SELON UNE ÉTUDE DE PWC: Maurice plus asiatique qu’africaine

L’Afrique tient le haut de l’affiche. D’ailleurs ne la qualifie-t-on pas de « nouvel eldorado » ou de « dernier îlot de croissance » ? Et quid de Maurice ? Selon un rapport de Pricewaterhouse Coopers intitulé « The Africa Business Agenda – The CEO mindset in Africa and lessons for corporate Mauritius », notre île privilégie encore l’Est asiatique. Décryptage de cette littérature qui procure autant d’éléments et d’intuitions sur les appréhensions mauriciennes ; un regard intéressant sur la perception de nos acquis ou sur certaines incongruences…
Au total, 201 directeurs de sociétés ont répondu à l’étude annuelle de Pricewaterhouse Coopers (PwC) portant sur l’agenda africain. Les pays participant sont l’Angola, le Ghana, le Kenya, le Nigeria, le Rwanda, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Ouganda, la Zambie et Maurice. Le rapport « The CEO mindset in Africa and lessons for Corporate Mauritius » rendu public hier permet ainsi d’aiguiser certaines intuitions pour ce qui est de la confiance que Maurice place en la région africaine.
Ils ne sont que 24 % des directeurs africains à penser devoir s’orienter vers de nouveaux marchés géographiques. En Afrique, serait-on mieux chez soi ? L’étude démontre ainsi que les CEOs africains sont « très confiants » de la croissance de leurs marchés locaux — 93 % en Zambie, 90 % au Nigeria, 82 % au Ghana, 75  % au Rwanda. « Bien sûr, mitige André Bonieux, Country Senior Partner pour PwC Mauritius en commentant ces chiffres, certains pays africains sont d’une culture très optimiste. » Ce qui, semble-t-il, n’est pas le cas de Maurice. Ils ne sont que 50 % des CEOs mauriciens à être « très confiants » d’une hausse des revenus de leur société dans le pays. Pis, à la question « How confident are you about your company’s prospects for revenue growth over the next three years ? », ils ne sont plus que 40 % de Mauriciens à afficher un optimisme certain. Une prudence — ou pessimisme ? — partagée uniquement par le Sud-Afrique (44 %) et la Tanzanie (40 %) parmi les sondés. L’île Maurice serait beaucoup plus inquiétée par la dette européenne — 70 % contre 55 % pour l’Afrique. Cette tendance est par ailleurs confirmée par le fait que 70 % des CEOs mauriciens considèrent que la meilleure stratégie de croissance pour les prochains douze mois consiste en l’exploitation de nouvelles régions géographiques (contre 24 % seulement pour l’Afrique). Ce qui corrobore que les CEOs locaux se focalisent sur l’Asie — à hauteur de 100 % pour l’Est asiatique, le Sud-Est asiatique, l’Asie australe, le Moyen-Orient. Relativement parlant, les expectatives boudent l’Afrique (75 %). Maurice serait de ce fait plus asiatique qu’africaine.
Point positif : les Talent Constraints (NdlR : contraintes liées au recrutement, à la gestion des ressources humaines) ne semblent pas peser autant à Maurice qu’en Afrique. L’innovation ne pâtit pas (0 % contre 38 % des Africains à estimer que le manque de talent est une entrave à l’innovation). Les quality standards non-plus : 0 % contre 32 %.
Par ailleurs, les Talent Expenses sont de moindre envergure à Maurice. Seuls 30 % de nos CEOs pensent que cela peut être un problème, contrairement à l’Afrique où ils sont 55 % à partager cet avis. Commentaire de André Bonieux : « Les taxes, les compensations en tout genre en Afrique peuvent constituer une barrière à l’importation de talents » — élément qui pourrait entre autres expliquer le relatif manque d’intérêt de Maurice pour le continent.
Convergences
Le risk agenda est l’exemple de la congruence dans cette étude. Maurice et l’Afrique considèrent à quasi unanimité que certains risques constituent une menace : la volatilité de la croissance économique (80 % pour Maurice, 79 % pour l’Afrique) ainsi que la volatilité du taux de change (80 % pour Maurice, 78 % pour l’Afrique). Par ailleurs, s’il est vrai que le rapport atteste que les « talent constraints may not have much of an impact on operations for CEOs in Mauritius », il n’en demeure pas moins que l’offre en certaines aptitudes clefs (availibity of key skills) est source d’appréhension. Ils sont 80 % à Maurice à partager cet avis contre 73 % en Afrique.
Autre point commun entre Maurice et l’Afrique : une certaine difficulté dans le recrutement de jeunes. 40 % de CEOs mauriciens posent cela comme un défi (contre 25 % en l’Afrique). Et de noter : 30 % des CEOs mauriciens estiment qu’il est difficile de recruter et de retenir des chefs de service à l’étranger.
Curiosités statistiques
André Bonieux n’hésite pas à relever certaines incongruences :
• 60 % des patrons mauriciens estiment que la corruption est une menace dans le pays. Ce qui n’est pas sensiblement éloigné du chiffre pour l’Afrique : 69 %. Pour André Bonieux, il s’agirait soit d’une exagération du problème (d’une « disproportion ») ou alors : « Les problèmes sont plus graves qu’on ne le pense et nos CEOs sont au contact d’une autre réalité (NdlR : où le problème serait plus accentué que ce qui est perçu) »
• Ils sont 50 % des CEOs mauriciens à redouter l’inflation alors que « Maurice, relativement parlant, se comporte bien de ce point de vue ».
• Ils sont 40 % à redouter une augmentation de la taxe alors « que la tendance locale a plutôt évolué dans le sens contraire ».
• Le rapport mentionne : « CEOs in Mauritius are feeling disproportionately more exposed to global economic problems. 50 % des Mauriciens pensent que l’économie globale se détériorera dans l’année (contre 45 % pour ce qui est de l’opinion mondiale et 43 % pour l’Afrique). 40 % des Mauriciens pensent que la situation restera la même (contre 38 % pour l’Afrique et 36 % pour l’opinion mondiale). Seuls 10 % des Mauriciens évoquent une amélioration contre 19 % pour l’Afrique et l’opinion publique.
• 40 % des Mauriciens pensent que la protection des ressources naturelles devrait figurer parmi les priorités gouvernementales (contre 19 % pour l’Afrique et 20 % pour l’opinion mondiale) – « peut-être en réaction au projet CT Power ».
• 80 % des CEOs mauriciens auraient souhaité pouvoir développer des opérations en dehors de Maurice. « Cela implique-t-il certains projets de délocalisation ? » questionne André Bonieux.
Conclusions
Dans l’ensemble, « l’Afrique bouge et les Africains sont très confiants de leur avenir », estime André Bonieux. À la question « N’aurait-on pas tendance à considérer l’Afrique comme un grand pays plutôt qu’un continent, avec diverses cultures commerciales et des particularités propres ? », André Bonieux répond : « Il y a une certaine méconnaissance du potentiel et des modes opératoires africains ».
Par ailleurs, les Mauriciens sont-ils pessimistes ? Selon André Bonieux, il serait juste de parler d’un « optimisme moindre » plutôt que d’un pessimisme.

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