TO SAVE OUR FUTURE — 15,000 + : Notre droit au ras-le-bol

« WANTED : 15,000 Youngsters to Save OUR Future ! » est un mouvement mauricien virtuel qu’on ne présente plus. La marche pacifique engendrée par ce mouvement est largement inspirée des soulèvements populaires dans le monde. Elle a toutefois sa propre histoire, très loin des leurs.
Conception in-vitro
Il faut tout d’abord être clair. Il n’y a qu’un initiateur à cette mouvance. Il s’agit de Jameel Peerally ; il a créé le groupe après l’intérêt suscité par des publications sur Facebook. Dès la naissance, on est donc très loin des mouvements sociaux collectifs. Il semble qu’un homme prend les devants, soutenu par un cercle de proches qui s’agrandit assez vite. Il devient un cercle de personnes qui croient en l’utilité, voire la nécessité, et surtout la crédibilité de ce projet.
Arrivé à un moment opportun, au milieu des scandales politiques et après la démonstration internationale de la force du peuple, le mouvement prend de l’ampleur, éveille l’intérêt des internautes et buzz très vite grâce aux carnets d’adresses de certains.
Le Virtuel
Une fois l’intérêt éveillé, la première déception est que le format choisi pour cette plate-forme sur les réseaux sociaux est un groupe Facebook. Cela veut dire que les membres sont ajoutés au groupe par quelqu’un sur leur liste d’amis sans avoir nécessairement demandé à le rejoindre. A l’habituel contraste entre la mobilisation virtuelle et la mobilisation réelle s’ajoute donc une sorte de mobilisation passive involontaire. De quoi décrédibiliser les chiffres, déjà virtuels.
Ma deuxième déception a été l’absence de principes de base de démocratie dans la gestion du groupe. Ceux qui s’opposent ou s’interrogent sur la démarche de certains se font presque systématiquement lyncher dans un premier temps. Puis, leurs publications sont effacées et apparemment, certains se font enlever du groupe par la suite.
Il y a dans la gestion, une pyramide claire et nette, comparable, du moins à mes yeux, à celle du mode politique que ce groupe dit vouloir changer. Il y a une classe dirigeante qui s’impose à nous, prolétaires. Le pouvoir est entre les mains de quelques modérateurs qui opèrent comme bon leur semble, le manifeste est rédigé avant la marche sans consultations populaires – je pense notamment à certaines plates-formes de débats publics – les discussions sur le groupe portent plus sur la forme et sur des futilités que sur le fond.
Le tout semble presqu’institutionnalisé avant même la concrétisation. Et avec « Profiles will be screened upon join request » comme première règle du groupe, on a presque l’impression d’entrer dans un club ultra sélecte. Ce qui une fois encore démontre qu’on est très loin d’un mouvement collectif et populaire.
Nous sommes plutôt en plein Animal Farm, avant même l’union des forces de la jeunesse mauricienne. Dans une telle structure, imaginer un impact révolutionnaire à long terme est on ne peut plus farfelu.
Retour vers le r?el
Une manifestation, cela s’organise, et pas tant que cela sur Facebook.
L’exercice de communication passe à la vitesse supérieure. Les habitués des mouvements de gauche qui ont rejoint la troupe directrice des 15,000, sont à pied d’oeuvre. Les jeunes, loin des chichis aussi absurdes qu’irritants du groupe sur Facebook, ont la main à la pâte. Et c’est dans l’ensemble une jeunesse désintéressée, qui veut faire avancer une cause plus qu’un groupe ou un ego.
Nous sommes las des éternels jeux de pouvoirs de politiciens qui ne portent plus à coeur l’intérêt de la population puisqu’ils ne sont plus en phase avec elle. Et nous sommes, contrairement à ce que semblent croire quelques-uns, dans la grande majorité, conscients qu’il ne s’agit pas là d’une révolution. Nous voulons simplement faire entendre un message. Le ras-le-bol.
Nous tous, Mauriciens, avons non seulement droit au ras-le-bol mais aussi le droit de le faire entendre. Évidemment, j’aurais souhaité une mouvance plus authentique, avec les deux pieds sur terre et une certaine notion de l’égalité. À la veille de cette marche, cependant, les egos, leurs absurdités, leurs ambitions et leur ascension m’importent peu. C’est aussi le cas pour nombre de jeunes qui seront présents.
In-vivo
Nous ne changerons pas le monde en une marche. Nous ne changerons pas la politique mauricienne non plus. Nous ne ferons pas une révolution des moeurs mauriciennes. Il s’agit de faire entendre notre voix, notre droit au ras-le-bol.
Je me permet aussi d’émettre l’espoir que ceux qui se sont appropriés ce mouvement et qui l’ont institutionnalisé se rendent compte que « Aret Zwe Ek Nou Lavenir » plus qu’un slogan, plus que leur slogan, est un message, notre message.

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