréé

La réserve naturelle François Leguat à Anse Quitor, près de l’aéroport, et l’Île aux Cocos sont deux sites incontournables lorsque vous partez à la découverte de l’île Rodrigues. Sur les 19 hectares de la réserve François Leguat, des tortues géantes vous invitent à admirer la faune et la flore endémiques de l’île, naguère en voie de disparition. Se liant bien vite d’amitié avec vous, ces douces bêtes vous guident vers les fascinantes structures des grottes. Après avoir décelé le mystère de celles-ci, réservez une journée pour l’île aux Cocos, également réserve naturelle qui, hormis son lagon bleu et son sable fin, abrite aussi un sanctuaire d’oiseaux marins.
« Voyez comme la nature fait bien les choses… » Le dynamique guide de la Réserve François Leguat interpelle ses visiteurs. Tenant le mince tronc du bois d’olive dont le feuillage très clairsemé ne parvient que difficilement à l’abriter du soleil dardant de ce 2 janvier, il nous explique que l’arbre est hétérophile, soit à feuillages divers. À force de voir ses feuilles broutées, le bois d’olive, autrefois, devint en danger de disparation. C’est alors que l’arbre a développé un moyen d’autodéfense en produisant des feuilles toxiques à hauteur de 1 m 20, la hauteur même que pouvaient atteindre les tortues en surélevant le cou…
Lors de la visite, vous pouvez admirer des tortues broutant librement au milieu de la végétation endémique qui recouvrait autrefois l’île Rodrigues entière… Les petits se font un rare plaisir de se poser sur la carapace d’une craquante petite tortue de leur choix, de surcroît à leur taille. L’émerveillement est réussi lorsqu’ils se voient déplacer par un si petit véhicule ! Il est toutefois strictement défendu de gratter leur carapace car on leur ferait mal, précise notre accompagnateur. Pas question non plus pour les adultes d’emboîter le pas à leur progéniture. Trop lourds !
À l’époque de François Leguat (voir encadré), soit en 1691, l’île comptait des centaines de milliers de tortues géantes qui devaient malheureusement disparaître au terme d’un siècle d’exploitation humaine. Grâce à l’aide de la Mauritian Wildlife Foundation, plus précisément de Owen Griffiths et de son épouse, tous deux environnementalistes, des travaux de restauration ont été entrepris en 2005 en vue de restaurer le paysage de l’île tel qu’il l’était il y a plus de 300 ans. Depuis juillet 2007, la réserve François Leguat Giant Tortoise and Cave est ouverte au public. L’écosystème original de Rodrigues y a été recréé. Pour cela, il a fallu éradiquer des espèces de plantes introduites, notamment les pestes végétales et d’autre part replanter des espèces indigènes et endémiques.
Les tortues datant de l’époque de François Leguat étant éteintes, deux autres espèces originaires de la région de l’océan Indien ont été apportées dans la Réserve. On y compte aujourd’hui plus de 1 500 tortues géantes d’Aldabra (Dipsochelys elephantina) et de tortues étoilées (Astrochelys radiata). Quelque 700 d’entre elles sont nées dans la Réserve, assurant ainsi sa pérennité.
La forêt originelle de Rodrigues a complètement disparu. Autrefois, l’île était couverte de forêts luxuriantes animées d’animaux et d’oiseaux uniques. Cela devait toutefois changer vers les années 1730 lorsque les hommes y arrivèrent. La Mauritian Wildlife Foundation a apporté son soutien à la Réserve en aidant à la production de plantules des espèces indigènes et endémiques. On compte aujourd’hui plus de 130 000 plantules de 40 espèces dont une trentaine sont endémiques et extrêmement menacées de disparition. L’île compte environ 145 espèces de plantes indigènes.
Stalagmites
Après les tortues, armez-vous de courage. Il vous faut environ encore une trentaine de minutes de marche avant d’atteindre les fameuses grottes. Enfin, vous y êtes ! Les visiteurs se regroupent le temps que le guide vous égrène quelques consignes : ne rien manger ni rien toucher à l’intérieur au risque d’altérer la formation des stalagmites. Enfin, chacun se présente au guide. On ne sait jamais, dit-il, « si vous vous perdez comme les quelques personnes qui ont disparu la semaine dernière dans les grottes… » C’est le début d’une visite instructive jalonnée de blagues, dirait-on, bien rodriguaises.
En dépit des ténèbres, la fraîcheur contrastante de l’intérieur des grottes vous fait un grand bien. Au moyen de sa torche, le sympathique accompagnateur vous propose de deviner les différentes formes des stalactites (concrétion calcaire se développant de haut en bas). « Un crocodile ! » ; « Des “ourit sek” », s’amusent à répondre les visiteurs. Assez plaisanté ! Le guide vous accorde une explication scientifique de la manière dont se forment les stalagmites (de bas en haut) et les stalactites. Ce qui explique que Rodrigues abrite de telles grottes, c’est que même si elle est volcanique à l’instar des îles des Mascareignes, elle est la seule à posséder un vaste plateau calcaire connu comme Plaine Corail. C’est un phénomène de sable corallien emporté par le vent pour d’abord former des dunes de sable qui a formé le plateau calcaire sur la pierre et le sol volcanique. L’action successive du sable déposé par le vent et la pluie donne lieu à une forte compaction de sable qui forme la pierre calcaire. Et, au fil du temps, le calcaire érodé par l’action des pluies est venu former des grottes.
Il y a aussi cette fameuse pierre calcaire qu’autrefois on avait taillée dans la grotte et dont les Rodriguais croient que celui qui la tient dans ses mains vivra longtemps… Tout le monde s’empresse de la tenir… Au terme de la visite, avant la sortie, une formation avec une croix naturellement entaillée laisse penser à la mitre du pape. C’est à lui de décider si vous en sortirez ou pas…
Outre le côté touristique, les grottes sont aussi l’objet d’études scientifiques qui permettent de fournir des indices historiques sur Rodrigues. Un certain nombre d’ossements d’animaux éteints depuis longtemps ont été retrouvés dans les grottes.
Île aux cocos
Îlot inhabité à l’ouest de Rodrigues, à une heure environ par bateau lorsque la marée est basse et un peu moins lorsque la marée est haute, l’Île aux Cocos a également été classée réserve naturelle. Si vous débarquez sur la plage à marée basse, vous ne pourrez même pas nager. Il vous faudra attendre d’avoir visité l’île, de vous être un peu prélassé sur la plage, à l’ombre d’un arbre, pour enfin pouvoir faire quelques brasses. Auparavant, lorsque le bateau vous débarque, vous foulez l’eau très tiède du lagon, ensuite le doux sable de l’îlot. Vous vous ruez sous un des arbres qui vous offre un peu d’ombre dans cette chaleur intenable. À peine y avez-vous installé vos affaires que vous vous découvrez des compagnons. Pas très accueillants. Ce sont des noddi communs, connus comme des makoa. Lorsque vous vous approchez trop d’eux, ils foncent vers vous, volant très bas, en poussant des cris stridents. Mais, il y a aussi, ceux-là, pas agressifs du tout, les sternes blanches ou zoizo la Vierz. Puisant leur nom de la blancheur immaculée rattachée à la Vierge, ces oiseaux semblent venus tout droit du paradis.
Anabelle, qui dirige la visite guidée ce jour-là, dévoile la particularité de l’oiseau : comme l’indique son nom, l’oiseau se considère très pur. Si le mâle ou la femelle a été touché par une personne, l’oiseau va se purifier dans l’eau de la mer. Et, si quelqu’un touche à son oeuf ou à son oisillon, il détruit l’oeuf ou tue le bébé. Autre caractéristique des sternes blanches, ils sont très fidèles en couple. Lorsqu’un des partenaires meurt, l’autre ne tarde pas à mourir aussi.
Le noddi commun construit son nid au moyen d’algues et de fiente et la femelle pond parfois à même le sol. C’est le mâle qui couve pendant une période d’environ 23 jours. Ensuite, l’oisillon reste environ deux mois dans le nid avant de s’envoler de ses propres ailes… Cette année, il y aurait eu une baisse des naissances à cause des rats qu’on n’est pas parvenu à éradiquer sur l’îlot.
Outre le noddi commun et la sterne blanche, deux autres espèces d’oiseaux vivent sur l’île : le noddi marianne et la sterne fuligineuse ou “yéyé”. Les quatre oiseaux de mer sont tous indigènes. On dénombre environ 4 500 oiseaux sur l’île aux Cocos. Très protégé, l’îlot n’est pas entièrement accessible aux visiteurs. La pêche non plus n’y est pas autorisée en vue de préserver les ressources alimentaires des quatre espèces précitées. Contrairement à ce qui était le cas autrefois, les barbecues ne sont plus autorisés sur l’île parce que les restes de nourriture, notamment de viande laissés par les visiteurs, contaminent les oiseaux et les rendent malades.
La visite terminée, vous regagnez votre pirogue l’esprit ébloui de souvenirs et le coeur connecté à de nouveaux amis volants…

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