SCIENCES HUMAINES: Évaluation par des experts en immunologie et en “Fecal Incontinence”

Le Dr Arnaud Carpooran, Associate Professor de la faculté des “Humanities”, a officiellement écrit à la direction de l’Université de Maurice (UoM) avec copie au syndicat des chargés de cours, l’University of Mauritius Accademic Staff Association (UMASA). S’il ne conteste pas à proprement dit le choix du comité de sélection, il demande en revanche des éclaircissements sur le déroulement de l’exercice de promotion au poste de Professeur.
La sélection à cet échelon académique se déroule en deux étapes. Une présélection est faite par un Prima facie case Sub-Committee nommé par le Staff Committee (SC). En cas de candidatures valables, le comité soumet ses recommandations au SC qui à son tour les présente au conseil d’administration. Cette instance est chargée d’envoyer les dossiers concernés à l’étranger à un deuxième panel d’experts internationaux pour la sélection finale.
Cette année le Prima facie case Sub-Committee était composé du Pr Hussein Subratty qui assure l’intérim au poste de vice-chancellor (VC) et de deux assesseurs externes choisis par l’UoM : le Pr Christine Norton de l’Imperial College de Londres et le Pr Philippe Gasque de l’Université de la Réunion.
Dans sa lettre de protestation à la direction de l’UoM, le Dr Carpooran relate que lors de son interview le 16 mars, le Pr Subratty lui a sommairement présenté ses deux assesseurs et les institutions universitaires auxquelles ils appartiennent, sans préciser leur champ d’expertise. Il ajoute avoir logiquement présumé que les Pr Gasque et Norton étaient de la même discipline académique que lui, soit la linguistique.
Sa candidature a été rejetée et Arnaud Carpooran a décidé de faire appel. En attendant d’être entendu par l’Appeals Committee, le linguiste a réclamé, selon la procédure, un « verbal feedback » du SC. Le 25 avril, il se présente devant ce panel composé de cinq membres, dont le Pr Subratty, qui l’informe que son dossier n’a pas été retenu en raison de la « very poor quality » de ses travaux et que ses recherches, axées sur le plan local et régional, n’auraient aucune « international significance ». Quant à ses contributions à des publications étrangères, si le sous-comité reconnaît leur caractère international, il estime néanmoins qu’elles ont paru dans des revues « of very low impact factor ».
Le Dr Carpooran s’est également enquis des champs d’expertise des deux assesseurs du Prima facie case Sub-Committee et les critères selon lesquels ils ont été choisis. Ces derniers, lui a-t-il été répondu, sont tous deux du domaine scientifique et les critères « confidentiels ». Insatisfait des réponses fournies, le linguiste décide alors d’entreprendre des recherches sur internet. Il apprend que le Pr Gasque et Norton sont tous deux membres de la faculté de Médecine de leur université, ce qui équivaut à dire que le panel qui l’a interviewé était uniquement composé de scientifiques, en comptant le Pr Subratty. Mais le pire reste à venir : le premier est un expert en immunologie et la seconde une spécialiste en Nursing & Midwifery et en… « Fecal Incontinence ».
Handicap linguistique
Dans sa lettre à l’UoM et à l’UMASA, le Dr Carpooran souligne que si ce champ d’expertise n’a rien de ridicule en soi, néanmoins « the epistemological distance between this field and linguistics is such that I honestly cannot imagine the reaction of the Mauritian public, that of my students, of my colleagues, and people specialized in my field, when I am going to tell them that my 20-year research work as an expert in linguistics has been assessed by a specialist in Fecal Incontinence who is not even conversant in the language in which I have written my work (…) ».
Le Dr Carpooran souligne qu’en raison de ce « linguistic handicap » de l’assesseure Norton, il ne lui a pas été permis de s’adresser au panel en français, soit la langue dans laquelle sont rédigés ses travaux. Il déplore vivement cette sérieuse entorse aux procédures établies et aux droits acquis des chargés de cours du département de français « (…) considered as the only way to ensure better equity between candidates specialized in French Studies, who do all their teaching, research in French, and those coming from fields where English is the common working language ».
Le candidat Carpooran fait remarquer que le Pr Subratty est membre du Department of Health Sciences et exprime son étonnement que l’exercice de promotion au poste de Professeur pour toutes les facultés de l’UoM ait pu être confié à des personnes appartenant tous à un seul et même domaine, soit les sciences. Il s’interroge sur les principes qui ont guidé le choix de ces assesseurs et évoque un possible conflit d’intérêts. Il soutient, documents à l’appui, que les trois “évaluateurs” se connaissent pour avoir dans le passé collaboré sur des travaux de recherches.

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