SCULPTURE SUR SABLE : La plage, une galerie d’art pour Sanjay Jhowry

Il y a une dizaine d’années, Sanjay Jhowry, musicien et sculpteur sur bois âgé de 50 ans, se découvre une passion pour la sculpture sur sable. C’est sur la plage de Péreybère, non loin de là où il habite qu’il choisit de faire découvrir chaque mercredi ses créations au grand public. Muni, entre autres, de seaux, pelle, truelle et lame de scie, l’artiste y façonne d’impressionnantes sculptures qui lui demandent plusieurs heures de travail. Certaines d’entre elles sont inspirées de la mythologie, d’autres de héros de films d’aventure ou de science-fiction, d’autres encore de monuments ou de personnages historiques.
Sanjay Jhowry peut réaliser des merveilles avec presque rien. Là où il s’arrête pour sculpter émergent du sable des personnages historiques tels que Jules César, Abraham Lincoln, Jeanne d’Arc, mais aussi un orchestre de jazz, la Statue de la Liberté… L’artiste n’utilise que du sable et de l’eau de mer pour créer. Puisqu’il ne peut transporter le sable dans une galerie, les plages représentent pour cet homme une galerie d’art où il peut improviser et laisser libre cours à son imagination et sa créativité.
Que ce soit dans la mythologie ou dans des films de science-fiction, l’artiste aime y puiser ses inspirations. Le Poséidon — dans la mythologie grecque, le dieu de la Terre et des mers — assis entouré d’une femme et d’un poisson est l’une de ses créations favorites. «Mes inspirations me viennent tout naturellement, sans avoir à y penser. J’y trouve plein d’idées, par exemple, en visionnant un film d’aventures hollywoodien avec mon fils. A l’avenir, je souhaiterais aussi travailler sur les personnages des films fantastiques», dit-il.
Tout l’inspire. La faune terrestre — chien de traineaux, singes — et aquatique est aussi très présente dans ses créations. Certaines de ses constructions sont tellement réalistes qu’elles semblent être de vraies statues.
Selon Sanjay Jhowry, pour arriver à réaliser une belle création, il faut maîtriser les deux éléments naturels que sont l’eau et le sable, savoir comment placer les structures selon diverses techniques. Pour cet artiste, il faut aussi connaître les différents types de sable. «Sur cette partie du littoral nord, le sable est fin et facile à travailler. J’aime le sable de Péreybère pour la qualité du détail et l’expression qu’on peut créer», dit-il. Mais avant tout, il y a un travail préparatoire: il faut creuser et faire un monticule de sable ensuite. Ensuite, pour matérialiser ses personnages de sable, il lui faut plusieurs outils: truelles (petites pelles), lame de scie, seau, frottoir, vaporisateur… Certains servent à travailler les détails et créer des reliefs, faire des percées, créer des parties dans le vide, d’autres pour donner des formes plus compactes mais lisses à la surface une fois le travail achevé.
Iconoclastes
La durée d’exécution est variable, car elle dépend du volume de la sculpture. «Certains sont simples à exécuter, cela peut prendre quelques heures seulement. Les sculptures géantes sont plus complexes, elles nécessitent entre deux à trois jours à édifier», précise le sculpteur. Cet homme marié et père de deux enfants se rend chaque mercredi sur la plage publique de Péreybère pour façonner de belles sculptures. Il se met au travail très tôt le matin. «Une fois arrivé sur la plage vers 7 heures, je commence à creuser et à faire un gros tas de sable qui me servira de matière première. C’est l’étape la plus difficile, car cela prend beaucoup de temps», dit-il. «Ensuite, je commence l’élaboration des formes et petit à petit j’entre dans le détail. Je termine en général la sculpture vers 15 heures s’il s’agit d’une sculpture plutôt simple à faire». Et peu importe s’il fait un soleil de plomb ou s’il est entouré d’une foule, l’oeuvre doit être terminée avant la tombée de la nuit. Les sculptures sur sable de Sanjay Jhowry tiennent généralement trois à quatre jours.
À Péreybère, le tas de sable travaillé avec soin attire généralement la curiosité des touristes, qui, dit-il, admirent son travail. Ce qui ne semble parfois pas être le cas de certains Mauriciens iconoclastes qui démoliraient volontairement ses sculptures pendant la nuit. «Il m’arrive de préparer un tas de sable la veille pour pouvoir le travailler le lendemain matin. Parfois, je constate que le tas est défait, et alors il faut tout recommencer. Une fois l’oeuvre complétée, il y a aussi le risque qu’elle soit démolie. Les Mauriciens doivent apprendre à apprécier les belles créations, et non pas les détruire. Parfois, des sculptures qui ont nécessité plusieurs heures de travail et de patience sont démolies par des vandales et des gosses et ça, c’est très dur. »
Oeuvres éphémères
Issu d’une famille de sept enfants, dont quatre soeurs et trois frères et de parents commerçants et planteurs, Sanjay Jhowry s’est d’abord orienté vers la musique avant de se tourner vers l’art. Il est d’abord initié à la guitare au conservatoire Francois Mitterand, chez Ernest Wiehe et Claude Armandine avant d’apprendre à jouer du saxophone. À l’âge de 25 ans, il joue dans un orchestre et côtoie les grands musiciens de l’île, à savoir Linley Marthe et René Louise, entre autres. Aujourd’hui, à 50 ans, il continue de jouer, «quasiment tous les soirs dans les bars/restaurants et hôtels du quartier».
C’est dans les années 1970 que cet ancien habitant de Montagne Longue a quitté son village natal avec sa famille pour s’installer à Péreybère. Son père qui y ouvre une boutique d’alimentation est aussi un fabricant de flûtes à ses heures perdues. Ses soeurs sont artistes-peintres (l’une d’elles, Kalindi Jundoosing est connue pour ses aquarelles). À cette époque, Sanjay Jhowry, qui aimait s’adonner au bricolage, se tourne vers l’art et apprend en autodidacte la sculpture sur bois, ciment ou plâtre pour orner son jardin.
Mais il y a une dizaine d’années, il découvre une autre forme d’art, celle de la sculpture sur sable. Une façon pour cet artiste très proche de la nature de rester en communion avec celle-ci. Et l’idée d’un art éphémère 100% naturel l’a séduit. Sur la plage, il improvise des créations, sachant que le lendemain ou dans quelques jours tout sera effacé et la plage sera redevenue vierge. Mais le passionné jouit du seul plaisir de la création et s’émeut de la beauté de l’instant présent. «Ma famille, au départ, ne comprenait pas ce que je faisais. Ce n’était pas évident dans la mesure où la sculpture sur sable est un art éphémère qui ne rapporte rien, si ce n’est de susciter l’émerveillement et de surprendre des admirateurs. Mais lorsque, quelques années plus tard, je suis sollicité par des hôtels pour des projets de sculptures, ma famille a alors compris que je pouvais aller plus loin».
Son souhait est de participer un jour à un concours international. «J’ai déjà vu l’ancien ministre des Arts et de la Culture à ce sujet. Il me semble qu’il n’était pas intéressé par cette discipline. Mais si l’occasion se présente, je suis partant», car des festivals et des championnats de sand sculpture sont organisés partout dans le monde. Dans cette compétition, le château de sable est l’un des éléments les plus représentés et peut atteindre des proportions ahurissantes, jusqu’à 15 m de haut.
Les créations de Sanjay Jhowry peuvent être admirées chaque mercredi sur la plage publique de Péreybère. Pour ceux qui souhaitent être initiés à la sculpture sur sable ou qui v

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