SOUVERAINETÉ TERRITORIALE : Jour J – 19 : Chagos : Parting Shot de Londres

Le Foreign and Commonwealth Affairs : « Neither the International Court of Justice Advisory Opinion nor the UN General Assembly resolution is legally binding »

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Le président de la CIJ : « Lorsque les différends semblent les plus insolubles, une décision de la Cour peut marquer le point de départ d’une nouvelle ère dans les relations entre deux États »

A Jour J – 19 de l’échéance de l’obligation imposée formellement à la Grande-Bretagne de retourner sans condition l’archipel des Chagos sous la souveraineté de la République de Maurice, la partie est loin d’être gagnée. Que ce soit sur le plan politique, voire diplomatique, ou même pratique. Après avoir systématiquement remis en cause le fondement de l’Advisory Opinion de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 25 février dernier en faveur de Maurice, Londres s’attaque maintenant de front à la résolution adoptée par la séance plénière de l’Assemblée générale des Nations unies le 22 mai dernier.

Ainsi, dans un Parting Shot lors du Question Time mercredi dernier, soit à quelques jours de la dissolution de la Chambre des communes, le gouvernement de Boris Johnson conteste catégoriquement la légitimité de ce vote massif aux Nations unies en faveur de Maurice. Toutefois, presque au même moment, ce même 30 octobre, le président de la Cour internationale de Justice, le juge Abdulqawi Ahmed Yusuf, présentant le rapport annuel de cette instance judiciaire suprême, commentait à la tribune de l’ONU la pertinence et l’importance des Advisory Opinions en faisant allusion spécifique au cas des Chagos.

Dans la conjoncture et en prévision de toute initiative émanant du secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres, le gouvernement britannique, qui doit affronter de nouvelles élections le 12 décembre, fait monter la tension au niveau des retombées de l’avis consultatif sur l’archipel des Chagos. Le Secretary of State aux Foreign and Commonwealth Affairs, Christopher Pincher, a confirmé que Londres ne compte nullement céder à l’injonction de la communauté internationale d’ici le vendredi 22 novembre.

Répondant à une Parliamentary Question à la Chambre des communes le 30 octobre, le Secretary of State du FCO soulignait avec force que « the UN General Assembly (GA) resolution relates to an Advisory Opinion issued by the International Court of Justice (ICJ) concerning the British Indian Ocean Territory (BIOT). Neither the ICJ Advisory Opinion nor the UN GA resolution is legally binding ». En dépit des développements intervenus devant les instances internationales, il poursuivra en réitérant la ligne adoptée par la Grande-Bretagne à l’effet que « Mauritius has never held sovereignty over BIOT and we do not recognise its claim. We have, however, made a long-standing commitment to cede sovereignty of the territory to Mauritius when it is no longer required for defence purposes ».

Outre la contestation du fondement de la résolution votée par l’assemblée générale des Nations unies le 22 mai par une majorité écrasante de 116 votes en faveur de Maurice, de six contre et de 56 abstentions, le gouvernement de Boris Johnson a recours à une perversion de faits, soit « a deliberate misrepresentation of facts », pour tenter de se tirer d’affaire. Le Hansard de la Chambre des Communes ajoute que le Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs s’est appesanti sur le fait que « the British Government remains concerned that the referral to the International Court of Justice contravened the principle that the Court should not consider bilateral disputes without the consent of both States concerned. It is notable in this context that in the United Nations General Assembly, nearly 80 member states did not vote in favour of the resolution ».

A une interpellation supplémentaire au sujet de ce vote du 22 mai à l’ONU, le secrétaire d’État Christopher Pincher se met à interpréter et à qualifier le choix des Etats membres. « The British Government regularly engages with all members of the United Nations. Many of those member states that did not vote in favour of the UN resolution shared our concern that Mauritius had circumvented the principle that the International Court of Justice (ICJ) should consider bilateral disputes only with the consent of the relevant states. Furthermore, of the states that voted in favour of the resolution, some explained publicly that they had done so out of respect for the ICJ and not necessarily because they agreed with the substance of the resolution », rapporte le Hansard britannique au sujet de l’intervention de ce ministre britannique avant la dissolution.

Néanmoins, cette tentative orchestrée par les Britanniques pour déstabiliser, pour ne pas dire dérailler, le processus de parachèvement de la décolonisation de Maurice, se heurte à une prise de position quasiment inattendue. Le président de la Cour internationale de Justice de La Haye avait déjà prévu de déposer ce même 30 octobre sur la table des Nations unies le rapport annuel de cette instance avec une intervention faisant le point sur le bilan d’activités avec l’Advisory Opinion sur les Chagos en point de mire.

« Un fait

internationalement

illicite »

« Même lorsque les différends semblent les plus insolubles, une décision de la Cour peut marquer le point de départ d’une nouvelle ère dans les relations entre deux Etats et la fin de désaccords anciens. Tout aussi encourageante est la pertinence que continue de revêtir la procédure consultative, qui permet à la Cour d’énoncer des conclusions faisant autorité sur des questions juridiques complexes soulevées dans le cadre des travaux des principaux organes et institutions de l’ONU », soulignera le juge-président, Abdulqawi Ahmed Yusuf, en guise de conclusion à son intervention devant l’assemblée générale des Nations unies.

Au tout début, passant en revue le rapport annuel, le président de la Cour de La Haye a fait état des audiences dans cinq affaires contentieuses et une procédure consultative concernant le statut de l’archipel des Chagos. Ne se contentant nullement de Passing Remarks, le juge Abdulqawi Ahmed Yusuf a consacré dix paragraphes à l’Advisory Opinion sur les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965.

Situant l’enjeu du « respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, consacré dans la Charte comme étant l’un des buts des Nations unies », la Cour de La Haye maintient que « la résolution 1514 (XV), intitulée Déclaration relative à l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux et adoptée en 1960, revêtait, compte tenu de sa teneur et des conditions de son adoption, un caractère déclaratoire s’agissant du droit à l’autodétermination en tant que norme coutumière de droits internationaux ».

Ainsi, le président de la Cour de La Haye réitère que « du fait du détachement illicite de l’archipel des Chagos et de son incorporation dans une nouvelle colonie, le processus de décolonisation de Maurice n’avait pas été validement mené à bien au moment de l’accession de ce pays à l’indépendance en 1968 ».

« La Cour internationale de Justice a estimé que, au vu de ses conclusions précédentes sur le non-parachèvement de la décolonisation, le maintien de l’administration de l’archipel des Chagos constituait un fait internationalement illicite. La Cour en a conclu que le Royaume-Uni était tenu, dans le plus bref délai, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos », a-t-il répété à la tribune des Nations unies en lançant un appel à tous les États membres de « coopérer avec l’Organisation des Nations unies pour la mise en oeuvre des modalités nécessaires au parachèvement du processus de décolonisation (de la République de Maurice) ».

A ce stade, très peu d’indications ont transpiré publiquement à la forme que prendront les actions envisagées par Maurice de concert avec les Nations unies une fois la date butoir du 22 novembre franchie et surtout par rapport au projet annoncé par Maurice pour un prochain voyage dans l’archipel vers la fin de cette année.

Mais la coïncidence fait qu’à cette date du 22 novembre Maurice aura déjà bouclé les procédures pour des élections générales du 7 novembre, mais que la Grande-Bretagne sera en pleine campagne pour les élections du 12 décembre avec Brexit en toile de fond…

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