SPORTIVE DE L’ANNÉE 2013 : Shalinee Valaydon, la médaille de l’abnégation

Un léger retard, un sourire franc, des excuses : la sportive de l’année Le Mauricien, Shalinee Valaydon, s’approche, verres fumés sur le nez, écouteurs collées aux oreilles. La jeune femme est tendance. Au-delà de la sportive, il y a la femme, celle qui a connu des hauts et des bas, qui vit une aventure à 100% ou alors pas du tout. Rencontre avec Shalinee Valaydon, qui nous parlera sans ambages de ses débuts, de ses rêves, du dopage, des JO.
Ses débuts
Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle fait ses premiers pas dans le sport en faisant connaissance avec… la marche ! « Mon papa me trouvait ronde. Il m’a emmenée au Gymkhana à Vacoas. Là, j’ai fait connaissance avec Sylvie Ah Kang et avec le sport. » C’est parti : l’aventure la mènera de la marche aux lancers. « Je n’étais pas vraiment pour, mais celui qui m’a découverte avait du nez. » L’ascension commence vite, elle se retrouve à 12 ans à s’entraîner sous les ordres de Joël Sévère, au Centre national de formation d’athlétisme à Réduit. Puis, lentement mais sûrement, elle se construit.
L’haltérophilie
En 2005, l’idée la prend de s’essayer à autre chose. Là encore, c’est la chance qui la poussera vers la fonte. Alors qu’elle est au secondaire, elle ne s’entraîne pas comme elle l’aurait souhaité. Sa route croise celle de Shirish Rummun, fils de feu Fatima Rummun. « Au départ, c’était hors de question, je ne suis pas très musculation. Mais lors des entraînements, je me retrouvais à faire facilement des barres de 55-60 kg à l’arraché et 75-80 kg à l’épaulé-jeté. Quand je pense qu’il y avait des filles qui s’entraînaient depuis longtemps et que j’étais la dernière arrivée… Du coup, ça ne leur a pas trop plu… », se souvient-elle. La progression est rapide, et elle est appelée en sélection pour la première fois.
Les championnats d’Afrique juniors
En 2006, soit un an après son entrée dans le monde de l’haltérophilie, elle enlève une médaille d’argent à l’arraché aux championnats d’Afrique juniors. C’est le déclic définitif. « J’ai vu ce qu’il fallait faire pour arriver au plus haut niveau. » Tout se passe donc pour le mieux puisqu’elle connaît une progression fulgurante. Elle est donc rappelée en sélection. « C’est là que je réalise que je préfère l’haltérophilie. Vu que je suis une battante, et déterminée de surcroît, je me suis dit que ça valait le coup de persévérer. »
Les Jeux du Commonwealth
En 2006, elle se rend aux Jeux du Commonwealth, en Australie. Une autre expérience marquante pour celle qui s’est définitivement décidée quant à sa voie. « Là-bas, c’est une deuxième expérience du haut niveau. Je me suis dit que je devais donc bosser dur pour y arriver. » Le travail – sur elle-même d’abord, sur les barres ensuite – commence donc avec en tête un objectif précis : les JIOI 2007 à Madagascar.
2007 : l’année de la continuation
Alors qu’elle est retenue pour les Jeux malgaches, elle se montre à la hauteur des attentes. Les siennes en premier lieu. « Je visais un podium pour les JIOI. Je l’ai fait », sourit-elle. Le succès est au rendez-vous puisqu’elle ramènera dans ses valises une médaille d’or et deux d’argent. « J’y ai fait ma meilleure performance, avec en prime une médaille d’or. » Puis, elle se fixe de faire mieux aux Seychelles en 2011.
Les Jeux seychellois
Aux Seychelles, elle est attendue au tournant, elle le sait. Mais cela ne l’empêche pas de monter cette fois sur la plus haute marche du podium, avec trois médailles d’or. « Je me dis que c’est une médaille méritée. Il y avait des problèmes à la fédération, on a changé d’entraîneur, c’était vraiment la galère. Mais ça m’a permis de me motiver pour la suite. » Une motivation qui lui permettra de réaliser un record des Jeux à l’arraché, ce dont elle est fière. « C’est une grande performance pour moi, ce n’est pas rien. »
Les objectifs
Après ses médailles indianocéaniques, elle se projette vers l’Afrique. En 2012, le Kenya organise les championnats d’Afrique seniors. Un nouveau cap qu’elle souhaite passer pour se satisfaire. « Aux Seychelles, j’avais passé un premier cap. Je visais donc un podium africain. J’ai donc dû travailler plus dur, plus sérieusement. »
Et les résultats suivent. Elle décroche trois médailles de bronze. « J’étais contente. Mais j’en voulais encore plus. Je suis une battante de nature, le bronze me satisfait, mais sans trop. »
La route vers le Maroc
Puis arrive novembre 2013 et les championnats d’Afrique. C’est aussi l’année où elle décide de se consacrer uniquement au sport. Une bourse du Trust Fund for Excellence in Sports lui permet de toucher ce premier objectif. Elle va en France, à l’INSEP, et au mois de mars, elle est sur un podium français. « C’était l’année qui commençait bien. J’étais première aux championnats d’île de France dès janvier, puis première aux championnats de France avec le Sporting Club de Neuilly. » L’année avait donc bien commencé. Et rien ne pouvait l’arrêter. Après ses médailles de bronze en 2012, il était donc logique qu’elle vise plus haut.
Le Maroc
C’est la consécration pour elle. Elle est championne d’Afrique à l’épaulé. « Ce n’est pas rien. Je suis championne d’Afrique. Mais il y a aussi mes médailles d’argent. Là encore, je suis très contente. » Après les doutes, les tergiversations, les tirs de tous les côtés, elle est enfin délivrée. « Gino Sooprayen, mon entraîneur, a tout vu. Il a vu les efforts, les sacrifices. »
Les doutes et les déceptions
Comme tout sportif qui se respecte, elle est aussi passée par des moments de doute pendant sa carrière, « surtout quand je vois les compétitions auxquelles j’aurais pu participer. » « Malgré ça, je n’ai pas baissé les bras. C’est ma fierté. » Mais c’est aussi le moment de montrer aux gens qui lui ont fait confiance qu’ils ont eu raison. « L’Afrique, c’est un continent, c’est 52 pays. Pour ces gens qui me soutiennent, ma famille, mes amis, mes collègues d’entraînement, je devais continuer. Et c’est aussi une façon de dire aux gens qui doutent de moi que je peux y arriver. »
Les mauvais souvenirs
Elle en a très peu, ou du moins, pas assez pour qu’elle les évoque ici. « J’ai rencontré des gens qui m’ont mis des bâtons dans les roues. » Mais il y a aussi les blessures et les douleurs. « Je me dis que c’est un sport de maso. Mais c’est un mal nécessaire pour arriver à me situer par la suite. » D’autant que les Jeux du Commonwealth, en Écosse en 2014, constituent un de ses objectifs majeurs à long terme.
Le dopage
C’est une des réalités du sport de haut niveau : l’haltérophilie a toujours vu planer le spectre du dopage. On ne compte plus le nombre de cas d’haltérophiles contrôlés positifs qui se sont vu dans l’obligation de rendre leurs médailles. « Mais les mesures qui sont prises pour contrer le dopage font que le niveau redevient un peu plus humain. » Une réalité cependant, « il y a des pays qui pratiquent systématiquement le dopage. Mais, on dénombre de moins en moins de cas. »
Vie privée, vie publique
Dans sa vie privée, elle est une jeune femme comme les autres. Passionnée de mode, de séries télé « en streaming », précise-t-elle, les réseaux sociaux, sa famille et une sortie à la plage de temps en temps, elle est aussi une fana de curry de poisson et de faratas. « Quand ma maman cuisine, c’est le summum du plaisir culinaire », rigole-t-elle encore. Et son train de vie ? Réveil à 8h30, deux heures d’entraînement, déjeuner, deux heures de sieste, deux heures d’entraînement l’après-midi, dîner et coucher à 22h30. « C’est comme ça depuis que j’ai arrêté le boulot. »

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