SANTÉ—FLAMBÉE ÉPIDÉMIQUE DANS LE NORD: 60 % des Mauriciens ayant contracté la dengue sont des femmes

60 % des personnes ayant contracté la fièvre dengue lors de la flambée de l’infection virale en mars à Triolet étaient des femmes, a indiqué au Mauricien le Dr Deoraj Caussy, virologue attaché au ministère de la Santé. Il explique aussi que la population mauricienne n’est pas immunisée contre la dengue parce qu’elle est transmise par quatre types de virus et que c’est celui de type 2 qui a été détecté dans le nord de l’île.
Le Dr Caussy a travaillé dans les centres de référence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à travers le monde, à Genève (Suisse), en Asie et en Afrique et également au Centre of Diceases Control and Prevention à Atlanta aux États-Unis et pour le compte du département de santé publique du gouvernement américain. Le virologue, qui affirme que « la dengue a été pour l’heure éliminée dans notre île, mais pas éradiquée », souligne qu’« il n’existe pas de cas de cas de dengue autochtone à Maurice ». « Cela signifie que nous n’avons pas de réservoirs de virus de la dengue, c’est-à-dire de moustiques contaminés. Le virus vient d’ailleurs, vraisemblablement transporté par une personne qui a été contaminée à l’étranger dans un pays où le virus est présent ». Par ailleurs, il indique que « la population mauricienne n’est pas immunisée contre la dengue parce que l’infection se transmet par une famille de quatre virus. À Triolet la flambée épidémique était due au virus de type 2. Très peu de gens ont été contaminés par les quatre virus ».
60 % des 44 cas de dengue détectés à Triolet, à Belvédère, au Morcellement St André et à Vallée-Pitot dans la banlieue de Port-Louis le mois dernier concernent des femmes. 30 % des malades sont des hommes. Le Dr Caussy indique que cela peut s’expliquer par plusieurs hypothèses : « Les femmes sont toujours à l’extérieur de la maison, elles font leur lessive à l’ancienne, préparent des épices dehors, travaillent dans les champs. Elles sont plus exposées dans les lieux où vivent les moustiques en raison de leurs activités domestiques et professionnelles. » Le nord de l’île a été plus particulièrement touché par la flambée épidémique, explique le Dr Caussy, en raison de la forte concentration de population dans les districts de Port-Louis, Pamplemousses, Rivière-du-Rempart et de Flacq. 11 % des Mauriciens habitent à Pamplemousses, 10 % à Port-Louis, 11 % à Flacq et 9 % à Rivière-du-Rempart, note-t-il. La région port-louisienne avait déjà eu en 2009 un foyer de fièvre dengue importé des Comores, rappelle-t-il. En revanche les districts du Sud ont une population moins dense : 6 % des Mauriciens habitent à Savanne, 9 % à Grand-Port. Enfin, 7 % résident à Moka et 31 % dans les Plaines-Wilhems. « Les montagnes les protègent. En fin d’été le vent souffle du sud et les moustiques sont poussés par le vent vers le nord. Les moustiques contaminés se sont propagés après la saison des pluies », explique le Dr Caussy. La mondialisation de l’économie, le commerce, les voyages sont des voies d’entrée du virus de la dengue, affirme-t-il.
Pneus « reconditionned » et bambous porte-bonheur
« L’importation de pneus reconditionnés est également source de dengue. Les moustiques contaminés pondent des oeufs dedans. Le virus peut ainsi vivre pendant six mois et dès qu’il y a une goutte de pluie les oeufs éclosent. C’est de cette façon que la dengue est entrée dans les Caraïbes. En outre, l’importation de plants de bambous porte-bonheur (lucky bamboo plants) du Moyen-Orient a introduit la dengue dans plusieurs pays, les États-Unis, en Floride ». Il ajoute que « bien que Maurice ait un système de surveillance aéroportuaire bien rodé, il y a des cas de dengue, environ 1 %, qui ne se manifestent par aucun symptôme clinique. C’est ce qu’on appelle les porteurs sains et ils ne sont pas détectés ».
Le virologue indique que pour comprendre l’épidémiologie de la dengue à Maurice, « il faut faire la distinction entre le lieu d’exposition aux moustiques contaminés, l’endroit où l’infection a été diagnostiquée et la région où habite le malade ». « Tout dépend d’où le virus a été introduit ». Le scientifique explique que la dengue a pu être transmise dans le village de Triolet par une personne, voire un Mauricien qui a voyagé à l’étranger dans une zone où l’infection est endémique. Il note aussi qu’un quart de la population se rend à Port-Louis et que ces gens viennent de partout. « Prenons le cas de figure de la personne qui a contracté la dengue, qui habite à Triolet et qui travaille à Port-Louis. L’infection se transmet là où il y une concentration de gens, c’est pourquoi il y a des cas de dengue dans des endroits où on ne les attendait pas. Il y a aussi le cas d’habitants de Triolet qui vont travailler ailleurs. Et même si le moustique ne vole pas plus de 300 m, les gens eux circulent sur des trajets de dizaines de kilomètres », explique le Dr Caussy.
La dengue est fatale dans le cas du « syndrome de choc » qui affecte les organes vitaux et qui provoque des décès dans les pays d’Asie du Sud-Est où elle est endémique. Par ailleurs, la dengue hémorragique est la conséquence d’une infection par un virus de la même famille. La vaccination contre la dengue n’existe pas encore. « Ce n’est pas facile de trouver une combinaison des quatre virus responsables de cette maladie tropicale. Les chercheurs n’arrivent pas à trouver la bonne formule », note le Dr Caussy. Les précautions classiques, notamment pour les voyageurs, restent les vêtements couvrant les bras et les jambes, les crèmes répulsives sur les zones du corps non recouvertes. « Il est également recommandé de ne pas sortir pendant les périodes où le moustique a faim, c’est-à-dire à l’aube et au crépuscule. Mais attention quand le temps est couvert, le moustique se nourrit toute la journée ».

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