SOS VILLAGE DE BEAU-BASSIN : Mamans SOS, “mamans” dévouées

Leur métier:être mère SOS, soit prendre en charge et accompagner au quotidien des orphelins ou enfants délaissés. Tout en préparant leurs protégés à voler de leurs propres ailes, les mamans des SOS villages se dévouent pour élever des enfants qui ne sont pas les leurs. La fête des Mères qui sera célébrée le 25 mai est l’occasion de rappeler cette humanité qui anime ces femmes et leur rôle au service des enfants. Nous avons rencontré quatre d’entre elles.
Un mardi à 16 h à SOS Village de Beau-Bassin. Les enfants viennent tout juste de rentrer de l’école. Pendant que certains rejoignent leurs camarades sous un kiosque et que d’autres s’amusent dans la cour, dans une des quatorze maisons que constitue le village SOS, cinq enfants prennent le goûter, les yeux rivés sur l’écran de télévision. Pendant ce temps, Marlène L’Effronté, 58 ans, celle qu’ils nomment “maman”, s’esquive dans la cuisine pour préparer le repas du soir. Au Village, chaque maison accueille cinq à six enfants confiés à deux femmes, une qu’on appelle “mère” et à une autre que l’on nomme “tante”.
Les deux mères de substitution s’occupent de la maison, des courses, des repas, des devoirs. Ici, les jours de semaine s’écoulent comme dans une famille ordinaire: école, goûter, devoirs, dîner avant de se coucher. Pourtant, ces enfants ne sont pas comme les autres. Séparés de leurs parents pour des raisons de pauvreté ou pour cause de violences physiques ou psychologiques, ils sont vulnérables lorsqu’ils arrivent au village. Ils sont confiés à une “mère” qui les élève, qui tente de combler le vide et leur offre un cadre affectif jusqu’à leur majorité. Qui sont ces femmes et pourquoi ont-elles choisi d’exercer cette mission et de s’occuper des enfants qui ne sont pas les leurs?
«Je suis mère SOS depuis 20 ans. J’ai pris la décision d’exercer ce métier, d’élever ces enfants et leur donner tout l’amour et l’affection dont ils ont besoin jusqu’à leur autonomie et insertion sociale, par amour pour les enfants. Et puis, j’ai toujours eu cette vocation pour le social. J’ai travaillé pour Caritas pendant une dizaine d’années lorsque j’étais au Niger en Afrique.», nous dit Marlène L’Effronté. Célibataire, elle est l’une des plus anciennes mamans SOS. «À ce jour, j’ai élevé deux générations d’enfants. La première génération a déjà quitté le cocon familial, et certains se sont mariés». Et même si elle n’est pas la mère biologique de ces enfants, il y a un lien qui se crée. «J’ai alors le coeur gros lorsqu’ils partent», dit-elle.
Au SOS Village de Beau-Bassin, une trentaine de femmes ont choisi comme Marlène d’être mères SOS. Se dévouant chaque jour pour les enfants, elles représentent un modèle. C’est elles qui organisent la vie familiale, inculquent les valeurs, font respecter les règles tout en apportant l’affection, la sécurité et le cadre éducatif dont les enfants ont besoin pour devenir des adultes autonomes.
Dans une autre maison, nous attend la plus jeune des mamans, Geneviève Raboude. Souriante, elle nous invite à entrer chez elle. Une maison qu’elle partage avec quatre garçons et deux filles âgés de 8 à 17 ans. Arrivée en janvier dernier, ce petit bout de femme, âgée de 30 ans, nous partage son histoire. «J’ai été touchée par un reportage sur le village SOS et c’est ce qui m’a poussée à vouloir vouer une partie de ma vie aux enfants défavorisés». Cinq mois se sont écoulés et pour s’adapter et être certain que l’on est fait pour ce métier, cela demande du temps. «Être mère SOS est une immense responsabilité. De plus, les enfants peuvent être adorables comme désobéissants. Il y a les colères, les oppositions. Il faut essayer d’instaurer un climat harmonieux. Pour exercer ce métier, il faut parfois s’armer de beaucoup de patience. Ce sont des enfants qui ont besoin beaucoup d’amour et de sécurité», dit-elle.
C’est par “vocation humanitaire”que certaines de ces mères de substitution disent qu’elles exercent ce métier depuis 20 ans. D’autres, comme Saramah Pariapen, confient que c’est par amour pour les enfants. Pour Marlène L’Effronté, le tout est de ne pas décevoir les enfants ni leur faire vivre un autre abandon. Pour elle, les difficultés sont presque les mêmes dans toutes les maisons, surtout à l’adolescence lorsqu’ils sont à le recherche de leur identité. «Il y a parfois de la révolte, des discordes, des affrontements. Il nous arrive parfois d’entendre : “to pa mo mama”. Mais le rôle de la maman est aussi de procurer un climat favorable à un développement harmonieux», dit-elle.
Chez Marlène, Geneviève ou chez d’autres “mères”, les jours de semaine se déroulent comme chez n’importe quelle famille. «Je me lève à 5h30 pour préparer le petit déjeuner. Puis, je passe dans les chambres pour réveiller les enfants. Ils partent à l’école vers 6h30. Puis, on fait le ménage. Entre 9h à 14h, on est libre. On peut regarder un film, aller faire les courses, se rendre à l’école s’il y a des rapports, en profiter pour se reposer, etc. L’après-midi lorsqu’ils rentrent, on leur sert le goûter et les aide à faire leurs devoirs», dit Marlène. Durant le week-end, les enfants s’adonnent à diverses activités: scout, chorale, etc. Les sorties sont aussi occasionnellement organisées  par les mamans. Chaque maison comporte cinq chambres, deux pour la “maman” et la “tante” et trois chambres occupées par les cinq enfants. Ces femmes qui y travaillent à temps plein ont aussi droit à des congés. Quand une maman prend une semaine de récupération, l’autre prend le relai. La fête des Mères sera célébrée comme chaque année: les jeunes filles prépareront le repas pour leur “maman”. Car, ce jour-là, les “mamans” ont droit au repos.
Au village, les mamans tentent aussi de responsabiliser les plus grands. Ainsi lorsqu’ils terminent leurs devoirs, les jeunes ont aussi des tâches à réaliser. Comme les enfants de Marlène qui ont abandonné la télé pour arroser les plantes. Au même moment, dans une autre maison, un gamin de 3 ans, les sourcils froncés, le regard concentré, apprend l’alphabet. Sur le canapé sont installés ses frères et soeur de sang qui nous accueillent tous avec un “bonjour” en choeur. Ici, ils grandissent ensemble loin de leurs parents. Avec une mère absente et un père qui vient parfois aux visites, les enfants semblent perdus. Dans leur malheur, le destin ne les a heureusement pas séparés. Seuls les liens fraternels et l’amour des “mamans” offrent une compensation. Saramah Pariapen, une Mahébourgeoise de 52 ans, mère de deux fils âgés de 32 et 28 ans respectivement, nous explique que les cinq enfants sont arrivés en novembre 2012 : «Les parents se sont séparés et chacun a refait sa vie et a eu d’autres enfants. Ils ne pouvaient plus s’en occuper», dit-elle. Pendant qu’elle parle, Rassoulbee Goburdhun, qui fait office de “tante” dans la maisonnée, jette un oeil affectif sur les enfants. Cette célibataire de 57 ans, espère, comme sa collègue, que les cinq enfants regagnent la maison de leur père ou de leur mère. Mais, si ce n’est pas le cas, elles continueront à se dévouer pour les élever dans un cadre de vie stable et sécurisant dans lequel ils ont la possibilité de se réconcilier avec leur passé et de se reconstruire…

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