Sur le bitume, les Parisiens à bout de nerfs après 15 jours de grève

Pare-chocs agglutinés, trottoirs bondés, vélos, trottinettes et scooters dans tous les sens… Après quinze jours de grève des transports en commun, Paris est devenue un capharnaüm permanent, rempli d’habitants à cran et où le nombre d’accidents enfle.

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Sur le boulevard Haussmann, en fin d’après-midi, devant les célèbres grands magasins: avec sa triple voie et ses hordes de touristes, l’endroit est déjà d’ordinaire une fourmilière.

Mais depuis que les transports parisiens et les chemins de fer nationaux tournent au ralenti pour protester contre une réforme controversée des retraites en France, le grouillement ordonné du carrefour a viré au pugilat. La route et le trottoir s’y affrontent dans une lutte sans merci.

Trois, deux, un, le feu passe au vert. Cyclistes, scooters, automobilistes, tous ceux qui retenaient leur souffle démarrent agressivement, certains en avance. Tant pis pour les retardataires engagés tardivement sur le passage piéton, les voilà contraints de s’arrêter au milieu des clous, coincés entre deux files de voitures qui se disputent le moindre centimètre.

Partout ailleurs, la même frénésie irrationnelle s’est emparée de la ville. « Les gens sont fous! », hallucine Amal El Matine, sur son bout de trottoir du IXe arrondissement. « Même quand ils voient qu’il y a des personnes âgées sur le passage piéton, même quand il pleut, même quand je suis postée devant le passage avec ma pancarte rouge +attention, écoles+, ils ne s’arrêtent pas! », raconte l’agent municipal de 36 ans.

La circulation parisienne n’a certes pas attendu la grève, ni les récents nombreux travaux dans la ville, pour se forger une âpre réputation.

Mais depuis que les transports souterrains sont à l’arrêt, la capitale française est devenue une caricature d’elle-même aux heures de pointe. En surface, Paris s’est transformée en huis clos à ciel ouvert où résonnent encore plus klaxons et altercations.

– Les deux-roues, premières victimes –

« J’ai l’impression d’être une poule qu’on essaie de faire avancer dans une basse-cour, avec des voitures, des motos, des scooters qui me crient dessus pour me faire avancer. Tout le monde gueule », soupire Adeline Goyet sur son vélo. La graphiste de 39 ans « essaie de ne pas ajouter à l’énervement ambiant », mais avoue que « c’est très dur ».

D’autant que les deux-roues sont les premières victimes de l’énervement général. Les accidents touchant des scooters, motos, trottinettes et vélos ont augmenté de 40% dans la capitale entre le 5 décembre, premier jour de la grève, et le 14 décembre, selon la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Sur ces dix jours, les secouristes n’ont toutefois pas constaté de blessés graves.

« Les gens sont moins bien équipés », complète le lieutenant-colonel Gabriel Plus, porte-parole de la brigade. « Des gens qui prennent habituellement les transports en commun ont récupéré un vélo en plus ou moins bon état et roulent parfois sans gilet jaune, casque ni éclairage. Ils n’ont pas l’habitude de circuler en deux roues dans Paris et n’ont pas toujours conscience des dangers ».

Motard, Hadrien Le Franchec assure jouer la prudence face aux incivilités, mais lui aussi finit par s’agacer.

« Quand vous voyez deux personnes sur une trottinette, et qu’ils roulent à contresens, que vous vous dites qu’ils ne sont pas assurés donc que s’il y a un pépin, c’est pour vous: forcément, ça énerve », confie ce patron de 28 ans, dont la start-up de locations de vélos et motos électriques croule sous les demandes.

« Il y a beaucoup de vélos, de trottinettes qui se trimballent à droite, à gauche », peste Brahim Amarai dans son taxi. « Ils se mettent en danger et ils nous mettent en danger. Ils me dépassent par la droite dès qu’ils peuvent », râle le quinquagénaire.

Cycliste depuis plusieurs années, Alice a hâte que cela se termine: « Vivement la fin de la grève et que les cyclistes du dimanche reprennent le métro », lâche-t-elle.

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