(IN) Sécurité routière : Situer les responsabilités pour mieux avancer

AKASH GURA GOREDO

157 morts en 2017, 106 déjà (à hier) pour 2018. À ce rythme-là, il y aura peut-être 180 familles endeuillées, qui ne seront certainement pas dans le ‘mood’ pour célébrer le nouvel an, la faute à la route. Malgré toutes les propositions qui ont été faites et l’infime partie mise en œuvre jusqu’à présent, nous ne pouvons que constater que le mal empire. Et si nous voulons nous attaquer à ce mal à la racine, il faudra bien situer les responsabilités.
Rendons-nous à l’évidence: la route elle-même ne tue pas.

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Ce sont les véhicules qui tuent. Par la faute de plusieurs facteurs, qui peuvent faire l’objet d’un contrôle, si nous osons regarder les choses en face, en combinaison ou seule: la vitesse, l’alcool et le design des infrastructures ont été les plus analysés par nos experts et concitoyens concernés depuis longtemps. Mais avons-nous vraiment tout cerné ? Peut-on remédier à ce problème qu’en installant des caméras partout, qu’en poussant à un alcootest au démarrage de chaque véhicule, et en mettant tout le réseau routier à jour? Monsieur le ministre Bodha voudrait trouver un moyen de détecter et punir ceux qui, au gré de la nature humaine, accélèrent de nouveau après être passés devant une caméra; mais qui n’a pas vécu une classe sans prof qui se laisse aller au chahut, et qui se calme dès l’arrivée d’un adulte?

Couche de bitume froid…

Il faut se rendre à l’évidence que les autorités d’autres pays soit cachent les caméras et se font taper dessus par la justice, soit installent une série de caméras à intervalles réguliers qui scannent toutes les plaques minéralogiques pour détecter toutes les formes de conduite dangereuse (dépassement sans clignotants, accélérations/freinages brusques, et vous pouvez compléter avec la riche gamme que nous constatons sur nos routes quotidiennement), une forme de Big Brother quoi… D’autres pays, contrairement à ce que nous avons fait jusqu’ici en élargissant nos ‘autoroutes’ (que des ‘dual carriageway’ en fait) à outrance et en augmentant la vitesse maximale autorisée, se sont mis à prévoir les moyens pour éduquer tous ses usagers de la route (motorisés ou non), pour aligner strictement toutes les infrastructures sur réglementations (avoir des panneaux de la même couleur et dimension, des ronds-points identiques, ou des “humps” comme préconisé dans nos lois – ça sauve des vies) et de s’assurer que tout le monde respecte ces règlements (sans “get figir”) en impliquant toutes les parties prenantes. Les récalcitrants sont punis, comme en Suisse, en fonction de leur patrimoine immobilier, de leur fortune personnelle et de la puissance de leur moteur.

D’autres territoires, comme la Hollande, vont dans l’autre sens en effaçant certains marquages routiers en zone urbaine, étant confortés que le bon sens des conducteurs et piétons prévaudra. Mais nous, nous avons un autre problème à régler avant tout ça: notre superficie n’est pas aussi étendue que celle des pays continentaux, et nos routes n’ont reçu comme ‘upgrading’ qu’une couche de bitume froid à chaque période pré-électorale.
Notre pays s’est développé avec une intensification incontrôlée du bétonnage de notre paysage, sans que les réserves en bordure des routes et rivières soient préservées et/ou développées avec la sécurité des usagers comme principe – sans aucun principe d’urbanisation, en fait. Bien au contraire, les autorités municipales et routières ont abdiqué devant leurs responsabilités de contrôler et de faire enlever toutes les structures (mur et/ou haies d’entourage, portails coulissants, chenils de chien, et parfois même les poteaux et murs des bâtiments eux-mêmes…) empiétant et/ou obstruant la vue. Ce n’est pas une surprise si, pour déboucher sur une rue principale, tout conducteur (deux ou quatre roues) doit tenter un coup de poker en avançant à l’aveuglette.

Ceci nous donne déjà un aperçu de ce qui nous attend dans un futur proche: le peu d’espace que l’on a laissé aux familles, qui ne possèdent qu’un seul lopin déjà subdivisé depuis quelques générations, engendrera dans les dix ou quinze ans à venir une crise sociale quand leurs enfants se verront dans l’incapacité de suivre le même schéma de leurs parents et grands-parents qui, eux, n’avaient qu’une solution, celle d’obéir aux règlements coloniaux de leur temps. Devons-nous continuer à suivre le même système qui est déjà dépassé ?

‘Tunnel Vision’

Que pouvons-nous ‘copy-paste’ et adapter d’autres pays ayant la même configuration géographique que le nôtre ? Mais attention encore à la ‘Tunnel Vision’, car le problème de mortalité routière n’est pas isolé. Notre système fondé sur la voiture (‘Suburbia’ copié de l’American Way of Life) va-il durer, étant donné les efforts de plusieurs constructeurs qui convergent vers les voitures autonomes dont la technologie repose presque exclusivement sur des infrastructures les plus récentes, et non pas la pléthore de normes techniques qui pullulent sous nos cieux – les morts que l’on a déplorés après les flash floods sont aussi la conséquence du même déficit de réflexion sur les implications de l’urbanisation sauvage. Et si on dépassait tout ça en privilégiant dès maintenant le transport de masse, combinée avec tout ce qui est relié : l’aménagement de notre territoire pour dégager l’espace nécessaire pour le logement, pour la vie en société, la production vivrière et industrielle, le financement de ce ‘quantum leap’ et sa maintenance dans la durée, et bien entendu, le pognon de dingue… non, pardon, la fiscalité adaptée et progressive pour financer le tout sans recourir à un endettement toujours plus contraignant pour nos finances publiques.

Cette réflexion doit se faire au plus vite, car, bien au-delà des accidents qui appauvrissent les familles, les enjeux de l’aménagement de notre territoire impacteront largement d’autres facettes de notre société et notre bien-être à tous.

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