Statistics Mauritius dans l’oeil du cyclone

  • La révision en fin de semaine du taux de croissance pour 2018 s’alignant presque sur celle du MCB Group provoque un tollé au sein de Lakwizinn du PMO
  • Le FMI, appelé à la rescousse sous forme de Technical Assistance à la mi-janvier, pour « revoir de fond en comble » la méthodologie des prévisions économiques en général
  • Global Business Sector : des signes avant-coureurs avec Port-Louis se préparant à solliciter de Delhi une hypothétique extension de deux ans de la période de transition du DTAT revu et corrigé sous l’ère Bhadain

Des recoupements d’informations effectués par Week-End auprès des sources concordantes indiquent que la révision à la baisse du taux de croissance de 3,9% à 3,8% a constitué une douche froide à l’Hôtel du gouvernement. Les Top Chefs de Lakwizinn misaient sur un semblant de feelgood factor économique au départ de ce qui doit être impérativement une année électorale.

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En tout cas, ces dernières prévisions ont apporté du réconfort dans le camp du MCBGroup, vilipendé par Lakwizinn du PMO il y a à peine deux mois suite à la publication de la dernière édition de MCB Focus. « Pour 2018, le growth at basic prices de Statistics Mauritius est de 3,6%, soit exactement comme nous l’avions prévu au début de novembre, et de 3,8% at market prices, soit 0,1 plus haut que nous. Et pour 2019, le growth at basic prices est de 3,8%, soit 0,1 plus bas que MCB Focus et de 4%, soit exactement comme la dernière édition de Focus respectivement », fait-on comprendre fièrement dans l’entourage du Chief Strategy Offi cer de MCB, Gilbert Gnany, qui se trouve actuellement à l’étranger.

De son côté, le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, qui, lors de son intervention sur le budget, avait évoqué un taux de croissance de l’ordre de 3,6%, soutient que lors de la prochaine édition des National Accounts Estimates en mars prochain, l’on devrait s’attendre à un nouveau réajustement de la croissance par le bas. « Dans la conjoncture, il ne faut pas oublier le poids de la dette publique et la mauvaise performance systématique des exportations de Maurice. Je crois savoir que ce taux de 3,8% a été accouché au forceps. Cela reste quand même un signe de la mauvaise gestion des affaires économiques du pays », ajoute-t-il, alors qu’il a dû annuler, hier, un point de presse en raison du passage de Cilida dans les parages. Le signe d’énervement de l’Hôtel du gouvernement à l’encontre de Statistics Mauritius se traduit par des contacts d’urgence en fi n de semaine auprès du QG du FMI sous la technical assistance pour un overhauling des procédures et des méthodes de prévisions économiques. La mission en vue des Article IV Consultations devant se tenir au cours des deux dernières semaines de janvier prochain devra se pencher sur le cas de Statistics Mauritius, avec en appoint l’encadrement technique d’AFRITAC. « Certes, il y a toute la méthodologie en cours à Statistics Mauritius à revoir. Il y a aussi la contribution du global business sector dans la croissance à être évaluée de manière concrète. L’Irlande est un exemple à suivre à cet effet », fait-on comprendre du côté de l’Hôtel du gouvernement, visiblement upset par cette baisse du taux de croissance en cette fi n d’année.

Les prévisions de 3,8% de Statistics Mauritius s’articulent autour des principaux facteurs suivants : ● agriculture : une nouvelle baisse de 2,1%, après la contraction de 0,2% de l’année dernière, en raison principalement d’une réduction de 11,1% de la production sucrière à 320 000 tonnes seulement cette année ● manufacture : une croissance réduite de 0,8% contre 1,5% en 2017, avec le textile manufacturing en nette détérioration, soit une baisse de 6,2% contre 0,7% l’année dernière et sans oublier la contraction de 4% du secteur des export-oriented enterprises ● construction : une reprise robuste de 9,5% sur la base des 7,5% de 2017 ● tourisme : une croissance de 3,7% contre 4,6% l’année dernière et l’arrivée d’un peu moins de 1,4 M de visiteurs ● commerce : progression en hausse de 3,8% ● services financiers : 5,4%, soit une légère baisse par rapport à l’année dernière et ; ● TIC : 5,6% en 2018 contre 5,5% l’année dernière. L’évolution des autres paramètres économiques mérite également que l’on s’y attarde, le plus inquiétant demeurant la baisse pour la première fois sous la barre des 10% du gross domestic savings. Ce dernier facteur devrait être de 9,6% contre 10,1% en 2017. Les net exports of goods and services devront dégringoler dans le même ordre d’importance que l’année dernière, avec un déficit de 12,5% du PIB. Par ailleurs, même si la part du secteur privé sera réduite de moitié, 3,1% en 2018 contre 7,3% en 2017, les investissements devront progresser de 6,6% cette année comparativement aux 4,7% l’année dernière. Le facteur clé se présente sous la forme d’un bond de 17,8% des investissements publics, Metro Express et autres projets d’infrastructure en cours d’exécution.

Indépendamment des projections de Statistics Mauritius, le Statement from the Governor dans le dernier rapport de la Banque de Maurice met l’accent sur le fait que « the current account defi cit deteriorated in 2017 largely due to a worsening of the merchandise trade defi cit. » Yandranuth Googoolaye ajoute que, « while imports increased reflecting higher prices of commodities abroad, the performance of our exports of goods remains a cause of concern. » Les tendances enregistrées sur le plan des échanges commerciaux en 2018 ne sont guère différentes de celles de l’année dernière. Équation délicate Plus loin, dans la Review of the Economy, la Banque de Maurice revient sur la zone d’ombre de la performance des exportations.

« Exports of goods remained an area of concern, as the value of exports fell further. This adverse performance coupled with the rising value of imports subject to higher global commodity prices and imports destined for the implementation of major infrastructural projects worsened the goods accounts defi cit to 20% of GDP in 2017/18, from 18,4% in 2016/17 », concède la Banque de Maurice, qui rappelle que « there are still challenges, both external and domestic, that can potentially weigh on domestic growth performance and warrant monitoring. » L’un de ces facteurs n’est autre que les incertitudes autour du Brexit pour sceller le divorce entre Londres et Bruxelles, et la menace d’un No- Deal Brexit devant les malheurs politiques essuyés par Theresa May à la Chambre des Communes et au sein du Parti conservateur. Si pour les premières prévisions pour 2019, Statistics Mauritius revient avec le chiffre magique de 4% pour la croissance, les perspectives d’un secteur économique, en l’occurrence le global business sector, retiennent l’attention. L’annonce du ministre Sesungkur en vue d’une dérogation de deux années supplémentaires pour la grandfathering clause du DTAT avec l’Inde est venue se greffer sur une équation délicate affectant le secteur des services financiers. Que n’a-t-on pas dit de favorable à l’Hôtel du gouvernement à la conclusion des négociations avec l’Inde en mai 2016 avec en prime des facilités financières pour le projet ressuscité de Metro Express ? Avec les dépôts bancaires des détenteurs de GBC 1 Licences, représentant quelque Rs 385 milliards ($ 11 milliards), soit 80% du PIB, tout mouvement de fonds abrupt pourrait déboucher sur de graves répercussions dans le secteur bancaire à Maurice.

Ce risque avait été brandi dans le dernier rapport du FMI sur les Article IV Consultations, alors que dans dans un dernier Report to the Financial Stability Committee en date du 15 novembre, la Financial Services Commission a procédé à une évaluation de la situation, le mois de décembre se présentant comme étant déterminant. « A second part of the study has already started to now assess the exposure of each local bank to high risk/impact GBC 1s », note ce document de la FSC révélant que quelque 80% de ces dépôts opérés par des opérateurs sous les GBC I Licences sont dans cinq banques, dont la HSBC Bank (Mauritius) avec plus de Rs 140 milliards ($ 4,2 milliards), la Standard Chartered Bank (Mauritius) Limited avec plus de Rs 50 milliards ($ 1,5 milliard), la Barclays Bank (Rs 45 milliards), la Mauritius Commercial Bank avec plus de Rs 30 milliards ou encore la State Bank of Mauritius avec Rs 17 milliards. Cette dernière est devancée par la Standard Bank Mauritius et AfrAsia Bank avec Rs 30 milliards chacune.

Déboires en série

Pour la FSC, « the next step is now to risk rate these deposits according to the methodoly employed in the fi rst part of the exercise. By December 2018, we will be in a position to know for each local bank what percentage of GBC 1 deposits is likely to be withdrawn and if they have enough liquid assets and capital cushion to absorb the shock. » Difficile de dire à ce stade, secret bancaire oblige, si les premières indications relevées par la FSC dans le cadre de ce monitoring des retraits bancaires par des opérateurs du global business sector feraient partie des arguments poussant le gouvernement à ouvrir des négociations diplomatiques par voie de loud speakers avec l’Inde pour repousser le couperet du 1er avril 2019 de l’imposition de la capital gains tax pour des dealings sous le traité indo-mauricien. Toutefois, toujours en ce qui concerne le secteur bancaire, force est de constater le poids encore plus pesant des sociétés détentrices de global business licence.

Les derniers chiffres publiés par la Banque des Maurice révèlent qu’au chapitre ds crédits bancaires alloués au secteur privé à la fin d’octobre dernier, soit un montant global de Rs 360 milliards, une enveloppe de Rs 58,7 milliards avait été attribuée aux opérateurs dans l’offshore, avec un autre risque potentiel de banking stress. 2019, pour le global business sector, avec l’élimination des GBC 2 Licences effective à partir du 1er janvier, devrait s’avérer être une période cruciale pour la réforme de ce secteur économique présenté comme un des nouveaux piliers. Mais la réaction de New Delhi à la demande de Maurice en vue de revoir la mise en application de la capital gains tax sous le traité de non-double imposition devra déterminer l’ampleur de la transformation à venir. Un accueil favorable de l’Inde à la demande de Maurice devra renforcer et revigorer ce secteur. au cas contraire, les conséquences psychologiques devraient se payer cash.

Entre-temps, la prochaine visite du Premier ministre, Pravind Jugnauth, dans la Grande Péninsule en janvier en tant que Chief Guest du Pravasi Bharatiya Divas, devra constituer une occasion de tâter le pouls des autorités indiennes à ce sujet et d’élaborer un plan B pour le global business sector, qui a connu des déboires en série en 2018.

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