SUICIDE (PAROLES DE SURVIVANT): Je n’aime rien en moi

Jeune adulte, de nature « très timide, voire introvertie », Alvin, 23 ans, a ingurgité une forte dose de calmants, il y a peu. Ce qui l’y a poussé : « Depuis toujours, je n’aime rien en moi. Je vais toujours mal et je n’éprouve aucun plaisir à vivre… » Décidé à en finir, il y a quelque temps, le jeune cadre dans une société privée touche le fond… Sa mère, qui a toujours été vigilante en ce qui le concerne, s’est tournée vers Befrienders.
Au travail comme à la maison, Alvin vit très replié sur lui-même. « Quand j’étais au collège, confie-t-il, cela allait encore. J’avais quelques amis. Je ne broyais pas autant du noir… » Le jeune homme est fils unique. Sa soeur aînée étant mariée et mère de famille, il se retrouve seul… Quand il rejoint le monde du travail, il y a quelques mois, Alvin encaisse difficilement le choc du changement.
« Je n’arrivais pas à me faire des amis ni ne parvenais à nouer des liens avec mes collègues. Je restais dans mon coin. Et surtout, je n’avais aucune confiance en moi… », explique-t-il. Alvin est perpétuellement angoissé. « Je trouvais que je comprenais les rudiments du travail très lentement, continue-t-il. Du coup, j’avais en permanence mon superviseur sur le dos… »
Les pressions s’accentuant, le jeune homme se renferme davantage. « Ma mère a remarqué que j’allais de mal en pis », indique notre interlocuteur. Elle l’emmène ainsi chez un psychologue, pensant pouvoir l’aider à sortir de son état de repli. Le médecin lui prescrit, dans un premier temps, des psychotropes et des tranquillisants.
Mais le comportement d’Alvin ne change pas de manière positive, pour autant. « J’éprouvais toujours autant de difficultés à m’adapter au boulot. J’avais la peur constante de faire des bêtises quand on me confiait une tâche… Je prenais des heures pour m’acquitter d’un travail et évidemment, cela ne m’attirait que des ennuis, en conséquence ! »
Un soir, la pression étant devenue trop forte, Alvin avale une grosse dose des médicaments que lui avait prescrit son psychologue. « Heureusement que ma mère était très vigilante !, reconnaît le jeune homme. Je voulais vraiment en finir. Elle jetais souvent un oeil sur moi, venait dans ma chambre… »
C’est ainsi qu’elle découvre Alvin sans connaissance, les emballages des médicaments à ses côtés. Après un moment de panique, les parents du jeune homme se ressaisissent et l’emmènent pour des soins. On lui fait un lavage d’estomac ; il échappe de peu à la mort.
C’est dans le sillage de cette tentative de suicide d’Alvin que sa mère fait appel à Befrienders pour un contact et suivi.
S., animatrice qui l’a suivi, se souvient que « la première chose qu’Alvin m’a dite, c’était : “Je me trouve trop maigre…” Immédiatement, soutient S., « je me suis rendue compte que ce jeune homme avait un problème avec sa propre personne. C’était une foule de complexes enfouis en lui. Le travail qu’on allait faire avec lui requerrait de la patience. il fallait agir sur sa personne. Il fallait lui apprendre à se connaître, à s’aimer, à dégager les éléments qui le valorisent, alors que lui se concentrait majoritairement sur ce qu’il estimait être ses “défauts” … »
Alvin se révèle, en effet, un être aux problèmes identitaires multiples. « Je ne trouvais rien qui me faisait plaisir, avoue-t-il. Il n’y avait rien autour de moi qui me procurait du plaisir. J’étais dans cet état d’esprit en permanence. Il n’y avait pas d’événement majeur, de crise dans la famille ou d’autres types de problèmes. C’est juste que je n’arrivais pas à prendre goût à la vie… »
Graduellement, au fil des sessions de travail, S. et Alvin nouent un lien. « Quand il me balançait qu’il n’aimait pas son corps qu’il trouvait trop maigre, je lui répondais que moi, je ne le trouvais ni maigre ni gros. Que s’il trouvait qu’il n’avait pas un physique qui lui plaisait, il pouvait s’inscrire à un gymnase et pratiquer un peu de musculation… »
Idem quand Alvin déclare qu’il ne sait rien faire. « Il m’avait parlé du fait qu’il aimait écrire des petits poèmes, à ses heures perdues. Je lui ai demandé de m’en faire lire quelques-uns… » S. lui explique alors qu’elle trouve que « ses écrits, sans être fantastiques, car il faut aussi ne pas faire basculer la personne dans un univers irréel, étaient pas mal du tout. » C’est de cette manière que S., petit à petit, parvient à redonner confiance à Alvin. « En puisant dans les petites choses qu’il savait et aimait faire, je lui ouvrais les yeux sur les bons côtés de sa personne ; chose qu’il s’était totalement refusé de faire, jusque-là, tant il broyait du noir et avait des pensées négatives. »
S’agissant du cas d’Alvin, continue l’animatrice de Befrienders, « la complexité réside dans la psychologie de la personne. Ici, on ne peut s’attendre à des résultats, donc un changement de comportement dans le court terme. Il faut s’inscrire dans la durée. »
Du coup, l’animatrice se doit de prendre des nouvelles d’Alvin très régulièrement. « Il me répond souvent, quand je lui demande “comment tu vas ?”, qu’il va mal. Là, il m’explique qu’il ne dort pas ; que ses nuits sont agitées ; qu’il n’éprouve aucun plaisir à faire quoi que ce soit… Qu’il voit tout en noir. » C’est, assure S., « un travail de très longue haleine. Mais Alvin a ses bons jours, aussi. Et c’est de plus en plus souvent… »

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